L’Evangile renversant : pour une lecture libératrice de la Bible, de Bob Ekblad

« Malheur à vous, pauvres, car vous n’êtes que des assistés ! » (Luc 6v24 et Jacques 5v1)

« L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a choisi pour son service afin d’apporter la bonne nouvelle aux riches » (Luc 4v18)

« Heureux celui qui s’intéresse au riche ! Au jour du malheur l’Éternel le délivre… » (Psaume 41v1)

« Opprimer le riche, c’est outrager celui qui l’a fait; Mais avoir pitié de lopulent, c’est l’honorer (Prov.14v31).

Si c’est là ce que vous lisez dans votre Bible, changez de Bible.

Pourtant, c’est ce qui est parfois dit du haut de la chaire, ou ailleurs, donnant à penser que les affirmations ci-dessus se trouveraient réellement dans la Bible, et que Jésus serait venu apporter « une (bien) mauvaise nouvelle aux pauvres ».

C’est ainsi que « dans l’expérience de nombreuses personnes, la Bible a été utilisée comme une arme contre elles par des gens en position d’autorité », qu’il s’agisse des parents, des enseignants, des évangélistes, des pasteurs, des prêtres ou des missionnaires », souligne Bob Ekblad dans « L’Evangile renversant : pour une lecture libératrice de la Bible » (p33), paru aux éditions Scriptura en février 2022.

« Un pasteur dit à une jeune femme séropositive qu’elle ne doit pas toucher la Bible parce qu’elle est impure ». Un autre « pasteur conseille à une femme victime d’abus répétés de la part de son mari de continuer à se soumettre à lui ». Ou encore, « une famille chrétienne dit à l’un des siens sans emploi que son chômage est une punition de Dieu pour son péché », quand une autre « laisse son enfant handicapé à la maison pour aller à l’église, parce que son échec à être guéri fait honte à la famille (….). A chaque fois, la Bible est utilisée pour proclamer cette mauvaise nouvelle » (op. cit., p 10)

Alors que « le mois de la Bible » approche, événement organisé par l’Alliance Biblique Française, en collaboration avec le syndicat des libraires de littérature religieuse, quoi de mieux que cet ouvrage de Bob Ekblad que j’attendais (et l’un des meilleurs lus à ce jour), pour (re)découvrir en quoi l’Evangile est le message libérateur et renversant qui se trouve dans l’Écriture [une bonne nouvelle « proclamée premièrement aux pauvres » cf Luc 4v18-19] et le plus clairement énoncé dans la vie et l’enseignement de Jésus de Nazareth ?

Ecrit 12 ans après « Lire la Bible avec les exclus »(Olivetan, 2008), qui décrit une première tentative de communiquer une lecture libératrice de la Bible avec les personnes « aux marges », « ce livre donne un aperçu de cet Évangile de la résistance » et « inclut des perspectives et des suggestions sur la façon de recevoir et de préparer des études de la Bible qui engendrent une transformation holistique. Le point central de ce livre est de proposer des manières pratiques d’animer des conversations autour de la Bible dans des situations de marginalité, avec des personnes qui n’ont pas l’habitude d’être appelées par Dieu » (op. cit., p 16).

Mais, « bonne nouvelle » : cette bonne nouvelle découverte parmi les détenus, les toxicomanes et les membres de gangs peut aussi « enflammer les cœurs des personnes participant à des cercles plus ordinaires ou du courant majoritaire, qui trouvent la Bible terne, sans lien avec leurs vies, ou bien étrangère et problématique ». Bob Ekblad est ainsi « convaincu que lire la Bible peut nourrir notre foi et inspirer des actions de libération qui apporteront des transformations personnelles et sociales » (op. cit., p 17).

 « L’Évangile renversant : pour une lecture libératrice de la Bible » est un manuel de « formation » attendu et bienvenu, qui cherche à aider ses lecteurs à oser « envisager l’étendue de la révolution de Jésus pour que nous puissions y participer plus pleinement » (op. cit, p 18).

La partie 1 du livre nous invite à nous « préparer à des rencontres libératrices » :

Dans le chapitre 1, il s’agit de suivre le « commandant Jésus », né dans un monde marqué par l’oppression et l’injustice pour annoncer et incarner ce que Bob Ekblad appelle « le mouvement de libération globale de Dieu », et de découvrir sa stratégie « d’infiltration derrière les lignes ennemies de façon clandestine ».

Le chapitre 2 identifie les postulats essentiels sous-jacents à des lectures libératrices de l’Ecriture (« Jésus est la révélation de Dieu » et « incarne l’amour acharné de Dieu » ; Jésus inaugure une nouvelle façon de combattre le mal qui fait la différence entre les ennemis « en chair et en os » et les ennemis spirituels ; « le péché ne nous sépare pas de Dieu » ou si notre péché nous fait nous détourner de Dieu, Dieu n’est pas « empêché » de nous chercher activement…) , ainsi que les pièges à éviter : s’attendre à de mauvaises nouvelles en lisant la Bible, domestiquer l’Ecriture, les lectures « moralistes » et « héroïques » (en cherchant des modèles « exemplaires » à imiter), la passivité, le fatalisme, l’incroyance et le cynisme….

Le chapitre 3 décrit la mission plus large de Dieu à travers l’Ecriture, avec un excellent et pertinent « survol » de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui vaut le détour.

Le chapitre 4 nous propose une étude de cas avec la rencontre entre Jésus et la femme samaritaine, sans oublier sa communauté.

La partie 2 se concentre sur les manières d’animer des études bibliques interactives ou « rencontres libératrices » :

Comment nous caler sur la vision de Jésus (chapitre 5)

Comment pouvons-nous entendre et percevoir des révélations prophétiques (chapitre 6)

Comment préparer des messages libérateurs (chapitre 7)

Comment animer des études bibliques dans différents contextes (chapitre 8)

Comment employer les dons de l’Esprit décrits en 1 Corinthiens 12 et en Romains 12 comme « des tactiques de guérilla » ou « de résistance », pour la gloire de Dieu, en « bons intendants de la grâce si diverse de Dieu » (1 Pierre 4v10-11), que l’on conduise des études bibliques, que l’on prêche ou que l’on enseigne(chapitre 9).

Au final, une approche audacieuse – qui pourra rebuter – et salutaire, privilégiant une saine déconstruction/reconstruction dans une perspective libératrice, dont nous avons le plus grand besoin. Stimulant, dense et éclairant, « L’Evangile renversant » m’a beaucoup apporté sur le plan personnel, et encouragé à poursuivre et transmettre une pratique d’enseignement et d’animation biblique dans cet esprit.

Manuel pratique solidement étayé sur le plan biblique, à mi-chemin entre la théologie et le témoignage, le livre est aussi particulièrement recommandable en ce qu’il invite à nous attacher et à nous laisser conduire par le « Dieu véritable » –Père, Fils et Saint-Esprit (lequel ne connaît pas de frontière dénominationnelle). Car si Jésus-Christ peut nous être familier, il ne saurait être domestiqué, puisqu’Il ne cesse d’être Seigneur quand il parle.

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En bref : « L’Evangile renversant : pour une lecture libératrice de la Bible », de Bob Ekblad*. Editions Scriptura, 2022. Reçu gracieusement en service presse de la part de Laurène de La Chapelle, chargée de communication à l’Alliance Biblique Française, que je remercie, ainsi que les éditions Scriptura.

Disponible chez l’éditeur ou dans toutes les bonnes librairies, notamment ici.

