« Nous sortirons d’Egypte, nous et nos enfants »

« Nous pouvons avoir la liberté de culte…tout en laissant nos enfants en Egypte, la maison de servitude ! »

« Allez rendre un culte à l’Eternel votre Dieu ! »

Une exhortation encourageante, n’est-ce pas ? Mais de qui est-elle ?

Du Pharaon, le roi d’Egypte, celui « qui n’avait pas connu Joseph » (Exode 1v8).

Estimant qu’il avait trop d’immigrés chez lui, il trouva « un moyen pour limiter leur nombre », en réduisant le peuple d’Israël en esclavage (v9-10).

« Allez rendre un culte à votre Dieu », dit Pharaon à Moïse et Aaron, « mais qui va partir ? » (Exode 10v8).

Moïse déclara : « Nous partirons tous, avec nos enfants et nos vieillards, nos fils et nos filles, notre petit et notre gros bétail, car nous allons célébrer une fête en l’honneur du Seigneur. » 

Le pharaon répliqua avec ironie : « Que le Seigneur soit avec vous ! Vous croyez vraiment que je vais vous autoriser à partir avec vos familles ! Il est clair que vous avez de mauvaises intentions. Ce que vous proposez est inadmissible. Seuls les hommes iront rendre un culte au Seigneur, c’est tout ce que vous pouvez demander. » Et on les expulsa de chez le pharaon. (Exode 10v9-11)

Nous pouvons avoir la liberté de culte, tout en laissant nos enfants « en Egypte » !

L’Egypte, c’est « la maison de servitude », le pays de l’esclavage, où l’on est très à l’étroit et très angoissé.

Nous pouvons être déjà « sorti d’Egypte », mais avec la tentation d’y retourner, à moins de n’en être jamais parti !

Comment savoir si je suis « retourné (ou « resté ») en Egypte » ? C’est simple : si je ne sais jamais m’arrêter !

Or, Pâque (sans « s ») est initialement la fête de « l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays Égypte, de la maison de servitude. »(Ex.20v2),  « à main forte » et « à bras étendu ».
L’écrivain italien Erri de Luca décrit de façon poétique et évocatrice cette sortie : «Je t’ai fait sortir (Égypte) : du réseau de canaux du grand fleuve pour te mettre au sec de la liberté. Le Sinaï s’appelle aussi Horeb, assèchement. Telle est aussi la naissance, se trouver projeté à l’air libre. Une fois sorti Égypte, tu as entendu le bruit de grandes eaux se refermer après ton passage, une porte claquée dans ton dos. La sortie fut une naissance, aventure d’un aller simple. » (Erri de Luca. Et Il dit, pp 42-43)
« Sortir » ? Mais pourquoi ? Dans quel but ?
« Quand tes descendants demanderont pourquoi je t’ai fait sortir, ils compteront la valeur numérique de hotzetikha, « je t’ai fait sortir », et ils la trouveront égale à levasser, « pour annoncer ». Je t’ai fait sortir pour apporter une annonce.» (Erri de Luca, op. cit. p 43)

« Apporter une annonce » : c’est-à-dire, pour servir Dieu, proclamer et affirmer la bonne nouvelle :

« Sortez d’Égypte ! », dit Dieu. « Sortez de toutes vos Égyptes et de toutes vos servitudes ! »
— « Sortez maintenant, ne pensez pas que la pâte ait le temps de lever et de cuire avant de partir, partez maintenant ! »

— « Sortez d’Égypte ! C’est moi qui vous libère de l’esclavage ! »

— « Sortez tous d’Egypte ! Vous et vos enfants ! »

Oui, Dieu nous sauve de tous les esclavages, et c’est tellement dans son projet pour nous qu’il l’a inscrit jusque dans le nom de son fils Jésus, Yéshouah, Dieu sauve, Dieu élargit.

Ce projet n’est pas pour un peuple lointain du nôtre dans le temps ou dans l’espace. Ce projet de Dieu est pour nous ici et maintenant. Alors sortons tous d’Égypte ! Nous et nos enfants ! Maintenant ! Pour apporter l’annonce à Pâques de la victoire de Jésus-Christ sur la mort, «  le dernier ennemi qui sera détruit » (1 Cor.15v26)*

« (Jésus s’est fait homme), afin que, par la mort, il rendît impuissant celui qui avait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable. et qu’il délivrât tous ceux qui, par la crainte de la mort, étaient, pendant toute leur vie, assujettis à la servitude ».(Hébr.2v14-15)

*Cf cette prédication de Pâques.

« Fais mourir cet homme [Jésus] ! Relâche-nous Barabbas ! »

Bientôt Pâques, la fête où ceux qui appartiennent à Jésus célèbrent que leur Seigneur « est réellement ressuscité » !

La « semaine sainte » a commencé avec le dimanche dit « des rameaux » (l’entrée de Jésus à Jérusalem sur un ânon). Elle se poursuivra avec « jeudi saint » (le lavement des pieds et le repas de la nouvelle alliance, arrestation et condamnation à mort de Jésus), « vendredi saint » (la crucifixion), et « samedi saint » (veillée pascale), pour se terminer avec le dimanche de Pâques ou de la résurrection.

Une semaine déterminante où tout se décide et où l’on se souvient notamment que le peuple d’Israël a choisit de faire relâcher « Barrabas » (un émeutier et un meurtrier) plutôt que Jésus, réclamant à grands cris que celui-ci soit « crucifié », car, disaient-ils, « nous n’avons pas d’autre roi que César ! » (Jean 19v15).

Aujourd’hui, les Evangéliques américains doivent également décider s’ils veulent bien écouter et suivre celui qui leur promet en substance, dans un discours tenu lors de la réunion annuelle des National Religious Broadcasters (NRB)* le 22 février 2024 et analysé ici, sur le site de l’historienne américaine Kristin Du Mez :  « Si je suis élu, vous aurez beaucoup de pouvoir, vous n’aurez besoin de personne d’autre. »[“If I’m there, you’re going to have plenty of power, you don’t need anybody else.”]. C’est ce que disait déjà Donald Trump à des chrétiens américains, lors d’un meeting dans l’Iowa, en 2016.  

Or, c’est là le discours de la séduction et du mensonge, puisque cet « autre » inclut Jésus et Dieu.

Des chrétiens seraient-ils prêts, pour consolider une influence sur le déclin et retrouver un pouvoir coercitif, à s’allier avec le pouvoir politique ? Sauf que, comme le dit un proverbe inventé dans le roman « Dune » de Franck Herbert, « lorsque la religion et la politique voyagent dans le même chariot, les voyageurs pensent que rien ne peut les arrêter. Ils vont de plus en plus vite. Ils oublient alors qu’un précipice se révèle toujours trop tard. »

Mais les chrétiens peuvent se positionner autrement : ils peuvent choisir de renoncer à ce « deal » instrumentalisant la foi au service d’un projet idéologique, politique et culturel, et de couper avec toute forme d’emprise spirituelle, pour s’attacher ainsi résolument au seul « véritable », Sauveur et Seigneur, Jésus-Christ.

« Nous savons que nous sommes de Dieu, mais le monde tout entier gît sous l’empire du Mauvais. Nous savons que le Fils de Dieu est venu et nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable. Et nous sommes dans le Véritable, en son Fils Jésus Christ. Lui est le Véritable, il est Dieu et la vie éternelle. Mes petits enfants, gardez-vous des idoles » ( 1 Jean 5v19-21).

*Le National Religious Broadcasters (NRB) est une association internationale de communicateurs chrétiens située à Washington, DC, représentant des milliers de communicateurs chrétiens, y compris des stations de radio et de télévision, des producteurs de programmes, des sociétés de cinéma, les éditeurs et diverses autres organisations engagées dans les médias chrétiens.

« Des échecs à tous les niveaux » : comment des lanceurs d’alerte scientifiques ont révélé des violations massives de l’éthique dans un célèbre institut français

(Source image : revue Science)

Une histoire incroyable mais pourtant vraie…

Le 07 mars 2024, la prestigieuse revue américaine Science consacre un long article, décrivant comment la persévérance de scientifiques a permis de dénoncer toutes les libertés qu’avait prises un célèbre microbiologiste marseillais avec l’intégrité et l’éthique. Ironie du sort, c’est d’une revue scientifique que vient l’ultime coup de grâce, contribuant à « déboulonner » (voir plus haut, l’image illustrant l’article) celui qui s’était fait connaître par ses publications scientifiques !

Mais au-delà du phénomène, l’article pointe « l’échec à tous les niveaux » institutionnels, face à ses violations systémiques. Ce qui suit est la version française de l’article paru initialement en anglais dans Science, Vol 383, Numéro 6687 :

Avec six études publiées dans les années 2010, le microbiologiste français Didier Raoult a enrichi son palmarès déjà vaste de publications. Lui et ses collègues ont mené un large éventail d’enquêtes sur les maladies infectieuses et leurs traitements. Ils ont prélevé des échantillons de selles sur des patients sous traitement antibiotique à long terme, à la recherche d’altérations de leur microbiome intestinal. Ils ont écouvillonné la gorge des pèlerins quittant la France pour la Mecque, à la recherche de preuves de la présence d’une bactérie responsable des abcès cérébraux. Et ils ont étudié des échantillons de valvules cardiaques et de caillots sanguins provenant de patients souffrant d’inflammation cardiaque pour affiner les tests de recherche des bactéries à l’origine de la maladie.


Mais en janvier, les revues de l’American Society for Microbiology (ASM) qui ont publié ces articles ont annoncé qu’elles retiraient les six articles , ainsi qu’un septième rédigé par les collègues de Raoult. L’Université d’Aix-Marseille avait enquêté sur ces recherches, menées au sein de son Institut Hospitalier des Infections Méditerranéennes (IHU) affilié, un hôpital de recherche que Raoult a dirigé jusqu’à sa retraite en 2021. L’enquête a révélé que les travaux n’avaient pas été examinés par l’un des responsables français. comités d’éthique nationaux très réglementés. C’était donc en violation de la loi française et de la Déclaration d’Helsinki, un document éthique international qui guide la recherche clinique.
Dans une déclaration écrite envoyée à Science , Raoult affirme que l’ASM a rétracté les articles sans tenir compte des réfutations de son équipe aux critiques. Mais pour Lonni Besançon, ces rétractations justifient les inquiétudes que lui et d’autres ont exprimées depuis que Raoult et l’IHU ont fait irruption sous les projecteurs médiatiques au début de la pandémie de COVID-19, minimisant sa gravité et vantant les perspectives d’un traitement réussi.


L’informaticien de l’Université de Linköping et ses collègues critiques – un groupe d’individus obstinés, dont beaucoup étaient des universitaires étrangers – avaient initialement pour objectif de contester la mauvaise qualité des recherches menées par l’IHU, en particulier l’affirmation selon laquelle le COVID-19 pourrait être traité avec un antipaludique. le médicament hydroxychloroquine (HCQ). Mais ils se sont rapidement lancés dans une tentative dévorante de tirer la sonnette d’alarme sur les manquements éthiques dans la recherche de l’institut, remontant à au moins 15 ans.
Leurs efforts ont rencontré des réponses médiocres de la part des institutions scientifiques françaises
, dit Besançon, mais les rétractations en sont jusqu’à présent la conséquence la plus importante. Ils « confirment ce que nous soupçonnions », dit-il. « Mais j’espère que les choses iront plus loin. »
Raoult affirme que ses détracteurs sont des harceleurs et des cyberharceleurs qui ont mal compris le fonctionnement de la loi biomédicale française. Il dit qu’il a suivi les règles éthiques et qu’une grande partie des recherches critiquées ont porté sur les « déchets humains » – tels que les matières fécales – qui ne sont pas définis comme une recherche biomédicale selon la loi française.

Mais les manquements éthiques ne sont « pas contestés » au sein de la communauté scientifique, estime Philippe Amiel, avocat spécialisé dans l’expérimentation humaine. Les autorités sont au courant des problèmes de l’IHU depuis des années, ajoute Karine Lacombe, infectiologue à Sorbonne Université. S’ils avaient agi plus tôt, dit-elle, « le tableau de la pandémie en France aurait été totalement différent ».
Une enquête pénale contre l’institut Raoult est désormais en cours. Mais ses détracteurs se demandent pourquoi les institutions françaises ont mis autant de temps à s’attaquer aux violations systémiques à l’IHU, laissant à un groupe persistant d’étrangers le soin d’enquêter sur l’institut et de pousser à des mesures punitives. Et ils se demandent si Raoult et l’institut seront tenus responsables des nombreux manquements qu’ils ont allégués. «C’est un très gros gâchis», dit Lacombe.


Raoult est surtout connu pour ses travaux sur les rickettsies – bactéries transmises par les puces et les tiques – et sa découverte de virus géants. Il cumule les décorations nationales en France et dans son pays natal, le Sénégal, ainsi que les récompenses scientifiques prestigieuses, dont le Grand Prix 2010 de l’INSERM. Il a publié de nombreux articles, avec plus de 3 200 articles répertoriés sur PubMed, et est l’un des chercheurs les plus cités dans son domaine.
En 2011, Raoult a été choisi pour diriger le nouvel IHU de Marseille, l’un des six hôpitaux de recherche de pointe établis par le gouvernement du président Nicolas Sarkozy. L’IHU de Raoult, spécialisé dans la recherche sur les maladies infectieuses, a été lancé grâce à une subvention gouvernementale de 72 millions d’euros et a emménagé en 2018 dans un nouveau bâtiment imposant. Le pouvoir de l’institut est aussi bien politique que scientifique, estime Michel Dubois, sociologue des sciences au CNRS : « Quand vous ouvrez cet institut, quand vous créez un bâtiment, vous avez besoin d’un certain levier au niveau politique. »
Alors que l’Europe commençait à s’intéresser sérieusement à la pandémie de COVID-19 début 2020, les médias ont voulu savoir ce que Raoult et son institut pensaient de la situation. « Presque chaque jour, on pouvait voir une nouvelle interview de Raoult », raconte Antoine Bristielle, chercheur en sciences sociales à la Fondation Jean-Jaurès, un groupe de réflexion. « C’est devenu un phénomène qui s’est auto-renforcé… les médias s’intéressaient à ce qu’il disait, donc il est devenu très puissant auprès de la population française. Et puis, bien sûr, les médias le voulaient parce qu’il était capable d’attirer un large public.»
Dans les vidéos mises en ligne par l’IHU, Raoult est souvent assis dans un bureau, vêtu d’une blouse, de longs cheveux gris et une barbe légèrement hirsute. Il parle sobrement et doucement, fronçant légèrement les sourcils tout en prononçant des déclarations rassurantes : le nouveau coronavirus a un taux de mortalité qui n’est pas très différent des infections respiratoires généralisées ; un traitement sera bientôt disponible.


Les déclarations confiantes de Raoult ont attiré l’attention de Fabrice Frank, un ancien biologiste qui a quitté le monde universitaire et est devenu professeur de mathématiques et de physique au lycée. Au moment où la pandémie a frappé, Frank avait quitté la France pour le Maroc, où il a créé une entreprise informatique et a consacré son temps libre au surf. Il a été choqué d’entendre Raoult affirmer – avec peu de preuves, basées sur des recherches peu documentées en Chine – que l’HCQ, ou le médicament apparenté, le phosphate de chloroquine, serait un traitement efficace.
Victor Garcia, journaliste au magazine français L’Express , a vu des scientifiques exprimer leur scepticisme quant aux affirmations de Raoult sur les réseaux sociaux. Il a appelé l’IHU, supposant qu’il disposait de plus de détails susceptibles de contrer certaines des inquiétudes des critiques. Mais Garcia dit avoir reçu une réponse « étrange » de la part du chercheur de l’IHU, Jean-Marc Rolain. «Je suis un scientifique», a déclaré Rolain. « Si je te dis de prendre de la chloroquine, tu m’écouteras. » (Rolain n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires.) C’était «le début de ma démarche de questions», dit Garcia.


Le 11 mars 2020, le ministre français de la Santé Olivier Véran a invité Raoult à rejoindre le Conseil scientifique conseillant le gouvernement sur sa réponse à la pandémie. Quelques jours plus tard, Raoult et son équipe publiaient un article explosif dans l’ International Journal of Antimicrobien Agents , rapportant que l’IHU avait découvert que l’HCQ combinée à l’antibiotique azithromycine était un traitement efficace contre le COVID-19.
Bien que les résultats soient préliminaires et que d’autres chercheurs aient mis en doute les conclusions de Raoult, le battage médiatique sur le HCQ a augmenté, le président américain de l’époque, Donald Trump, vantant sa promesse et Raoult s’enthousiasmant sur YouTube. « Raoult disait : ‘Je comprends tout, j’ai une solution’, et les gens veulent ce genre d’informations en période de troubles », explique Bristielle.
Le soutien populaire à Raoult a engendré un soutien politique, ajoute Bristielle. « Si quelqu’un est aussi présent dans le paysage médiatique, les hommes politiques doivent l’écouter, sinon la population se méfiera vraiment de lui. » Le 26 mars, face à la forte résistance de certains autres membres du conseil scientifique, Véran a publié un décret autorisant la prescription d’HCQ aux patients hospitalisés atteints du COVID-19.