*Par l’auteur de « Lire la Bible avec les exclus » (Olivetan, 2008) et « accueillir l’exclu » (Scriptura, 2019).

Pasteur de l’Eglise presbytérienne des Etats-Unis, docteur en théologie en Ancien Testament, aumônier à la prison de Skagit, Bob Ekblad est directeur exécutif de Tierra Nueva et du séminaire du peuple à Burlington, Etat de Washington. Il enseigne et anime de nombreux groupes de lecture de la Bible à travers le monde. Avec sa femme Gracie, ils vivent près de Seattle sur la côte Ouest des Etats-Unis mais se rendent régulièrement en France pour donner des formations.

En savoir plus sur l’auteur : écouter son témoignage et découvrir l’origine de son appel et de sa vocation

En savoir plus sur son ministère.

Un enjeu spirituel : vivre en « enfants de lumière » dans le siècle présent

« Christ », Notre Seigneur, « est la lumière » : quelle conséquence pratique pour nous, qui prétendons le suivre, aujourd’hui ?

« Tu t’abstiendras de toute parole mensongère », nous commande Exode 23v7 [TOB : « de toute cause mensongère »]. Mot à mot : « tiens-toi loin ». Il ne s’agit pas seulement de ne pas mentir, mais de se tenir éloigné du mensonge, de prendre ses distances pour ne pas laisser le moindre espace au mensonge.

Le psaume 34v14 ne dit pas autre chose : « préserve ta langue du mal, tes lèvres des paroles trompeuses ».

Dans la Bible, la première fois où il est question de mensonge et de menteur se trouve dans la Genèse. Dès Genèse 3v1, plus exactement, où nous voyons apparaître en Eden le maître du mensonge (« le big boss des fake news », dirait-on aujourd’hui en bon « franglais »), le serpent, lequel « était la plus astucieuse de toutes les bêtes des champs que le Seigneur Dieu avait faites ». Il est celui qui médit sur Dieu, qui insinue et qui ment, « enduisant d’erreur » et instillant le soupçon dans l’esprit de l’humain, en disant à la femme : « Dieu ne vous veut aucun bien, il vous craint, il a peur que vous deveniez comme lui ». Aujourd’hui, ce serait : « on vous ment, on vous cache des choses, vous êtes trop malins pour ça… ».

Gober le mensonge du menteur a conduit l’humain à la rébellion – laquelle « vaut le péché de divination » (1 Sam.15v23): l’humain porte alors un regard différent sur le seul arbre interdit (face à une multitude de possibilités offertes par Dieu), puis en mange…et le fruit une fois consommé, le mensonge du serpent se trouve dévoilé : au lieu d’être « comme des dieux », les humains découvrent qu’ils sont nus (Gen.3v4-7).

Le mensonge a toujours été l’arme de ceux qui voulaient détourner les autres du droit chemin. Martin Luther écrit, dans ses « propos de table » (Aubier, 1992, p 342), que « le mensonge est toujours tordu et se recourbe comme un serpent qui n’est jamais droit, soit il rampe, soit il se dresse. Ce n’est que lorsqu’ils sont tués que serpent et mensonge sont droits et sans nocivité ».

En hébreu, le verbe mentir a la même racine que les mots « figer », « geler » et « lier », « enchaîner ». Le mensonge est une façon de se figer, de ne pouvoir ni parler selon son cœur, ni bouger. Quand la vérité n’est plus respectée, plus rien ne circule, comme si, dans un corps vivant [y compris dans un corps social ou même le corps de Christ ?], tout se coagulait. Le mensonge a tendance à se multiplier, entraînant d’autres mensonges qui nous enferment progressivement dans leurs filets. Le menteur est ainsi pris dans une sorte d’engrenage, « condamné » à enchaîner sans fin ses contrevérités pour que le mensonge soit maintenu. De là notre responsabilité de refuser de relayer ce qui se dit notamment sur les réseaux @sociaux [par exemple, le mensonge d’une « élection volée », qui a conduit à une émeute un certain 6 janvier]. Or, si la chaîne du mensonge casse, la vérité refait surface et tout se dévoile.

En plus d’être menteur, le serpent est aussi séducteur en faisant croire à l’homme qu’il lui est possible de faire ce que ce son désir veut (« No limit », « la liberté sans entrave », « dire tout et n’importe quoi »), sans craindre les conséquences. Nous savons que c’est un gros mensonge, mais nous avons tellement envie de le croire. Ainsi depuis la chute, l’homme et la femme ne sont pas devenus des adultes assumant leurs actes, mais plutôt des enfants ou « des ados » accusant cesse les autres pour se chercher des excuses, entretenant un esprit de victime.

Il n’est ainsi pas possible de justifier le mensonge ou la tromperie au nom de la défense « des valeurs », comme si « la fin justifiait les moyens », vu que Dieu interdit d’invoquer Son Nom pour tromper (Exode 20v7), comme pour faire du tort à son prochain ou défendre ses propres opinions. Dans l’Ancien Testament, ceux qui invoquent le nom de Dieu pour tromper sont les faux prophètes qui ne disent pas la Parole de Dieu, mais ce que les gens – et particulièrement les puissants – veulent bien entendre.

« Etre en vérité » n’est pas qu’une vertu morale : c’est aussi une façon de se tenir droit face au monde, c’est le choix d’être en vérité, en parfaite honnêteté devant son prochain.

Le contraire du faux témoignage est la lumière : Au commencement, Dieu a créé la lumière. Jésus est lumière, « Dieu est lumière et il n’y a en lui aucune ténèbre », nous disent l’Evangile et la première lettre de Jean. Celui qui est « le véritable et la vie éternelle » nous appelle à vivre dans la lumière, laquelle se mesure en vérité, en simplicité et en transparence. En tant qu’ « enfants de lumière », nous avons à manifester le fruit de la lumière : bonté, justice et vérité (Eph.5v8-9).

Enfin, il est vital de « se tenir loin » du mensonge, parce que le mensonge est dangereux : le commandement de s’abstenir de toute parole mensongère est liée à celui de ne pas tuer, comme le souligne le verset 7 d’Exode 23, lequel fait le lien entre le mensonge et la violence. Dans son discours de réception du prix Nobel, Alexandre Soljenitsyne a dit : « la violence ne trouve son refuge que dans le mensonge et le mensonge ne trouve son appui que dans la violence. Tout homme qui a opté pour la violence doit inexorablement choisir le mensonge comme son principe ». Comme le mensonge finit toujours en impasse, le menteur ne peut s’en sortir que par la violence. Utiliser le mensonge pour justifier ou camoufler un méfait est l’essence du totalitarisme.

D’après NOUIS, Antoine.  La Bible. Commentaire intégral verset par verset/1. Le pentateuque. Olivetan/Salvator, 2021, P 32-33, 317, 333. Disponible chez l’éditeur ou dans toutes les bonnes librairies.

« N’empêchons pas les enfants d’aller à l’école, même pas pour aider à la construction du temple »

Ne pas empêcher les enfants d’aller à l’école : un enjeu vital, une question de vie ou de mort. Source photo : Dominique Faget/AFP

 « Voici le commandement, les lois et les coutumes que le SEIGNEUR votre Dieu a ordonné de vous apprendre à mettre en pratique dans le pays où vous allez passer pour en prendre possession,  afin que tu craignes le SEIGNEUR ton Dieu, toi, ton fils et ton petit-fils, en gardant tous les jours de ta vie toutes ses lois et ses commandements que je te donne, pour que tes jours se prolongent. 