La consultante en intégrité scientifique Elisabeth Bik a décidé d’examiner de près l’article du HCQ. Microbiologiste de formation, Bik connaissait déjà Raoult et sa réputation de publication prolifique. Sur son blog, elle a souligné plusieurs problèmes qu’elle a constatés avec le journal : les patients n’avaient pas été répartis au hasard entre les groupes de traitement et de contrôle, ce qui aurait pu biaiser les résultats. Elle a également noté que six patients sur les 26 traités par HCQ ont été exclus des données, dont trois ont été transférés aux soins intensifs et un est décédé, ce qui a brossé un tableau plus favorable du traitement.
Besançon aussi était curieux. Il a examiné l’article, qui avait été soumis à la revue le 16 mars et accepté le lendemain, et a remarqué que l’un des auteurs était également rédacteur en chef de la revue. « Vous disposez donc d’un temps de révision très court et d’un conflit d’intérêts éditorial », dit-il. « Je trouve simplement que cela pourrait être un gros signal d’alarme. Mais je pensais que ce n’était qu’un seul journal. (Un éditorial de juillet 2020 dans la revue indiquait que la gestion de l’article avait été déléguée à un rédacteur adjoint afin de minimiser les biais potentiels, bien qu’il notait que « certaines des préoccupations concernant la méthodologie de l’article étaient fondées. »).


Au cours des semaines suivantes, deux autres études de l’IHU sont apparues, avec des délais d’évaluation par les pairs inhabituellement courts, toutes deux dans une revue dont l’un des auteurs était rédacteur associé. L’un de ces articles était une deuxième étude utilisant l’HCQ pour traiter 80 patients hospitalisés atteints du COVID-19 « légèrement infectés » ; presque tous se sont améliorés cliniquement. L’étude n’avait pas été examinée par l’un des 39 Comités de protection des personnes (CPP) français, les comités d’éthique indépendants hautement réglementés autorisés à approuver la recherche biomédicale. Au lieu de cela, il avait été approuvé par le comité d’éthique interne de l’IHU.
C’était suffisant, écrivent les auteurs, car il s’agissait d’une étude rétrospective sur des patients ayant reçu des soins médicaux normaux, les chercheurs examinant simplement leurs dossiers pour voir comment ils s’en sortaient. En France, ces études ne sont pas couvertes par la loi sur l’éthique de la recherche et ne nécessitent donc pas l’agrément d’un CPP. Au lieu de cela, les chercheurs demandent souvent l’approbation des comités d’éthique institutionnels – qui ne sont pas réglementés – pour fournir des détails sur l’approbation éthique aux revues. Mais si des échantillons sont collectés à la fois pour la recherche et pour des soins médicaux, l’étude doit alors être approuvée par un CPP, explique Amiel. « Dissimuler une étude prospective sous une étude rétrospective est une tentation bien connue », dit-il. La recherche non autorisée constitue une infraction pénale.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a déclaré avoir demandé à l’IHU la preuve que l’étude était bien rétrospective et, en mai 2020, l’agence a saisi l’Ordre des médecins français. Le parquet de Marseille, alerté de l’affaire par un informateur, annonce plus tard dans l’année que l’étude était rétrospective et abandonne l’affaire. Pourtant, ces premières inquiétudes ont incité Bik, Besançon et d’autres à examiner de près l’important dossier de publications de Raoult – et à accorder une attention particulière à l’approbation éthique.


Malgré le scepticisme croissant des scientifiques et autres, le soutien du public à Raoult a perduré. Un sondage de mai 2020 révèle que 30 % des Français lui font plus confiance qu’à Véran. En juin, selon les recherches de Bristielle, plus de 90 groupes Facebook le soutenaient, avec un total de près de 1,1 million de membres. D’ici Noël, les supporters pouvaient acheter un santon de Raoult – une petite figurine en terre cuite traditionnelle de Provence, où les crèches incorporent des personnages et des héros locaux.

Pendant ce temps, Frank, Garcia et d’autres critiques ont commencé à approfondir l’ensemble des recherches de Raoult. Bik dit qu’elle s’est d’abord concentrée sur les images contenues dans ses articles, car sa spécialité est de détecter la manipulation d’images. Mais, confrontée aux insultes de Raoult – et au harcèlement de ses collègues et partisans – elle a canalisé sa frustration en évaluant son vaste catalogue, trouvant d’autres études qui semblaient manquer d’approbation éthique appropriée.
Garcia avait également commencé à scruter les articles de l’IHU et a publié en juillet 2021 une enquête dans L’Express qui rapportait avoir trouvé 17 études entre 2011 et 2020, impliquant pour la plupart des sans-abri ou des réfugiés, qui avaient toutes utilisé le même numéro d’approbation éthique, même si le les études ont utilisé différentes méthodes pour répondre à différentes questions de recherche. L’un d’eux, par exemple, a effectué des prélèvements nasaux dans un refuge pour sans-abri pour tester la prévalence des microbes ; un autre a prélevé des échantillons d’expectorations et des radiographies pulmonaires des résidents du refuge pour tester la tuberculose. (Un représentant de l’IHU a déclaré à L’Express que l’utilisation répétée du code était le résultat d’« erreurs éditoriales ».) Encore une fois, le numéro d’approbation éthique provenait d’un comité d’éthique institutionnel et non d’un CPP, a rapporté Garcia.

Frank aussi avait commencé à creuser. Coincé chez lui au Maroc en quarantaine, il a parcouru Google Scholar pour trouver des études de l’IHU qui partageaient des codes d’approbation éthiques. Avec ses collaborateurs, dont Besançon, il a finalement découvert 248 études ayant utilisé le numéro d’agrément « 09-022 », représentant une seule demande au comité d’éthique de l’IHU.
Raoult était l’auteur de toutes ces 248 études, sauf 10. Il a déclaré à Science qu’il était « parfaitement vrai » que tous ces articles réutilisaient le numéro d’approbation éthique. Mais cela était permis, dit-il, car toutes impliquaient le même type de recherche : des analyses de bactéries présentes dans les excréments humains collectés lors de soins standards ou dans des déchets. Aucune de ces recherches ne relevait de la loi française sur la bioéthique, dit-il.
Mais Amiel affirme que les études décrivent des échantillons prélevés à des fins de recherche et pas seulement dans le cadre de soins standard, et que ce type d’étude devrait « sans aucun doute » être autorisé par un RPC. (Bien que beaucoup aient été menées avant l’entrée en vigueur de la loi française actuelle en 2016, cette recherche aurait quand même nécessité l’approbation du RPC en vertu de la loi précédente, dit Amiel.) Et bon nombre des 248 études ne reposaient pas sur les matières fécales, mais sur d’autres matériaux, notamment des échantillons vaginaux, de l’urine, du sang et même du lait maternel. Tout changement dans le protocole de recherche devrait donner lieu à une nouvelle demande d’approbation éthique, explique Amiel.
De nombreux articles impliquaient des enfants, et près de la moitié d’entre eux avaient été menés hors de France – en grande partie dans divers pays africains – sans aucun détail, voire flou, sur l’approbation des organismes éthiques locaux pour la recherche, selon Frank et ses collaborateurs. « Il y a eu tellement de violations de la loi sur l’éthique, depuis si longtemps », déclare Frank, qui a publié les conclusions du groupe dans Research Integrity and Peer Review en août 2023.


Une chute au ralenti
Les critiques ont pour la première fois soulevé des inquiétudes quant aux approbations éthiques des études de Didier Raoult début 2020, alors que la pandémie de COVID-19 a propulsé l’Institut hospitalier des infections méditerranéennes (IHU) de Marseille sur le devant de la scène. Ils estiment que les autorités et les journaux français ont mis beaucoup trop de temps à réagir.
Raoult affirme que les études reposant sur du matériel autre que des échantillons de selles ont bénéficié d’un « avis favorable supplémentaire » de la part du comité d’éthique local, mais que son équipe n’en a pas fait état dans ses articles. Le seul pays pour lequel son équipe n’avait pas d’approbation éthique était le Niger, ajoute-t-il, qui n’avait pas de processus d’approbation éthique avant 2016. Il dit que lui et ses collègues ont soumis une réponse à l’article de Frank et ont demandé à Springer Nature… l’éditeur de la revue – de le retirer. Un porte-parole de Springer Nature a déclaré : « Nous sommes conscients des préoccupations concernant ce document et étudions attentivement la question, conformément à nos processus établis. »
Le fait qu’autant d’études aient porté sur des populations vulnérables, comme celles vivant dans des refuges pour sans-abri, était « scandaleux », dit Bik. Les personnes vulnérables peuvent avoir l’impression qu’elles n’ont pas le choix de participer ou non à une étude de recherche, explique Lisa Rasmussen, éthicienne de recherche à l’Université de Caroline du Nord à Charlotte. « Ils ne sont pas en mesure de donner un consentement authentique. »


En réponse à l’attention des médias – mais plus de 18 mois après que Bik ait soulevé pour la première fois sur son blog des questions sur les approbations éthiques et les méthodes d’étude – les autorités françaises ont commencé des inspections à l’IHU. En octobre 2021, l’ANSM a indiqué avoir constaté des infractions et avoir saisi le procureur de la République, et qu’elle poursuivait son enquête. Le gouvernement français a également demandé à deux organismes de contrôle, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, d’enquêter.
Raoult affirme que ces inspections sont le résultat d’un « petit complot visant à faire croire que nous menions un essai illégal de traitement contre la tuberculose ». (Selon un article des médias , les patients de l’IHU atteints de tuberculose avaient reçu des traitements non éprouvés.) Raoult affirme que les agences n’ont trouvé aucun essai illégal de ce type et seulement trois problèmes mineurs avec d’autres projets de recherche. Cependant, tant le rapport de l’ANSM, rendu public en avril 2022 , que celui des agences de contrôle, publié 5 mois plus tard , notent que des patients de l’IHU ont reçu un traitement antituberculeux non homologué, certains souffrant d’effets indésirables graves. Cela pourrait constituer une infraction pénale, selon les organismes de contrôle.