Tu écouteras, Israël, et tu veilleras à les mettre en pratique : ainsi tu seras heureux, et vous deviendrez très nombreux, comme te l’a promis le SEIGNEUR, le Dieu de tes pères, dans un pays ruisselant de lait et de miel. ÉCOUTE, Israël ! Le SEIGNEUR notre Dieu est le SEIGNEUR UN. Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force. 

Les paroles des commandements que je te donne aujourd’hui seront présentes à ton cœur ;  tu les répéteras à tes fils ; tu les leur diras quand tu resteras chez toi et quand tu marcheras sur la route, quand tu seras couché et quand tu seras debout ;  tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux ;  tu les inscriras sur les montants de porte de ta maison et à l’entrée de ta ville ». (Deut.6v1-9)

« Tu diras à tes fils » (v7) est le commandement qui revient le plus souvent dans l’Ancien Testament.

Ce commandement de transmission concerne même plusieurs générations : non seulement « tes fils », mais aussi « les fils de tes fils » cf Deut.4v9.

La transmission est si importante qu’elle est la raison d’être du peuple. Dieu a même distingué Abraham, « le père des croyants », «  afin qu’il ordonne à ses fils et à toute sa maison, après lui, de garder la voie du Seigneur en agissant selon la justice et l’équité » (Gen.18v19), ou selon « la miséricorde et la justice ». Un peuple qui vit selon la justice est un peuple libre et heureux qui suscite l’admiration des autres. De fait, la plus grande menace qui pèse sur les Israélites est l’oubli de la loi de Dieu, qui les ferait devenir un peuple comme les autres, le condamnant à disparaître dans l’assimilation de l’histoire. De là ce commandement de transmettre, pour ne pas oublier, et pour ne pas copier la façon de vivre de ses voisins. Pratiquer ce qu’on veut transmettre est également une garantie contre l’oubli. C’est pourquoi ce commandement (« tu diras à tes fils ») signifie aussi : « tu méditeras ces paroles quand tu seras chez toi et quand tu seras en chemin, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras » (Deut.6v7).

La transmission est si importante qu’une sentence du Talmud déclare : « n’empêchons pas les enfants d’aller à l’école, même pas pour aider à la construction du temple ». Une autre sentence dit que « Jérusalem a été détruite seulement parce que les enfants ne sont pas allés à l’école et ont erré dans les rues ». Ces mêmes enfants sont décrits dans Lamentations comme « (défaillant) sur les places de la Cité.  A leurs mères, ils disent : « Où sont le blé et le vin ? » [une éducation source de vie et de joie] quand ils défaillent comme des blessés sur les places de la Ville, quand leur vie s’échappe au giron de leurs mères » (Lam.2v11-12).

Une légende raconte que des antisémites sont allés prendre conseil auprès de Balaam : « y a-t-il pour nous un quelconque moyen de vaincre un jour les Juifs à jamais ? » Le sage a alors répondu : « allez donc voir leurs écoles et leurs centres d’étude : aussi longtemps que vous entendrez la voix des enfants qui étudient, vous ne pourrez rien faire contre eux ».

C’est ainsi que la transmission d’une éducation véritable, comme le choix d’une bonne école pour nos enfants, là où le Seigneur règne, est un sujet de prière – de nos prières – et une préoccupation constante, une question de vie ou de mort, de la même façon que nous veillons avec soin à l’habillement et à la nourriture de nos enfants.

Pour aller plus loin, lire notre méditation sur le sujet.

Sources : d’après Nouis, Antoine. La Bible. Commentaire intégral verset par verset/1. Le Pentateuque. Olivetan/Salvator, 2021, pp 91, 632-633, 645-646.

« En quelques mots », le lien d’âme

Qu’est-ce qui fait qu’il nous arrive de nous sentir très connectés à certaines personnes et pas à d’autres ? Comme si notre âme était attachée à l’âme d’une autre personne, et pas que dans le couple (ils s’attacheront à leur conjoint, dit la Bible).

Comment comprendre que certains « liens d’âme » sont structurants (liens filial et conjugal) ou inappropriés (dans la conjugalité, la famille, dans la vie et la mort), nécessaires et bons pour un temps mais devant être rompus le moment venu (lien filial) ? Peut-on couper certains liens d’âme ?

Voici, « en quelques mots » sur le sujet, une vidéo de la chaîne youtube Libérer!

Ne pas manquer, le 01/03, cette prochaine vidéo, sur la même chaîne, expliquant que si Jésus était fils de Dieu, il a eu besoin, pour pouvoir l’être pleinement, de quitter père et mère, de couper les liens. Comment ne devrions-nous pas faire la même chose pour advenir à qui nous devons être ?

Depuis 2008, Libérer! propose une excellente formation certifiante à l’accompagnement spirituel, qui inclue la relation d’aide, la prière de guérison et la délivrance. Avec les Eglises protestante unies du Marais et de Belleville, à Paris.

Plus d’infos sur le ministère Libérer! et ses formations.

Plus de vidéos de la chaîne Libérer!

« Dieu ? Au fond à droite : quand les populistes instrumentalisent le Christianisme »

La menace du vrai « grand remplacement » : le christianisme vidé de son essence par les agitateurs qui prétendent défendre « la chrétienté »

« Imagine qu’un prophète ou un visionnaire t’annonce un signe ou un prodige ; si le signe ou le prodige se réalise comme annoncé mais que l’homme t’invite alors à adorer d’autres dieux que vous ne connaissez pas, n’écoute pas ce prophète. En effet, c’est le Seigneur votre Dieu qui vous teste pour savoir si vous l’aimez de tout votre cœur et de tout votre être. Ne rendez de culte qu’au Seigneur votre Dieu, reconnaissez son autorité, prenez au sérieux ce qu’il commande, écoutez sa voix, servez-le et demeurez attachés à lui seul. Mettez à mort tout prophète ou visionnaire qui vous détournerait du Seigneur votre Dieu qui vous a libérés de l’esclavage et vous a fait sortir d’Égypte. Tu élimineras ainsi le mal du milieu de toi. » (Deut 13v2-6)

Ceux qui ont lu la première épître de Paul aux Corinthiens, chapitre 15, verset 15, savent que sans la résurrection du Christ, notre foi est vaine. Notre foi est vidée de son sens. Nous serions alors de « faux témoins à l’égard de Dieu », si nous témoignons « contre Dieu qu’il a ressuscité Christ, tandis qu’il ne l’aurait pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point ».

Ceux qui ont lu Deutéronome 5v11 savent aussi qu’il est écrit sur le premier volet des deux tables de la loi : « Tu ne soulèveras pas le nom de l’Eternel ton Dieu pour l’imposture ».  En effet, le v20 souligne que « tu ne répondras pas en témoin pour l’imposture(Lashàue) contre ton prochain ». Comme l’explique Erri de Luca dans plusieurs méditations bibliques [Et il dit. Folio, pp63-65 ou Au Nom de Dieu IN Alzaia. Bibliothèques Rivages, pp 99-100], « le verbe nasà précise qu’on soulève le nom de Dieu chaque fois qu’on le prononce pour appeler la divinité comme garant d’un témoignage et d’affirmations, et qu’on en porte tout le poids« . Et « celui qui le hisse sur des armes doit assumer en plus le poids d’un blasphème à des fins de massacres ». C’est là « un tort irréparable, sans rémission pour la divinité », car l’on ne saurait oser « soulever ce nom pour soutenir une imposture (…) car n’absoudra pas l’Eternel celui qui soulèvera son nom pour l’imposture [Lashàue] ». « Profanée pour soutenir le faux, c’est un blasphème sans rachat. Comme dans toutes les guerres faites au nom de cette divinité ».