Mais les rapports allaient aussi beaucoup plus loin, décrivant des préoccupations éthiques similaires à celles soulevées par Frank, Garcia et d’autres. Les organes de contrôle de l’État ont constaté que l’IHU s’appuyait fortement sur son comité d’éthique interne, « dont la composition ne garantit pas suffisamment son indépendance et dont les méthodes de travail ne permettent pas de prendre une décision éclairée ». Et l’ANSM a décrit des projets de recherche lancés sans ou avant l’approbation éthique, des formulaires de consentement manquants et des chercheurs qui ne comprenaient pas les règles éthiques. Ils ont trouvé des preuves d’une signature falsifiée sur un document d’approbation éthique pour une étude qui demandait aux étudiants de fournir des échantillons, y compris des écouvillons vaginaux et rectaux, avant et après le voyage, pour voir s’ils avaient ramené avec eux des souches bactériennes résistantes aux antibiotiques.
Les inspecteurs du gouvernement ont également fait état de « pratiques médicales et scientifiques déviantes généralisées au sein de l’IHU », notamment celles qui brouillent la frontière entre soins aux patients et recherche. Par exemple, les cliniciens ont rassemblé une série d’échantillons de chaque patient qui seraient ensuite archivés, éventuellement pour être utilisés dans des recherches futures. Lors du traitement des patients atteints du COVID-19, les cliniciens ont effectué une série de tests, notamment des tests PCR quotidiens et d’autres tests qui « sont une question de recherche et non de soins », ont rapporté les enquêteurs. L’institut a précipité la recherche dans une « course à la publication », indique le rapport, accumulant des centaines de publications chaque année – avec plus d’articles dans des revues de niveau inférieur que d’autres institutions similaires – et mobilisant des financements substantiels destinés à encourager des taux de publication élevés.
Les inspecteurs ont indiqué que l’INSERM, qui avait contribué à la création et au fonctionnement de l’IHU, s’était retiré de l’institut en 2018. Un porte-parole de l’INSERM affirme avoir constaté que plusieurs projets de recherche ne répondaient pas à ses normes scientifiques. Le CNRS s’en est retiré en 2016 et n’a « aucun lien » avec l’IHU depuis 2019, selon un porte-parole. Les rapports ne blâment pas spécifiquement Raoult pour ces échecs. Mais ils ont affirmé qu’il tenait fermement les rênes du pouvoir au sein de l’institut, des témoignages d’employés rapportant que Raoult était « omniprésent » et « décideur final », et que les autres dirigeants étaient « en totale conformité » avec les vues de Raoult.
L’ANSM a placé l’IHU sous sa tutelle afin de s’assurer que tous les futurs projets de recherche soient menés avec les autorisations nécessaires. Et tant les agences gouvernementales que l’ANSM ont de nouveau transmis leurs conclusions au procureur de la République. L’état de cette enquête n’est pas clair et le procureur, Nicolas Bessone, n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires. Raoult dit avoir « bon espoir » que les dossiers actuellement sous enquête soient bientôt clos. Des dossiers sont parfois renvoyés devant d’autres juridictions en France lorsqu’il peut y avoir des conflits d’intérêts locaux, explique Mathieu Molimard, pharmacologue de l’Université de Bordeaux, qui critique depuis début 2020 les déclarations et les recherches de l’IHU : « Nous préférerions que cela se voie à Paris. »


Malgré l’examen désormais minutieux de leurs travaux, Raoult et ses collègues ont publié en avril 2023 un projet de document qui a provoqué une nouvelle onde de choc sur les réseaux sociaux. «Je suis tombé de ma chaise», raconte Molimard. « C’est la plus grande étude contraire à l’éthique réalisée depuis des années, en France, peut-être dans le monde. … C’est incroyable. » Plus d’une douzaine d’organismes scientifiques seront par la suite d’accord avec son évaluation.
Raoult et ses collègues avaient analysé les données de 30 202 patients COVID-19 traités à l’IHU entre mars 2020 et décembre 2021, dont 23 172 ayant reçu une association d’HCQ et d’azithromycine. Pourtant, la France avait retiré l’autorisation temporaire de traiter les patients hospitalisés atteints du COVID-19 avec l’HCQ en mai 2020, après qu’un article paru dans The Lancet ait rapporté que l’HCQ n’était pas un traitement efficace contre le COVID-19 . (Cet article a ensuite été rétracté après que les données ont été remises en question, mais un essai contrôlé randomisé ultérieur publié par la collaboration de masse RECOVERY n’a également trouvé aucun effet. )
La prépublication montre que l’IHU a continué à prescrire ce médicament à grande échelle longtemps après, explique Molimard.

Raoult dit que lui et ses collègues ont décidé en avril 2020 de traiter les patients atteints de COVID-19 avec de l’HCQ « hors AMM », après que leur étude initiale les ait convaincus de l’efficacité du médicament. En France, comme dans de nombreux autres pays, les médicaments peuvent être prescrits pour des raisons extérieures à leur autorisation normale, mais cette prescription hors AMM doit avoir une justification médicale et scientifique, explique Amiel – et « dans ce cas, des preuves médicales et scientifiques solides ont établi que la prescription d’HCQ pour traiter le COVID est injustifiable« .
L’étude n’a également révélé aucune approbation d’un RPC ; la section éthique répertorie uniquement un numéro de référence du comité d’éthique de l’IHU. Comme ils l’avaient fait dans des articles précédents, les chercheurs ont déclaré que l’étude était rétrospective et analysait les données des patients provenant du système d’information de l’hôpital. Mais Amiel affirme que l’équipe de l’IHU était « très déterminée à prouver l’efficacité de son traitement », en soulignant les preuves – révélées par l’inspection gouvernementale – selon lesquelles elle effectuait quotidiennement des tests PCR pour vérifier les niveaux viraux, par exemple. « Il est parfaitement clair que l’étude s’appuie sur des données collectées dans un contexte mixte de soins et de recherche. »


Molimard estime que l’ANSM et le ministère des Solidarités et de la Santé auraient dû réagir immédiatement à cette publication. Consterné par leur silence, il a contacté diverses sociétés françaises, les exhortant à signer une tribune dans le grand journal français Le Monde, qualifiant l’étude de « plus grand essai thérapeutique ‘sauvage’ connu à ce jour ». Quatorze organismes scientifiques, dont la coalition nationale des comités d’éthique et la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, ont signé la lettre et, en juin 2023, l’ANSM a annoncé avoir de nouveau saisi le procureur. Le 30 octobre, l’article a néanmoins été publié dans la revue New Microbes and New Infections, propriété d’Elsevier .
L’ampleur du procès est sans précédent, dit Molimard. Il cite le cas récent de Jean-Bernard Fourtillan, un chercheur qui a testé des patchs de mélatonine sur des patients atteints d’Alzheimer et de Parkinson sans autorisation éthique. Son étude, dit Molimard, portait sur environ 300 patients : « Et il est allé en prison. »


Ces derniers mois, de nouveaux coups ont été portés sur l’IHU, à commencer par le retrait de deux rapports scientifiques en octobre 2023 pour manque de preuves de contrôle éthique au Niger et au Sénégal, où les études ont été menées. Raoult affirme que l’équipe a obtenu l’approbation éthique d’un comité d’examen institutionnel au Sénégal ; Comme le Niger ne disposait d’aucun processus d’approbation éthique au moment où l’étude a été menée, les collaborateurs locaux ont confirmé que la recherche était conforme aux lois locales, dit-il. Un porte-parole de Springer Nature, qui publie Scientific Reports , affirme que dans de tels cas, les chercheurs doivent toujours obtenir l’approbation éthique d’une autre source, comme une université. Les deux études font « partie d’une enquête plus large concernant des problèmes éthiques potentiels dans un certain nombre d’articles », selon le porte-parole.
Les revues PLOS ont signalé près de 50 autres articles de l’IHU exprimant des inquiétudes dans le cadre d’une enquête en cours, rapportée par Retraction Watch en décembre 2022. (Au moment où les études ont été soumises, les éditeurs de PLOS ne demandaient pas systématiquement de preuves d’approbation éthique, selon à David Knutson, responsable de la communication du PLOS.) En novembre 2023, le conseil d’administration de l’hôpital de Marseille a déclaré à l’agence de presse AFP qu’il « condamnait fermement » l’étude de masse sur l’HCQ ; l’IHU a déclaré qu’il « partageait » la réaction du conseil d’administration de l’hôpital. Et Elsevier a annoncé que New Microbes and New Infections avait ouvert une enquête sur les préoccupations éthiques concernant les articles de l’IHU publiés dans la revue. Un porte-parole d’Elsevier n’a pas confirmé si « l’essai clinique sauvage » faisait partie des articles faisant l’objet d’une enquête.
En décembre, les ministres français de la Santé et de la Recherche ont demandé à un organisme disciplinaire qui supervise les hôpitaux universitaires d’engager des poursuites contre les trois coauteurs de l’IHU de Raoult sur l’étude de masse sur le COVID-19, mais pas contre Raoult, qui a pris sa retraite à l’été 2021.


La lutte a fait des ravages parmi les critiques. Ils ont été confrontés non seulement à des abus de la part de ses partisans sur les réseaux sociaux et à des plaintes auprès de leurs employeurs, mais également à la menace de poursuites judiciaires de la part de Raoult, qui a fait l’objet de plusieurs plaintes juridiques financées par l’IHU. L’avocat de Raoult a déclaré que Raoult avait porté plainte contre Bik en avril 2021 pour harcèlement et chantage. Il a également déposé des plaintes juridiques contre d’autres critiques, notamment Lacombe ; Raoult a perdu son procès contre elle en novembre 2022. En science, dit Molimard, « on a l’habitude de débattre, d’argumenter… mais on n’a pas l’habitude de ça ! »
Malgré le harcèlement, Besançon se dit intrépide et entend continuer à critiquer le travail de Raoult. «J’ai grandi dans un quartier très pauvre», dit-il. « Vous savez, quand vous voyez des voitures brûler en France ? C’est là que j’étais… J’ai dû me défendre, apprendre à ne pas avoir peur des intimidateurs potentiels« . Bik non plus n’a pas l’intention de s’arrêter : « Je n’ai pas vraiment de carrière qu’il puisse ruiner », dit-elle. « Je ne vais pas le laisser me faire taire. »


Besançon et d’autres estiment que la réponse institutionnelle française a été d’une faiblesse inacceptable. Il y a eu « des échecs à tous les niveaux », dit Garcia : au ministère de la Santé ; dans le système judiciaire; au sein du conseil universitaire et hospitalier régional, qui assure la tutelle de l’IHU ; et à l’ANSM, qui n’a procédé à une inspection complète qu’après que des enquêtes médiatiques ont mis en lumière les problèmes. Les rédacteurs des journaux ont également été trop lents à réagir, dit Besançon. « Le plus souvent, il semble qu’ils ne se soucient pas de l’intégrité. »
L’IHU, le conseil régional des hôpitaux et l’ANSM n’ont pas répondu aux multiples demandes de commentaires. Le ministère de la Santé a indiqué dans une déclaration à Science que « plusieurs actions ont été prises par les pouvoirs publics en réponse aux manquements constatés à l’IHU ».
Une partie de l’échec réside dans la loi française sur l’éthique de la recherche, dit Amiel, qui est en décalage avec les normes internationales. «C’est provincial», dit-il. « Et c’est vraiment un problème. » Parce que la loi autorise certaines études sur l’homme sans approbation éthique, dit Amiel, des violations similaires se produisent ailleurs en France, mais pas à l’échelle de l’IHU. La meilleure solution serait de refondre la loi, dit-il, mais « je ne pense pas que ce soit une priorité pour le gouvernement pour le moment ».
Les relations étroites entre les pouvoirs politiques et les institutions scientifiques en France sont également responsables de la lenteur de la réponse institutionnelle, dit Lacombe. Sans les voix extérieures – comme Bik, Frank, Besançon, Molimard et Garcia – « je ne suis pas sûre que les choses auraient bougé », dit-elle.


Frank craint que la réponse médiocre envoie le message qu’il n’y a aucune conséquence pour de telles violations. « Peut-être que demain – j’espère que non – nous aurons le SRAS-3… et le message envoyé sera : « Ne vous inquiétez pas pour la santé publique. Montrez simplement votre visage, dites tout ce que vous voulez, et vous vendrez des livres, serez célèbre et aurez beaucoup de fans. C’est fou. »

Les lanceurs d’alerte (scientifiques et journaliste) cités dans l’article :

L’ancien biologiste Fabrice Frank , aujourd’hui consultant en informatique, a profité de son temps de quarantaine COVID-19 pour commencer à constituer une base de données de tous les documents de l’Institut Hospitalier des Infections Méditerranéennes (IHU) de Marseille qui semblaient réutiliser les numéros d’approbation éthiques. Lui et ses collaborateurs ont identifié 248 articles utilisant le même code, malgré des questions différentes, utilisant des échantillons différents, dans différentes populations de participants et dans différents pays.

Victor Garcia, journaliste au magazine français L’Express , a commencé à s’intéresser à Raoult lorsqu’il s’est enthousiasmé sur le potentiel de l’HCQ comme traitement contre le COVID-19. Garcia a couvert l’histoire émergente de l’IHU battement pour battement et y a publié deux enquêtes sur des abus éthiques. Peu après sa publication, l’Agence française de sécurité du médicament a commencé à inspecter l’IHU.

Elisabeth Bik, une détective de l’intégrité scientifique basée à San Francisco, a exprimé pour la première fois ses inquiétudes concernant les travaux de l’IHU sur l’hydroxychloroquine (HCQ) en mars 2020. Elle a ensuite identifié des problèmes éthiques et scientifiques majeurs dans des dizaines d’articles de l’IHU, sous l’impulsion, dit-elle : par les insultes de Didier Raoult et de ses partisans.

Lonni Besançon, informaticien à l’université de Linköping, est devenu curieux du travail de Raoult après avoir remarqué un article publié dans une revue dont un auteur était également rédacteur en chef. Il a co-écrit plusieurs articles sur les manquements éthiques et les problèmes méthodologiques dans la recherche à l’IHU, et a milité pour que les revues enquêtent et retirent les travaux problématiques.

Mathieu Molimard, pharmacologue à l’Université de Bordeaux, a commencé à contrer les affirmations de l’IHU concernant l’HCQ en avril 2020. Indigné par l’absence de réponse des autorités françaises à la publication par l’IHU d’un essai apparemment non autorisé sur l’HCQ, Molimard a rallié les représentants de 14 sociétés scientifiques françaises. signer une lettre ouverte dans Le Monde.

Découvrir l’article en anglais de Cathleen O’Grady, paru dans Science, Vol 383, Numéro 6687

« On ne combat pas le mensonge en discutant avec lui », mais « en prenant la parole, en rappelant les faits, en informant »

« On combat le mensonge en prenant la parole, pour rappeler les faits…… »

 « Pour discuter, il faut une base commune qui repose sur la factualité de ce dont on parle », souligne le théologien Antoine Nouis dans un édito pour l’hebdo Réforme daté du 06/03/24(1). En effet, il ne saurait y avoir de « fait alternatif », et « on a reproché à Emmanuel Macron d’avoir continué à parler avec Vladimir Poutine[Le Président russe réélu pour la cinquième dimanche 17/03 à plus de 87 % des voix, malgré la répression, la mort de l’opposant Alexeï Navalny et l’assaut contre l’Ukraine(2)], jusqu’au moment où il a renoncé devant les mensonges continuels du président russe ».

Et le théologien de rappeler qu' »en hébreu, le verbe mentir a la même racine que les mots figer, geler et lier, enchaîner. Le mensonge enferme son auteur dans une logique qui l’empêche de parler selon son cœur et de bouger. Quand la vérité n’est plus une valeur, plus rien ne circule, comme si, dans un corps vivant, tout se coagulait ». D’autre part, ajoute Antoine Nouis, » le mensonge a tendance à se multiplier car il entraîne d’autres mensonges qui enferment progressivement dans leurs filets », citant Alexandre Soljenitsyne, lequel a dit, dans son discours de réception du prix Nobel : « La violence ne trouve son refuge que dans le mensonge et le mensonge ne trouve son appui que dans la violence. Tout homme qui a opté pour la violence doit inexorablement choisir le mensonge comme son principe. » 

Comme le mensonge finit toujours en impasse, le menteur ne peut s’en sortir que par la violence. Les régimes totalitaires qui utilisent la violence pour se maintenir en place, utilisent toujours le mensonge pour justifier, ou camoufler, leurs méfaits. En théologie, le prince du mensonge est un des noms du diable, (….)une force spirituelle qui cherche à prendre autorité sur une personne pour l’enfermer dans une logique maléfique. Vladimir Poutine est dans une impasse où il se trouve de plus en plus isolé et prisonnier de ses mensonges, sa politique répressive face à toute parole de contestation en est le signe. Comme on le constate tous les jours, le diabolique est une œuvre de mort ». 