En tant que croyants, témoins fidèles et vrais, nous devrions alors refuser [de contribuer à ] toute instrumentalisation de la foi, qu’elle soit « religieuse » ou « politique », comme nous devrions refuser tout évangile « canada dry ».

C’est là un enjeu spirituel actuel, de l’ordre du « status confessionis », soit une situation où le centre du message chrétien et de l’Evangile est mis en cause, « quand les populistes instrumentalisent le Christianisme » : Le journaliste catholique, et vaticaniste de La Stampa, Famiglia cristiana ou Katholik Nieuwsblad, Iacopo Scaramuzzi, démasque l’exploitation pro-raciste de la foi chrétienne dans un livre au sous-titre particulièrement bien vu, paru chez Salvator[pas encore lu]. Le titre est également plein d’humour noir : Dieu ? Au fond à droite. Il pointe le danger, pour le christianisme occidental, d’être vidé de sa substance par la récupération partisane, qui tente de nous faire croire qu’un certain passé idéalisé serait mieux que le présent…sauf que la Bible (Eccl.7v10) nous rappelle « que ce n’est pas la sagesse qui nous fait dire cela ».

Scaramuzzi explique, dans Le Monde des livres du 11/02 (extraits. Les notes entre crochets sont de notre cru), que « qans un monde globalisé, tous les pays sont traversés par un sentiment de déclin […].  De larges segments de population ressentent une perte relative de pouvoir, qui engendre une nostalgie. Les gens ont l’impression de ne pouvoir s’appuyer sur rien de stable. La religion, en tant que lien social, apparaît comme un recours […]  elle renvoie au monde d’avant, celui de votre jeunesse ou de la jeunesse de vos parents, un monde rassurant […]. Il y a aussi des dynamiques dans un sens souvent magique, superstitieux. On le voit avec les théories du complot, qui mettent en scène une lutte apocalyptique du bien et du mal, du pur et de l’impur… Le pape François [pour les catholiques, sinon tout chrétien, disciple de Jésus-Christ] représente un point de contradiction majeure pour ces réseaux […]. François aime beaucoup le philosophe et historien jésuite Michel de Certeau (1925-1986) qui écrivait que, dans les sociétés occidentales, “les comportements religieux et la foi s’éloignent l’un de l’autre” […]. Les populistes voudraient s’en tenir aux mœurs, à l’identité. François [et normalement tout disciple du Christ] veut défendre la foi [et pas un pseudo christianisme « canada-dry »]: un message évangélique, en cohérence avec le concile Vatican II [pour les catholiques. Pour les protestants évangéliques, ce sera en cohérence avec les Ecritures bibliques]… Dès lors, dans son esprit, l’instrumentalisation populiste de la religion représente une menace : comme le disait encore Michel de Certeau, une fois qu’un groupe social ou idéologique s’est approprié le christianisme, il n’en reste rien, il est vidé de sa substance(1)… Le pape [comme tout chrétien digne de ce nom] ne peut pas ne pas réagir : cela reviendrait à accepter que le christianisme soit fini, qu’il n’y ait plus rien à dire à son sujet. Au bout du compte, François fait son travail [comme tout chrétien est censé le faire, en témoin fidèle et véritable, à l’image de Son Seigneur Jésus-Christ] : il s’oppose à ceux qui, consciemment ou non, mettent le christianisme en danger de mort ».

En bref : Dieu ? Au fond à droite : quand les populistes instrumentalisent le Christianisme, de Iacopo Scaramuzzi. Salvator, 2022.

Note :  

(1) A lire aussi, l’entretien de l’auteur paru dans La Vie (extrait) :  

À l’instar d’autres populistes de droite, Éric Zemmour, selon vous, instrumentalise le christianisme. Comment ?  

Éric Zemmour met souvent en avant le christianisme, mais il ne parle pas de la foi. Il parle de l’Église catholique. C’est un premier élément intéressant. Il est juif, et dans sa vie, il n’a pas une expérience de conversion ou d’attachement particulier à la foi chrétienne. Dans un débat télévisé en novembre, il a même confirmé qu’il est « pour l’Église, mais contre le Christ »*Ce n’est donc pas le message évangélique qui l’intéresse, mais plutôt l’Église catholique en tant que cadre, organisation et institution qui garantit un ordre social.

*A partir de 18’39″ » et notamment à partir de 19’03 » : « je suis pour l’Eglise et contre le Christ » (Zemmour, sur France inter, le 15/09/18, lors du grand face à face avec Raphaël Glucksman et Natacha Polony)

Il considère la religion, et particulièrement le christianisme, comme un marqueur identitaire. Il utilise ainsi le christianisme comme argument polémique pour que les chrétiens se différencient des autres, qui sont en premier lieu les musulmans et les migrants. L’instrumentalisation est là. Éric Zemmour réduit le christianisme à un instrument contre l’islam. On trouve la même utilisation du christianisme chez Marion Maréchal, qui mène cette bataille depuis des années. Or, si Zemmour s’intéressait réellement à la foi chrétienne, qui suppose un parcours personnel et une démarche de conversion, il verrait que celle-ci mène à la fraternité, comme le dit le pape François.

Comment expliquez-vous le fait qu’Éric Zemmour attire nombre de catholiques conservateurs pratiquants?

Ses idées existent à l’intérieur du catholicisme. Y compris la thèse du grand remplacement, prônée notamment par Marion Maréchal avant Zemmour. Et quand Zemmour dit « on a enlevé le christianisme, c’est pour ça d’abord qu’on a l’islam », nombre de catholiques conservateurs sont d’accord. Ils s’inquiètent aussi de l’attitude d’ouverture du pape François sur l’immigration, sur l’islam et sur la société sécularisée en général. Ils disent préférer les papes précédents qui, selon eux, étaient plus attentifs à une vision disons plus « traditionnelle » de l’Église dans la société. Ce courant conservateur est en soi légitime au sein d’une Église qui contient une grande diversité. Le problème est qu’il est instrumentalisé lui aussi par des populistes de droite.(….) Il est vrai que Jean Paul II était sans doute plus compatible avec une vision conservatrice de la politique que ne l’est le pape François. Mais si Jean Paul II soulignait la valeur de la patrie, il n’était pas nationaliste ! Surtout, il est le pape qui a embrassé le Coran, celui qui a lancé les rencontres d’Assise pour le dialogue interreligieux. Le discours selon lequel le pape François est un progressiste complètement différent de ses prédécesseurs n’est pas juste. François met en avant la rencontre avec l’islam et l’accueil des migrants, une attitude éloignée d’une position conservatrice, mais il s’inscrit dans une tradition qui est celle de ses prédécesseurs ! (….) Le pape François lui-même a une compréhension fine du populisme. Issu d’une Argentine péroniste, mouvement qui peut être qualifié de populiste, il n’est pas du tout solidaire avec les élites globalisées. Il sait que la globalisation au cours des 30 dernières années a créé d’énormes inégalités et exclu des gens qu’il faudrait au contraire écouter.  Le problème, selon le pape, est que le populisme de droite utilise à son tour les personnes qui souffrent pour renforcer leur déception et leur sentiment de déclin. Leur politique ne mène pas à davantage de fraternité, mais elle nous monte les uns contre les autres. En revanche, le christianisme, qui ne distingue pas entre les nations et qui construit des ponts plutôt que des murs, peut contribuer à réduire les écarts dans la société.