Au final, prévient Antoine Nouis, « on ne combat pas le mensonge en discutant avec lui, selon l’aphorisme du Talmud qui dit à propos d’un menteur : « Non seulement ce qu’il dit n’est pas vrai, mais le contraire de ce qu’il dit aussi. », mais « on combat le mensonge en prenant la parole, en rappelant les faits, en informant« , ce que font « les dissidents en Russie avec un courage qui force notre admiration »(1).

Pour aller plus loin, voir aussi cette analyse d’Erri de Luca : « Le retour des guerres d’invasion en Europe nous replonge dans le 20e siècle, et ne représente aucunement une anticipation de l’avenir. Je pense, par ailleurs, que ce sont les dictatures qui, par nature, sont fragiles, pas les démocraties. En général, lorsqu’un régime dictatorial se lance dans une aventure militaire de cette envergure, il finit, en effet, par être renversé ».

Notes :

(1) Cf https://www.reforme.net/editoriaux/2024/03/06/poutine-le-mensonge-et-la-mort

Par ailleurs, si Jésus-Christ, Notre Seigneur, «est la vérité », quelle conséquence pratique pour nous, qui prétendons le suivre, aujourd’hui ? « Tu t’abstiendras de toute parole mensongère », nous commande Exode 23v7 [TOB : « de toute cause mensongère »]. Mot à mot : « tiens-toi loin »Il ne s’agit pas seulement de ne pas mentir, mais de se tenir éloigné du mensongede prendre ses distances pour ne pas laisser le moindre espace au mensonge. Une méditation détaillée sur ce thème à lire sur Pep’s café!

(2) Voir, notamment https://www.lefigaro.fr/international/russie-vladimir-poutine-reelu-pour-un-sixieme-mandat-avec-87-des-voix-20240317 et https://www.ladepeche.fr/2024/03/19/entretien-vladimir-poutine-reelu-sa-priorite-est-lukraine-et-le-regime-va-continuer-a-serrer-la-vis-analyse-un-specialiste-11833410.php

« J’ai soif » : une parole de Jésus-Christ en croix

Dans cette prédication* du dimanche 10/03 (à partir de 25’26’’), le Pasteur Gilles Boucomont de l’église de Paris-Belleville nous expose tout ce qu’implique cette parole de Jésus-Christ en croix : « j’ai soif » (Jean 19v28-30). Et à quel point elle nous rejoint.

Pour ma part, au moment de la mention du vinaigre, je me suis demandé si Jésus n’avait pas enduré pour nous un « Dayènu » à l’envers (ce que chantent les Juifs à Pessah – Pâque**), pour que nous le vivions « à l’endroit » ?

Bonne écoute édifiante !

*Une prédication entrant dans le cadre d’une série sur le thème des 7 paroles de Jésus en croix, durant la période de Carême – avant Pâques.

** « Dayènu » – « ça nous suffit », est un poème lyrique – certainement chanté par Jésus avec ses disciples, le dernier soir de sa mort – qui apparaît en première partie du seder juif et par lequel l’on remercie Dieu pour toutes ses œuvres de libération en Egypte. A chaque rappel de ces interventions divines, le choeur répond : « dayènu », « ça nous suffit ».

7 lectures (sinon rien) de Pep’s café!

A l’approche du week-end, voici ma sélection de lectures, très diverses en genres et en thématiques, chrétiennes ou non.

Commençons avec :

1) Le Ministère du futur, de Kim Stanley Robinson. Ed. Bragelonne, 2023.

Un bien curieux objet littéraire du futur, entre réalisme et « hard science »(sous genre SF marqué par une grande précision scientifique), dans lequel un grand auteur de SF utilise tous les moyens narratifs et explicatifs à sa disposition pour nous proposer d’autres manières de penser la crise climatique dans toute sa complexité, sans oublier d’y répondre concrètement.

2) Commandant, de Sandro Veronesi et Edoardo Angelis. Grasset, 2023

Un roman polyphonique (adapté en film par les deux auteurs) mettant en lumière un fait méconnu de la seconde guerre mondiale. Ou quand sauver des vies en mer (même s’il s’agit d’ennemis) n’est pas seulement une obligation légale, mais bien une obligation morale, comme le proclame le fameux « Commandant » Todaro du titre : « Nous sommes des marins, des marins italiens, nous avons deux mille ans de civilisation derrière nous, et nous agissons en conséquence ».

3)La Source, de J.A. Michener. Albin Michel, 2020.

En 1964, grâce au financement d’un multimillionnaire américain, quatre archéologues (un britannique catholique, un israélien, un arabe) entreprennent des fouilles sur le site de Makor (« la source ») en Israël. À chaque niveau, ils mettent au jour des objets évoquant la vie de ceux qui ont vécu sur ces terres depuis la nuit des temps. À partir de cet épisode fictionnel, James A. Michener recrée, d’une manière extraordinairement vivante, avec toute sa maestria de romancier amateur d’histoire, la vie à Makor sous la domination successive des Cananéens, des Hébreux, des Égyptiens, des Babyloniens, des Turcs et des Anglais. Et c’est ainsi que sous nos yeux se déroule la passionnante histoire de la Palestine : Terre promise, Terre sainte. 

« Ceci est un roman. Le roi David et Abisag la Sulamite, Hérode le Grand, le général Petrone, Vespasien et Titus, Flavius Josèphe et Maïmonidès ont vécu. Acre, Zefat et Tibériade sont toujours debout en Galilée. Les descriptions que nous en donnons sont exactes : mais Makor (la source en hébreu), son site, son histoire et ses fouilles sont purement imaginaires » (note de l’auteur).  

Un roman et un auteur à découvrir. James A. Michener nous donne toujours l’impression d’être plus intelligent après avoir lu ses livres, et l’on quitte généralement ses personnages à regret une fois le livre refermé. Sentiment éprouvé avec « Colorado saga » et « Chesapeake », dont je conseille également la lecture, avec son roman « le Roman ».

4)Kruso, de Lutz Seiler. Ed. Verdier, 2018

Ce premier roman allemand initiatique, remarquablement bien traduit, et qualifié de « poème raconté jusqu’au bout », nous transporte à Hiddensee, une île de la Baltique sous le joug de l’Allemagne communiste : « une île des bienheureux, des rêveurs et des somnambules, des échoués et des rejetés ».

Ed, un ancien ouvrier maçon et étudiant de 24 ans, qui vient de perdre sa compagne, y débarque au printemps 1989, alors que la RDA vit ses derniers mois. Il trouve un emploi de plongeur à l’hôtel « Zum Klausner » (« chez l’Ermite »), dont le personnel est composé de figures énigmatiques, et se lie d’amitié avec « Kruso » (qui nous rappelle un certain « Crusoé »), ordonnateur d’une société idéale où la poésie joue un rôle libérateur et décisif.

5)Torture blanche, Narges Mohammadi. Albin Michel, 2024.

Dans ce livre indispensable, paru en français le 06 mars 2024, la Prix Nobel de la Paix 2023 nous transmet sa propre expérience de détention, ainsi que les voix de 12 autres prisonnières politiques et militantes iraniennes, qui ont connu, comme elle, « la torture blanche » – la cellule d’isolement – et dont elle a recueilli la parole en prison. Un travail de documentation effectué dans des conditions particulièrement dangereuses et d’autant plus précieux que les récits de détention sont très rares en Iran.

6)Quelle fraternité pour notre siècle ? Réinventons le nous. Ed. Bibli’O, 2024 (La Bible tout en nuances)

Un livre de cette excellente collection à lire, à l’heure où vivre en fraternité est un défi. Un parcours à trois voix, avec un angle théologique et biblique (Isabelle Grellier-Bonnal), qui montre ô combien la fraternité est une relation à construire dans la Bible, avec les exemples de Caïn et Abel, Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü, Marthe et Marie ;  un angle « pastoral », celui de l’aumonier de prison (Bruno Lachnitt), le lieu où l’on met à l’écart de la société. Et enfin, l’angle du journaliste politique, spécialiste en stratégie militaire et en analyse de conflit(Pierre Servent) : « coudre ou en découdre ? » Là est la question pour mieux vivre la fraternité. Reçu en service presse de la part de Laurène de La Chapelle, chargée de communication pour l’Alliance Biblique Française, que je remercie !

7)La Bible, commentaire intégral verset par verset/3 : les livres poétiques, par Antoine Nouis

Après le pentateuque et les livres historiques, Antoine Nouis nous livre un commentaire verset par verset des 5 livres poétiques de la Bible (Job, Psaumes, Proverbes, Cantique des cantiques, Qohéleth – Ecclésiaste) : « cinq livres (vus par l’auteur) comme cinq regards sur l’existence humaine ; lus ensemble, ils forment un recueil qui parle à toutes les circonstances de la vie ».