« L’imagination au pouvoir » : des alternatives à « Notre projeeet ! »

Une invitation à se mettre collectivement en route, au profit d’une pensée hors cadre (source image : public domain pictures)

Pensée hors-cadre

Huit semaines avant le retour aux urnes. La campagne électorale bat son plein sous un ciel sombre. Sécurité et immigration polarisent « les débats » quand l’écologie, la justice sociale et la démocratie devraient mobiliser bien davantage. À l’orée de cette longue séquence présidentielle et (ne l’oublions pas) législative, comment retrouver la capacité d’envisager un avenir désirable ?

L’imagination est cette faculté que possède l’esprit de se représenter ou de former des images. Instrumentalisée, dévoyée, reléguée au rang de la rêverie, elle doit être réhabilitée en tant qu’arme politique, au sens premier du terme.

« L’imagination au pouvoir », c’est la perspective défendue, pour développer le goût et la capacité de faire jouer l’imagination d’un avenir désirable, à découvrir dans le dernier dossier de la Revue Projet, laquelle propose des alternatives à « Notre projeeet ! » Après le débat, la représentation, l’écologie ou encore la décision, ce volet constitue le dernier opus et point d’orgue d’une série politique sur les nouveaux enjeux de la démocratie.

Ainsi, parole est notamment donnée à Amandine Lebreton, porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre. Partenaire de ce numéro, ce jeune collectif réunit plus de soixante-cinq organisations de la société civile – syndicats, associations, fondations – et mène campagne, non pour un candidat ou une figure « charismatique »/ »messianique », mais pour un projet de société fondé sur la justice sociale, l’écologie et la démocratie. Il propose un vaste projet autour de quatre-vingt-dix propositions qui forment un tout devant la complexité des défis à relever.

A découvrir aussi, dans ce numéro :

Une candidate au pouvoir : introduction

Si la politique est associée au pragmatisme, l’imagination est généralement assimilée à la fiction, à la rêverie ou à la création artistique. Et pourtant, elle est, au même titre que le débat ou la représentation, une composante essentielle au bon fonctionnement de la démocratie.

« La politique empêchée »

La politique peine à faire de l’imagination un véritable outil de transformation sociale. Pour Corinne Morel Darleux, ex-conseillère régionale Auvergne Rhône-Alpes et romancière, s’en priver condamne à l’impuissance. 

Pub ou politique 

Le marketing politique use souvent de la mise en récit pour promouvoir des programmes présentés comme innovants et imaginatifs. Trois recommandations pour éviter les chausse-trappes.

Pas d’avenir sans collectif

Sans front collectif, nous avons bien peu de chances de répondre aux enjeux politiques, climatiques et sociaux de notre siècle, comme le souligne Amandine Lebreton, porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre.

Découvrir l’ensemble du numéro, lequel est un antidote au charlatanisme du « c’était mieux avant » et du déclinisme, comme à l’indignation stérile et à la nostalgie d’un passé idéalisé. 

Un appel à se mettre en route, à l’instar d’un certain Abraham (Gen.12), qui a appris que son identité n’était pas derrière lui, mais devant lui.

Quand il faut un scandale et une crise pour comprendre enfin « ce qui est une folie »

Quand il faut attendre une crise pour comprendre enfin qu' »il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » (Source image : public domain pictures)

« J’écoute ce que dit Dieu, le SEIGNEUR ; il dit : « Paix », pour son peuple et pour ses fidèles, mais qu’ils ne reviennent pas à leur folie ». (Psaume 85v9)

« Incroyable mais vrai » : il faut des grèves pour rendre visibles celles et ceux qui sont indispensables à la société, ceux-là même qui sont accusés de bien des maux : « de paralyser le pays », « de défendre égoïstement leurs acquis », et même, selon un certain magazine, « de haïr le travail » (1). 

Il faut aussi un scandale pour envisager une remise en cause du modèle lucratif des EHPAD (2)…. Et une crise sanitaire pour prendre enfin conscience « qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », et que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie« .

Aussi inouï que cela puisse paraître, celui qui a fait un tel constat devant tous à la télévision (3) le 12 mars 2020, avant l’annonce du confinement 1.0, est le Président Macron lui-même en personne, pourtant « leader of the free markets » (et donc du « moins d’Etat » possible), pour lequel « There’s no other choice », et qui confiait encore à « Forbes »(4) sa volonté de voir la France ouverte à « la disruption et aux nouveaux modèles » (« I want my country to be open to disruption and to these new models ». Disruption : de « disrupter », « casser ce qui existe et faire un saut dans le vide »).

Relisons donc cette fameuse allocution télévisée, laquelle est tout un programme : 

« Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai.

Mais le temps, aujourd’hui, est à la protection de nos concitoyens et à la cohésion de la Nation. Le temps est à cette union sacrée qui consiste à suivre tous ensemble un même chemin, à ne céder à aucune panique, aucune peur, aucune facilité, mais à retrouver cette force d’âme qui est la nôtre et qui a permis à notre peuple de surmonter tant de crises à travers l’histoire.

La France unie, c’est notre meilleur atout dans la période troublée que nous traversons. Nous tiendrons tous ensemble »(5). [Ce qui exclue donc tous les pseudo-programmes se résumant à « vous avez peur ? Vous avez raison d’avoir peur, on vous comprend, voici les bouc-émissaires », et contre lequel il est vain de tenter d’argumenter. Tenter de démonter un tel « programme », c’est le faire entrer dans le champ du vrai et du discutable. La seule chose qu’on peut faire contre l’irrationnel, c’est rappeler que chaque fois que les promoteurs d’un tel « programme » ont eu le pouvoir, “ça s’est très très très mal terminé ».]

Ce qui est ici « inédit et potentiellement historique », avec cette pandémie, « c’est que la plupart des gouvernements ont choisi d’arrêter l’économie pour sauver des vies », souligne l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz dans un entretien pour Bastamag (6). « C’est une excellente nouvelle. Le Covid-19 crée ainsi un précédent : si on a pu arrêter l’économie pour sauver 200 000 personnes en France, pourquoi ne ferait-on pas demain le nécessaire pour prévenir les cancers et les 40 000 morts prématurés par an dues à la pollution ? ». Et même plus encore ?

Prions ensemble pour que ce qui est reconnu « comme une folie » le soit encore – et de façon manifeste pour tous – de sorte que le Seigneur fasse don de repentance, pour agir en toute sagesse et intelligence, pour le bien de tous, sans regret.

Les chrétiens, « petits Christs », appelés « à intercéder pour la nation », particulièrement « en cette période de campagne présidentielle », croient normalement que « Jésus est le frère de tous les hommes, et spécialement des pauvres. C’est lui que nous voyons avoir faim, être nu, étranger, prisonnier ou malade »[cf Matt.25v35-36].

Ils croient donc « que celui qui juge, humilie ou calomnie, juge, humilie, calomnie Jésus-Christ, car tout homme a le visage du Christ ».

Ils croient donc « que Jésus-Christ, par sa vie et ses paroles, nous dit qui est l’homme » et que « nous avons à faire nôtres les choix qu’il a faits : faire passer les personnes avant les richesses, la liberté avant la tranquillité, la vérité avant la propre opinion, le respect des autres avant l’efficacité, l’amour avant la loi ».