Nous apprécions, outre la présence du texte biblique intégral (version NBS) les nombreux parallèles entre l’Ancien et le Nouveau Testament, les explications étymologiques, les abondantes références culturelles, ainsi que l’approche à la fois pastorale et spirituelle.

Parfois déroutant mais une lecture exégétique, actualisée et méditative, de nature à nous permettre de mieux saisir le sens du texte, y compris dans ses passages les plus déconcertants et obscurs.

Bonnes lectures édifiantes !

Les chèvres : « boucs émissaires » faciles !


« Les Chèvres », « film à costumes » et comédie sur fond historique de Fred Cavayé, avec Dany Boon, Jérôme Commandeur et Claire Chust, vu récemment en salle, n’est heureusement pas le navet soupçonné et dénoncé ça et là.

En effet, le film est bien servi par une reconstitution d’époque réaliste (la France du XVIIe – on reconnaît Monpazier, considéré comme l’un des plus beaux villages de notre pays) et une galerie de personnages bien choisis et bien interprétés, tels Dany Boon en avocat médiocre et mal peigné, ou Jérôme Commandeur en « star du barreau » irritant qui déteste la boue mais aime y traîner les autres.

Le spectateur appréciera aussi le propos original et loufoque du film, à condition de le prendre tel qu’il est [voir notamment la scène de la mouche, lors d’une « démonstration » de l’avocat joué par Dany Boon], et ce, d’autant plus que le scénario à décoder est plus fin qu’il n’y paraît – avec un message sous-jacent relatif aux problématiques de notre temps : une certaine justice spectacle impitoyable (à l’instar de certaines émissions tv « d’info-divertissement » et de leur présentateur-« gourou »), où l’essentiel n’est pas la recherche de la vérité des faits, ou de convaincre le jury, mais plutôt de mettre le public (et les rieurs) de son côté, en le retournant comme une crêpe ; la peur de l’étranger – érigé en bouc-émissaire facile, à l’instar de la fameuse chèvre accusée de meurtre – que l’on dit « reconnaître », alors qu’on n’en a jamais vu ; une vision de l’obtention de la nationalité par le « droit du sol » qui réunit, par opposition à une certaine politique du « droit du sang » qui divise et sépare les habitants d’un même village…..

Au-delà de ce film à voir, parce que souvent drôle et plutôt réussi, nous prenons conscience que nous n’avons pas (ou plus) à chercher de « bouc-émissaire ». En effet, Jésus-Christ a été, en tant que l’Agneau de la Pâque [cf Jean 1v29, 36 ; 1 Cor.5v7] le « bouc émissaire » et le sacrifice ultime mettant fin à la logique des sacrifices et rendant vaine toute recherche de bouc-émissaire. Il est aussi « Notre Paix », Celui qui a abattu les murs d’inimitié et de séparation, rendant vaine toute (re)construction de tels murs (Eph.2v14). 

C’est là « la Bonne Nouvelle » ou la Meilleure des nouvelles de l’Evangile !

En bref : 

« Les Chèvres », film de Fred Cavayé (2024), avec Dany Boon, Jérôme Commandeur, Claire Chust….

Résumé : Au XVIIe siècle il était parfois fait mention de procès impliquant des animaux. Maître Pompignac, un avocat méprisé du barreau, croit avoir trouvé l’affaire de sa vie : défendre la jeune et apparemment innocente Josette, accusée à tort du meurtre d’un maréchal de France… Cependant, il n’avait pas prévu de se retrouver face à son redoutable adversaire, le réputé Maître Valvert, ni de découvrir que Josette n’est autre qu’une chèvre !

Source : https://www.unifrance.org/film/57546/les-chevres

En bonus, la bande originale du film :

Pluralisme des médias : pourquoi la décision du Conseil d’Etat n’est pas contraire à la liberté d’expression mais fidèle à l’esprit des lois

« En France comme ailleurs, le pluralisme ne résulte pas du jeu du marché ; il se construit« 

Souvenez-vous : dans une affaire relative à CNews, le 13 février, le Conseil d’Etat a enjoint au régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom (ex-CSA), de se montrer plus exigeant à l’égard du pluralisme de l’information.  Très vite, les critiques fusent : « atteinte à la liberté d’expression » pour les uns, « coup de force des juges », ou encore « premier signe d’un régime autoritaire » pour les autres. 

« C’est pourtant tout l’inverse », explique Camille Broyelle, professeure de droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas et spécialiste des médias. « Il faut le comprendre et ne pas se laisser impressionner par l’argument de la liberté d’expression, si souvent brandie par ses plus grands fossoyeurs ». 

Dans une tribune au « Monde » (27/02/24), elle explique que la décision du Conseil d’Etat du 13 février sur la diversité des points de vue à la télévision n’est pas contraire à la liberté d’expression, mais fidèle à l’esprit de nos lois :

En effet, poursuit-elle, « rappelons tout d’abord le droit en vigueur : « L’Arcom assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d’information politique et générale », comme l’énonce la loi du 30 septembre 1986 (article 13). 

Le législateur a ainsi imposé aux chaînes un pluralisme interne, c’est-à-dire l’expression de points de vue différents au sein même de leur programmation. Jusqu’à présent, le régulateur se contentait d’en déduire une obligation de répartition équitable des temps de parole des « personnalités politiques » dont il dressait la liste. Certaines chaînes ont cependant entrepris de confier aux présentateurs et aux chroniqueurs le soin d’exprimer des opinions partisanes.  
Le seul calcul des temps de parole des personnalités politiques est ainsi devenu obsolète. Désormais, pour assurer l’effectivité du pluralisme, il faudra, selon le Conseil d’Etat, prendre en compte, « dans l’ensemble de la programmation, la diversité des courants de pensée et d’opinion exprimés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés ». L’Arcom est ainsi appelée à créer un nouvel outil capable de mesurer si une chaîne, dans sa globalité, représente ou non différents points de vue.  

Aujourd’hui comme hier, le pluralisme interne restreint nécessairement la liberté éditoriale des chaînes de la TNT. Il faut pourtant comprendre que la liberté des médias n’est pas la liberté d’expression de l’individu appliquée aux médias. Chercheur à la London School of Economics, Damian Tambini l’a très bien montré dans un ouvrage marquant (Media Freedom, « liberté des médias », Polity, 2021, non traduit). En France, comme dans la plupart des démocraties libérales − les Etats-Unis font exception −, cette liberté est tout entière tournée vers l’utilité sociale des médias et le rôle fondamental qu’ils exercent dans la vie démocratique [RQ perso : un principe par ailleurs biblique, que les chrétiens peuvent comprendre, vu qu’ils sont censés viser « l’utilité commune » dans le libre exercice des dons spirituels cf 1 Corinthiens 12v7]

Le Conseil constitutionnel l’a parfaitement exprimé lorsque, expliquant les exigences du pluralisme, il conclut : « En définitive, l’objectif à réaliser est que les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de [la liberté de communication], soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché. » 

La doctrine du libre marché des idées promue aux Etats-Unis est aux antipodes de nos valeursPrécisément, les opinions ne doivent pas constituer la proie des intérêts économiques.  

En France comme ailleurs, le pluralisme ne résulte pas du jeu du marché ; il se construit. Dans le secteur de la presse, il est soutenu par un dispositif d’aides publiques qui permet d’assurer la diversité des titres. On parle alors de pluralisme externe. Lorsqu’il ne peut être réalisé, l’exigence de pluralisme interne prend le relais. C’est le cas s’agissant de la TNT.  

Les chaînes sont en effet diffusées par des fréquences hertziennes dont le nombre est limité. Sans doute peuvent-elles désormais s’en dispenser et être exclusivement distribuées sur d’autres réseaux, en particulier sur Internet. Ce sont pourtant les chaînes de la TNT qui rassemblent la plus large audience, ce qui explique l’importance pour un éditeur de télévision de disposer d’un canal hertzien plutôt que de migrer en ligne.  

En dépit des évolutions considérables, actuelles et à venir, des modes de consommation des contenus audiovisuels, les chaînes de la TNT exercent toujours un rôle majeur sur l’opinion. C’est pourquoi l’espace d’expression sur la TNT doit par lui-même, indépendamment des autres lieux de communication publique, garantir le pluralisme. Or, sur la TNT, ce pluralisme ne peut être réalisé par la diversité des acteurs. Il faut en effet être riche pour exploiter une chaîne de télévision − un financement public est inenvisageable tant son coût serait exorbitant. Affranchir la TNT de l’obligation de pluralisme interne reviendrait ainsi à confier à la puissance de l’argent le soin de choisir les opinions autorisées à s’exprimer sur les ondes.  