Plus encore, ils croient que « Jésus-Christ ressuscité nous donne l’Esprit de Dieu (…) que l’Esprit est esprit de liberté, esprit de tolérance, esprit de justice, esprit de paix. Il accueille au lieu de d’exclure. Il respecte au lieu de condamner. Il ouvre les portes et ne les ferme jamais »Ils croient « que son espérance est plus forte que tous les désespoirs. AMEN » (Extrait de la confession de foi de Barmen, d’après la Déclaration du Synode Confessant de Barmen, 31 mai 1934). 

Notes :

(1) cf https://pepscafeleblogue.wordpress.com/2019/12/20/quand-la-greve-rend-visibles-celles-et-ceux-qui-sont-indispensables-a-la-societe/

(2) https://www.latribune.fr/economie/france/le-modele-lucratif-des-ehpad-sur-la-sellette-903493.html et https://www.lemonde.fr/scandale-orpea/article/2022/02/10/apres-l-affaire-orpea-le-modele-des-ehpad-prives-lucratifs-remis-en-cause_6113073_6113065.html

(3) https://www.vie-publique.fr/discours/273869-emmanuel-macron-12032020-coronavirus

(4) https://pepscafeleblogue.files.wordpress.com/2018/05/no-alternative.jpg

(5) https://www.vie-publique.fr/discours/273869-emmanuel-macron-12032020-coronavirus

(6) https://www.bastamag.net/mondialisation-covid19-effondrement-virus-collapse-transition-relocalisation

Zemmour contre l’histoire : « Faire mentir le passé pour mieux faire haïr au présent… et ainsi inventer un futur détestable »

Éric Zemmour, multi-condamné pour incitation à la haine raciale et pourtant encore candidat à l’élection présidentielle, aime à se faire passer pour un intellectuel et l’histoire occupe une place à part dans la construction de sa figure publique. Conscient de la force de frappe idéologique de l’histoire et de son attrait auprès du public, il se targue d’un savoir sur le passé qui lui donnerait une compréhension intime et profonde des dynamiques à l’œuvre aujourd’hui.

Faut-il répondre alors à Eric Zemmour sur le terrain de l’histoire ? Oui, répond un collectif de 16 historiennes et d’historiens, surtout quand le polémiste-candidat, lequel est bien d’extrême-droite, d’inspiration maurrassienne, ne fait que déformer l’histoire pour la mettre au service de ses visions idéologiques. Aux travaux des historiennes et historiens, il prétend opposer un « roman national » (1) idéalisant les gloires passées de la nation. De la première croisade à l’assassinat de Maurice Audin, de Clovis(2) aux mutinés de 1917, de saint Louis au maréchal Pétain(2), cette histoire déborde d’erreurs, d’interprétations tendancieuses, voire de mensonges grossiers. Ignorant les sources et méprisant la recherche savante, le polémiste, qui taxe les programmes scolaires de « propagande anti-française », asservit l’histoire au profit d’un discours agressif, raciste et complotiste, et instrumentalise celle-ci pour légitimer politiquement la violence [par exemple, la Saint-Barthélémy] et promouvoir une vision raciste et misogyne de la société.

C’est pourquoi « prendre la parole apparaît comme une nécessité pour qui fait de l’histoire son métier », estime le collectif, qui signe « Zemmour contre l’histoire » (Tracts, Gallimard, 2022), lu cette semaine, pour répondre en corrigeant, point par point, les plus flagrantes et les plus dangereuses erreurs historiques d’Éric Zemmour.

Ainsi, par exemple, ces arguments (parmi d’autres) résumés à partir de citations précises d’Éric Zemmour décryptées et contredites par les historiens : 

476 – Rome ne tombe pas face aux Barbares

Éric Zemmour critique Rome pour avoir accueilli les Barbares pour des «raisons humanitaires», un bel anachronisme, et rend les Barbares responsables de la chute de Rome: un vieux fantasme qui ne correspond pas à la réalité des faits. Les relations entre Rome et les différents peuples vus alors comme des «barbares» sont très anciennes, faites d’intérêts réciproques, et la chute de l’empire romain d’Occident s’explique par de multiples facteurs.

502 – Clovis n’est pas oublié

Éric Zemmour accuse les historiens d’avoir «jeté Clovis aux poubelles de l’histoire»: une simple enquête quantitative dans les travaux historiques et la diffusion auprès du grand public prouve que c’est un mensonge.

En réalité, il y a de gros progrès dans l’étude de Clovis et il continue à être étudié. Là aussi ce que dit Zemmour ce sont de faux arguments pour mieux dénoncer l’histoire universitaire.

1572 – Les victimes ne sont pas des bourreaux

Aux protestants évangéliques tentés de voir en Eric Zemmour « un défenseur de la Chrétienté » et « des valeurs menacées », ou estimant que sa candidature serait « une bonne nouvelle pour la France »(sic)(3), il est utile de rappeler que le polémiste légitime les violences commises contre les protestants durant la Saint-Barthélemy, en faisant du massacre une réponse à l’arrogance de ces derniers, décrits comme une minorité dangereuse et fondamentaliste(sic) menaçant le Royaume de France [et « exaspérant le bon peuple »], ce qu’ils n’étaient pas. La comparaison avec les musulmans d’aujourd’hui [par les allusions aux « combats de Richelieu contre l’Etat dans l’Etat et les partis de l’étranger », pour « abattre les La rochelle islamiques(sic) qui s’édifient sur tout le territoire »] est explicite et invite à la violence. L’amalgame a ainsi de quoi faire frémir les protestants, au souvenir de ceux qui furent alors massacrés. Les historiens du collectif de préciser : « Comme toujours, Éric Zemmour inverse les rôles, transformant les victimes en bourreaux »

1789 – La Révolution n’est pas un complot

Fidèle à un vieux motif des contre-révolutionnaires, Éric Zemmour accuse les Jacobins d’avoir manipulé la France pour susciter la Révolution française, ce qui revient à passer à côté de la dynamique de la période, marquée au contraire par l’entrée du peuple en politique. Pour le collectif, « Zemmour renoue ici avec les discours paranoïaques et apocalyptiques du siècle dernier qui voyaient dans la chute de la Bastille et de la monarchie le résultat d’un plan ourdi de longue date par une clique de protestants, de juifs et de francs-maçons ».

1898 – Dreyfus n’est pas coupable

Éric Zemmour laisse planer le doute sur l’innocence du capitaine Dreyfus, en recourant à des arguments très fallacieux, historiquement faux, le plus souvent anachroniques et toujours sans le moindre fondement. Une innocence qui depuis 1906 est juridiquement prouvée et qu’aucun historien sérieux, connaissant le dossier, ne peut aujourd’hui remettre en question.

1942 – Vichy n’a pas protégé les juifs français

Il est facile de prouver que, contrairement à ce que dit Éric Zemmour, le régime de Vichy n’a guère cherché à protéger les juifs français, qui ont été déportés par milliers à Auschwitz, ou plus exactement ne s’est pas mis en situation de les protéger. Dès 1940, en édictant un statut des juifs qui les visait en priorité(3). Et, surtout, en 1942 en acceptant de livrer massivement des juifs étrangers, dont les enfants étaient le plus souvent français. Bilan: sur les 74 150 juifs déportés vers les camps de la mort, 24 000, dont plus de 7 000 enfants, avaient la nationalité française…

Une idée en rappelle une autre, face au même Zemmour qui plaide pour l’abolition des lois dites mémorielles : qui se souvient du décret-loi « Marchandeau » (du nom de celui qui a été Député radical-socialiste de la Marne, maire de Reims,  ministre de la Justice entre novembre 1938 et septembre 1939) portant sur la répression de la diffamation par voie de presse lorsque « la diffamation ou l’injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants » ?  

Pour l’anecdote (qui n’est pas un « point de détail de l’histoire »), l’une des premières mesures du régime Vichy, mis en place depuis à peine un mois(Il n’existe plus de Parlement, et les lois l’œuvre du Maréchal Pétain qui, selon l’article 1 § 2 de l’acte constitutionnel n°2 du 11 juillet 1940, exerce le pouvoir législatif, en conseil des ministres), a été d’abroger cette fameuse loi Marchandeau, le 27 août 1940. Sachant que l’armistice avec l’Allemagne, mettant fin officiellement aux hostilités ouvertes par la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, ne sera signé que plus tard,  le 22 juin 1940. Avec l’abolition du décret-loi Marchandeau, la loi rend libre la tenue de propos racistes ou antisémites, et prononce une amnistie des poursuites. Avec pour conséquences un boulevard pour la propagande xénophobe, raciste et antisémite, et une liberté de la presse au service du racisme et de l’antisémitisme(4).  

A travers ces multiples exemples, c’est l’élaboration zemmourienne d’un récit obsessionnel qui apparaît, lequel « ramène toute évolution historique à un affrontement entre la France, son essence et ses héros d’un côté, et de l’autre les acteurs de son ‘déclin’ ou de son ‘suicide’, des huguenots [là encore, les protestants évangéliques séduits par Zemmour sont prévenus] aux islamistes en passant par les révolutionnaires ou les féministes ».

Pour l’historien André Loez, spécialiste de la Grande Guerre et membre de ce collectif, et intervenant dans une émission sur France culturecette intervention dans le débat public n’est ni celle de « militants de gauche » redresseurs de torts qui attaqueraient Éric Zemmour sur un plan idéologique, ni celle d’historiens voulant réserver la discussion de l’histoire aux professionnels de la discipline :  « Nous pensons que l’histoire n’appartient pas qu’aux historiens. On peut en discuter dans l’espace public, tout le monde a le droit d’en parler. Mais cela ne veut pas dire qu’on peut dire tout et n’importe quoi, qu’on peut tromper les gens, falsifier des aspects de ce passé. »  Ainsi, « rappeler que Dreyfus est innocent », déclare André Loez, « ce n’est pas de gauche ou de droite, c’est simplement une réalité historique ». Aussi cet appel n’est-il pas « militant », mais guidé par la volonté d’historiennes et d’historiens de rappeler que « le passé ne peut pas être falsifié ou instrumentalisé de cette façon-là à des fins politiques »

Et André Loez de préciser encore, lors d’un entretien pour le Café pédagogique, dont je vous recommande la lecture intégrale, que l’ouvrage collectif « est un livre d’histoire. Mais il s’inscrit dans la campagne électorale car il y a des usages de l’histoire qui semblent faux et dangereux pour le débat démocratique. C’est la première fois qu’un tel degré de manipulation systématique est atteint chez un candidat (….). Il y a eu des cas précédemment [de manipulation électorale de l’histoire. Notamment de la part d’anciens candidats à l’élection présidentielle]. Mais jamais avec cette échelle et cette violence. Ce qui est unique, ce n’est pas un candidat qui parle d’histoire. De nombreux candidats ont écrit des livres sur l’histoire. Ce qui est là nouveau c’est la violence des propos d’E. Zemmour. Par exemple quand il dit que les répressions d’état sont toujours justifiées, y compris la Saint Barthélémy. En général les hommes politiques rassemblent. Lui il assume le clivage. On n’a jamais vu un candidat aussi relayé médiatiquement. Enfin on n’a aussi jamais vu quelqu’un construire sa carrière politique sur l’histoire. C’est pour cela qu’il est très important de montrer que sa vision du monde est très largement faussée ».

Sachant qu’il faut trente secondes pour faire une déclaration scientifique trompeuse et trente minutes pour la réfuter, on saluera d’autant plus le travail rassurant à bien des égards de ce collectif d’historiens, face à un faussaire qui « se sert de l’Histoire pour légitimer la violence et l’exclusion, pour promouvoir une vision raciste et misogyne de l’Humanité. Il fait mentir le passé pour mieux faire haïr au présent… et ainsi inventer un futur détestable ».

En bref : 

Zemmour contre l’histoire. Collection Tracts (n° 34), Gallimard, 2022. [En librairie depuis le 3 février].
Textes écrits par un collectif d’historiennes et d’historiens rassemblant : Alya Aglan – Florian Besson – Jean-Luc Chappey – Vincent Denis – Jérémie Foa – Claude Gauvard – Laurent Joly – Guillaume Lancereau – Mathilde Larrère – André Loez – Gérard Noiriel – Nicolas Offenstadt – Philippe Oriol – Catherine Rideau-Kikuchi – Virginie Sansico – Sylvie Thénault.

Voir aussi la vidéo réalisée par « Manon Bril » [alias Manon Champier], docteure en histoire contemporaine et vulgarisatrice sur la chaîne youtube « C’est une autre histoire ».

Notes : 

(1) Plus précisément, comme le relève André Loez, l’un des historiens du collectif, dans un entretien pour le Café pédagogique, Zemmour parle plus du « roman national » que de l’histoire. « Le roman national est une lecture nostalgique et réductrice du passé. Mais le roman national traditionnel ne valorise pas Vichy. E Zemmour rompt avec ce roman national traditionnel. Et il le fait pour réhabiliter des figures de Vichy« .  

(2) « Dans les thèmes chers à E. Zemmour reviennent régulièrement deux personnages : Pétain et  Clovis (…) C’est pour lui une façon de postuler la continuité de l’histoire de France alors qu’on sait qu’il n’y a rien de commun entre la France de 2022 et celle du royaume des Francs. La discontinuité est plus forte que la continuité. L’autre idée d’E Zemmour c’est qu’il faut assumer l’histoire de France y compris dans ses figures criminelles comme Pétain. Cela permettrait de faire l’union des droites. Evidemment on ne peut pas assumer ce passé si assumer veut dire qu’on doit déclarer que c’était bien. Ou s’il faut mentir en disant que Pétain a sauvé des juifs. On ne peut pas laisser passer cela ». André Loez cf http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2022/02/04022022Article637795540297418320.aspx

Par ailleurs, après sa condamnation du 17 janvier 2022, pour ses propos sur les mineurs étrangers isolés, le polémiste comparaissait le jeudi 20 janvier devant la Cour d’appel de Paris pour contestation de crimes contre l’humanité. En décembre 2020 sur CNews lors d’un débat face à Bernard-Henri Lévy, Eric Zemmour avait réaffirmé que Pétain et le régime de Vichy avaient sauvé des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. La décision de la cour d’appel sera rendue après l’élection présidentielle des 10 et 24 avril prochains. 

(3) Ceux qui se persuaderaient que la politique discriminatoire de Vichy ne serait « pas tout à fait aussi grave »(sic) qu’une politique d’extermination oublient notamment qu’après les lois sur les dénaturalisations mises en place dès le 22/07/1940, soit un mois à peine la proclamation du régime de Vichy, son statut des Juifs (loi du 03/10/1940) impose une définition biologique, quand l’Allemagne nazie ne donnait qu’une définition religieuse, déclarant en effet, dès son article 1, qu’« est regardé comme juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race(sic) juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif », quand l’Allemagne nazie ne mentionnait que « la religion juive ». Elle précise également les professions désormais interdites aux personnes répondant aux critères édictés. La loi du 4 octobre 1940 sur « les ressortissants étrangers de race juive »(sic), promulguée simultanément avec le statut des Juifs, autorise l’internement immédiat des Juifs étrangers. Le 02 juin 1941, tout en ordonnant un recensement sur l’ensemble du territoire, l’Etat français de Vichy promulgue un deuxième statut des Juifs, qui élargit les critères d’appartenance à la « race juive »(sic) et étend le champ des interdictions professionnelles.