Alors qu’en 2025 l’Arcom remettra en jeu quinze autorisations pour quinze chaînes de télévision, le Conseil d’Etat a donc raison de réaffirmer les exigences du pluralisme, afin que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics n’accaparent le téléspectateur pour lui dicter ses choix« .  

Double chute : « répondre au patriarcat par le matriarcat » (Genèse 3)

(News lovers in the)Planet of the Apps (2013) Huile sur toile 36” x 36” de Patrick McGrath Muñiz


Dans la foulée du vote des parlementaires réunis en congrès le 04 mars 2024, validant l’article unique du projet de loi constitutionnelle sur l’IVG [au point de faire scintiller la Tour Eiffel et de prétendre que jusqu’à cette date, la France n’était pas encore « dans l’histoire » et qu’elle va y entrer par ce sujet], voici un article à lire du Pasteur Gilles Boucomont de Paris-Belleville, paru sur « le site Servir ensemble ».
 
Extraits :
 
Quand dans « le très connu épisode d’Adam et Ève rencontrant le serpent (en Genèse 3) », qui « donne lieu à une punition très étonnante de la part de Dieu, qui dit à la femme : « Je multiplierai la peine de tes grossesses. C’est dans la peine que tu mettras des fils au monde. Ton désir se portera vers ton mari, et lui, il te dominera. », d’aucuns voudraient voir là une justification de la domination masculine ».
L’auteur y voit « au contraire une condamnation ontologique du patriarcat.
En effet, le patriarcat est ici présenté comme une conséquence du péché. Il est donc le signe même d’une humanité qui a chuté, d’une société qui a fait échouer le projet initial du Créateur. Le patriarcat est donc la pomme pourrie de l’échec, il est vraiment, je pense, le signe même d’une humanité qui veut vivre sans Dieu, qui prétend créer — péché immense — une domination de l’humain sur l’humain.
 
Pourtant, justement, dans la narration qui précédait, l’Humain devait dominer sur toute la création animale et végétale, mais assurément pas sur les autres humains. La domination de la femme par l’homme devient ainsi la deuxième malédiction, la deuxième parole de malheur prononcée par Dieu sur l’humanité, après celle où il a dit que l’isolement était mauvais pour l’Humain. Ce récit de Genèse 3 fait donc du patriarcat la première malédiction de la nouvelle économie terrestre, après la chute.
Quelques versets plus loin, en Genèse 4,1, il est dit que « L’homme eut des relations avec Ève, sa femme ; elle fut enceinte et mit au monde Caïn. Elle dit : J’ai produit un homme avec le Seigneur. »
La rivalité homme-femme, la domination mise en place à cause du péché, porte à conséquence. Est-ce une volonté de vengeance de la femme ? Je ne sais pas, et le texte ne permet pas de trancher. En tout cas, elle dit qu’elle a fait un enfant avec le Seigneur »(….)
 
L’auteur y voit « personnellement (….) la tentative de répondre au patriarcat par le matriarcat, par la prétention de ne plus avoir besoin du mâle, de l’homme, bien qu’il ait pris sa part au projet, d’après le verset. Ainsi la tentative matriarcale serait une réponse frustrée de surenchère, face à un mauvais système. Elle serait un essai de remplacer la domination de l’homme sur la femme par la domination de la femme sur l’homme. D’autant plus que pour le second enfant, nulle mention n’est faite d’une paternité terrestre… Et l’on sait toute la pathologie que cela créera à la deuxième génération, avec l’irruption du meurtre ».
 
Face au patriarcat comme au matriarcat, quel appel pour les chrétiens et les chrétiennes ensemble ?
 
Découvrir l’intégralité de l’article de Gilles Boucomont sur le blog « Servir ensemble ».
 

Constitutionnalisation de l’IVG : « Dès qu’une liberté est « garantie », ça crée de facto un droit »

Le 28 février 2024, le Sénat a largement adopté en première lecture, sans modification, le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, dans le cadre d’un processus engagé fin 2023 par le Président de la République, par 267 voix pour, 50 voix contre et 22 abstentions. 

L’article unique du projet de loi modifie l’article 34 de la Constitution pour y inscrire que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Le texte ayant été voté dans des termes identiques par les deux chambres (les députés ayant adopté le projet de loi sans modification le 30 janvier 2024), le Parlement est convoqué en Congrès à Versailles le 4 mars 2024. Pour que la révision de la Constitution soit définitivement adoptée, les députés et les sénateurs devront encore l’approuver – mais sans l’amender – à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés [MAJ 04/03/24 : Au final : 780 voix pour, 72 voix contre, 50 abstentions, dont celle du Président du Sénat. Le projet de loi constitutionnel est donc adopté. Pour savoir « qui a voté quoi », voir sur le site de l’Assemblée nationale]

Plusieurs sénateurs de droite, parmi la centaine hostiles au départ, expliquent avoir changé d’avis. Certains évoquent notamment des discussions familiales et des arguments invoqués par les femmes de leur entourage. Tel Thierry Meignen qui a expliqué avoir « évolué » à leur contact pour « être du bon côté de l’histoire ». Et de toute façon, comme le déclarait au Monde en novembre François-Xavier Bellamy, tête de liste LR pour les élections européennes de juin, « on a trop de sujets décisifs à traiter pour notre pays et l’Europe pour entrer dans ces querelles byzantines, comme la constitutionnalisation de l’IVG ».

Un accord politique a pu donc être trouvé en faveur de la constitutionnalisation de l’IVG autour de la notion de « liberté garantie« .

Mais il s’agit là d’« un ovni juridique« , puisque « l’on ne connaît pas de modèle de liberté garantie dans la Constitution« , relèvent Guillaume Baticle, doctorant en droit public  et Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay, dans une contribution (relue par Clément Benelbaz, maître de conférences en droit public, Université Savoie Mont Blanc, et Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitier) pour les Surligneurs. « Dans ces conditions », soulignent les juristes, « deux lectures sont possibles : Première lecture, la liberté garantie n’est jamais qu’une liberté. Toutes les libertés sont garanties, en particulier par la Constitution et les juges, qui peuvent être saisis contre l’État s’il entrave trop une liberté. Seconde lecture, la liberté garantie se rapproche du droit ».

C’est dans cette optique que Diane Roman, professeure de droit public à l’école de droit de la Sorbonne, juge que le nœud du débat n’est pas dans l’opposition entre « droit » et « liberté », mais plutôt dans le verbe « garantir ». En effet, souligne la juriste, « dès qu’une liberté est « garantie », ça crée de facto un droit. La liberté d’expression est garantie donc ça vous donne le droit de vous exprimer librement… »(1)

En conséquence, expliquent « les Surligneurs » cités plus haut, « non seulement l’État ne peut empêcher l’IVG sauf raison d’ordre public, mais il doit s’appliquer à faire en sorte que toute femme souhaitant recourir à l’IVG puisse le faire. Cela suppose donc la mise en place de dispositifs d’accompagnement. C’est précisément ce que certains sénateurs reprochent à la liberté garantie : elle engage trop l’État et l’idée que l’État puisse faciliter l’acte d’IVG leur déplaît. C’est le Parlement, compétent pour mettre en œuvre cette liberté garantie au titre de l’article 34 de la Constitution, qui tranchera, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. 

En tout état de cause, il n’y a pas de recul : la loi ne pourra pas empêcher le recours à l’IVG de façon trop significative. Ainsi, même avec une liberté garantie et non un droit, la loi française ne pourrait, comme en Pologne depuis 2020, restreindre l’IVG à deux cas seulement (si la grossesse met en péril la vie de la mère et si cette grossesse est issue d’un viol ou d’un inceste). 

Mais est-ce que, avec cette liberté garantie, la loi devra faire en sorte que les femmes aient un meilleur accès à l’IVG quand elles le souhaitent ? Est-ce que cette liberté garantie pourrait empêcher un déremboursement de l’IVG par la loi (par exemple à propos des IVG dites “de confort”) ? Ce sera au Conseil constitutionnel d’en décider », concluent « les Surligneurs ».

En France, l’IVG est autorisée jusqu’à 14 semaines de grossesse, le délit d’entrave est pénalisé et une clause de conscience permet aux médecins de refuser de la pratiquer.

Note :

(1) Avis partagé dans le cadre d’un échange du 23/02/24 disponible sur le site du gouvernement, avec Violaine de Filippis-Abate, avocate et porte-parole d’Osez le féminisme. Apportant leur double éclairage pour comprendre les enjeux de l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, les deux juristes expliquent pourquoi inscrire la notion d’IVG dans la constitution française, quelle protection l’inscription de l’IVG dans la constitution apporterait-elle, et quels sont les enjeux de son inscription dans la constitution, sans oublier les implications du choix du mot « liberté » plutôt que « droit », qui a été retenu dans le projet de loi.

Une notion que nous avions abordé ici le 08 février 2023.