(4)Le Journal officiel du 30 août 1940, page 4844, publie la loi du 27 août 1940 portant abrogation du décret-loi du 21 avril 1939, modifiant les articles 32, 33 et 60 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : 

« Art. 1°. – Est abrogé le décret-loi du 21 avril 1939, modifiant les articles 32, 33 et 60 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les dispositions antérieures des articles précités sont remises en vigueur.  

« Art. 2. – Amnistie pleine et entière est accordée, pour tous les faits commis antérieurement à la promulgation de la présente loi, aux délits prévus par les dispositions abrogées par l’article 1° du présent décret ».

Quand les Protestants interpellent les candidats à la présidentielle 2022 sur 10 thèmes essentiels

Les chrétiens auront-ils cette prudence de Joseph, qui a su fuir la proposition indécente de la femme de Potiphar, pour privilégier un vrai débat citoyen, avec des enjeux essentiels ? (Source image : public domain picture)

L’actuelle injonction obsessionnelle et fétichiste « #DebateMe [« débattez avec moi »] de certains polémistes sur les plateaux des chaînes de télévision d’opinion ou les réseaux a@sociaux, me rappelle le « viens coucher avec moi » de la femme de Potiphar à Joseph (Gen.39v7).

A l’instar du jeune hébreu, qui a su refuser – et même fuir – cette « proposition indécente » (Gen.39v8, 12), la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez a su flairer le piège tendu par Ben Shapiro, la star de la télévision alt-right et ex-animateur de Breitbart. Celui-ci lui ayant offert publiquement 10.000 dollars pour débattre avec lui, après sa victoire remportée à la primaire démocrate de 2018 à New York, elle répond sèchement sur Twitter: «Just like catcalling!» (« c’est juste du chahut») : «Je n’ai pas à répondre à des invitations à débattre venant d’hommes mal intentionnés.».

C’est pour cette même raison qu’en 2009, l’universitaire et journaliste George Monbiot a refusé le défi d’un débat en direct sur le changement climatique anthropique avec le géologue Ian Plimer, expliquant qu’il «Il faut trente secondes pour faire une déclaration scientifique trompeuse et trente minutes pour la réfuter». C’est ainsi que, comme le souligne Christian Salmon dans sa chronique sur Slate, que « les climato-sceptiques exigent un débat sur le changement climatique et font de cette revendication non satisfaite la preuve de l’existence d’un complot scientifique. Les suprémacistes blancs revendiquent un débat sur le grand remplacement. Et les machos qui pullulent dans les talk-shows, un débat sur l’infériorité intellectuelle des femmes (…..) Le débat d’idées est le format roi de l’ère du clash et c’est pourquoi il ne cesse d’envahir l’espace public. C’est l’espace non pas de la libre expression mais de la libre circulation des trolls qui aspirent, comme toute marchandise, à être libérés de toute entrave à la circulation et refusent d’être soumis au contrôle de la preuve qui accompagne les arguments écrits ».

Et comme il n’y a pas que les obsessions identitaires, ou le fantasme du « grand remplacement » dans la vie, la Fédération Protestante de France (FPF), souhaitant « prendre sa part » dans un vrai débat citoyen, quelques jours après l’épiscopat catholique, présente 10 thèmes essentiels sur lesquels son expertise est notoire (1), dans une adresse aux candidats à la présidentielle (mais aussi aux législatives) française 2022.

Plus précisément, depuis le 2 février, et ce, pendant 10 semaines jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle, la Fédération protestante de France aborde tous les mardis une de ces 10 thématiques : Laïcité et place des religions ; Autonomie et handicap ; Pauvreté ; Europe et justice sociale ; Écologie et justice climatique ; Égalité femmes-hommes ; Exil et accueil des réfugiés ; Racisme et xénophobie ; Solidarité internationale ; Jeunesse et éducation.

L’ordre des thématiques n’est pas un hasard, puisqu’il est choisi en fonction de rendez-vous du calendrier et de la complémentarité des thématiques qui se suivent. C’est ainsi que, par exemple, l’adresse concernant l’Égalité Femmes-hommes sera présentée le mardi 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

Les 10 thèmes de l’Adresse sont sélectionnés par le conseil de la FPF et portés par des experts de ces questions : présidents d’Églises, acteurs protestants de l’action sociale et experts qui viennent énoncer des questions vives sur un thème sur lequel ils sont acteurs légitimes.

Chaque thème comporte la même construction éditoriale : des éléments contextuels, 3 points-clés, une question aux candidats, un encart sur l’impact de la crise sanitaire sur la thématique.

L’ensemble de l’adresse sera transmis aux candidats et aux parlementaires et attendra des réponses écrites ou sous forme de rendez-vous en visioconférence avec les signataires et le président de la Fédération protestante de France.

« Citoyens engagés et responsables, les protestants veulent faire entendre leur voix, leurs convictions et leurs questionnements dans l’espace public, explique le président François Clavairoly en préambule du document de quinze pages. Ils veulent faire confiance au politique qui nous tient ensemble en démocratie. Ils portent sur bien des sujets un regard lucide et critique. ».

Nous pouvons retrouver chaque semaine à la Une de protestants.org le focus sur une des 10 thématiques, avec une vidéo, ainsi qu’une émission radio tous les 15 jours croisant deux thématiques qui se suivent.

Les protestants pourront, s’ils le souhaitent, s’approprier et diffuser cette Adresse et inviter chacun au débat sur ces questions sensibles en famille, en paroisse (ou en église locale], dans les pôles de la FPF, en société auprès des élus et des pouvoirs publics etc.

Cette Adresse publiée en partenariat avec l’hebdomadaire Réforme est l’objet chaque semaine d’un article sur la thématique proposée.

Note :

(1) A la différence de ces chroniqueurs d’une émission de plateau, parodiés dans le célèbre sketch « L’Heure des pronos »(19/11/20), de Sébastien Thoen et Julien Cazarre, qui ne connaissent pas mieux que nous les sujets abordés, sauf qu’ils sont payés pour en parler.

L’action du mois : Face à la polarisation, phénomène de division et d’exclusion, retrouver en l’autre « un visage » et « un humain »

« Polarized politics », par Dan Wasserman, 07/04/2010

Le théologien anglican John Stott (1921-2011) l’écrivait déjà dans ce grand classique qu’est « une foi intelligente et équilibrée » (Excelsis, 2016) : l’une des plus grandes tragédies du christianisme contemporain est la polarisation, l’extrémisme.

C’est aussi une tragédie pour notre société d’aujourd’hui, comme l’analyse Simon Lessard dans son excellente chronique pour l’émission radio « On n’est pas du monde »(1). Je l’en remercie, comme je le remercie, ainsi que l’équipe du Verbe, pour m’avoir aimablement autorisé à la publier sur Pep’s café [les notes sont de mon cru]. Bonne lecture !

« Nationalistes » contre « mondialistes » (…), « wokistes » contre « trumpistes », jusqu’aux « pro » et « anti » mesures sanitaires, nos sociétés sont de plus en plus bipolaires. Plus qu’une simple divergence d’opinions, la polarisation est un phénomène de division et d’exclusion réciproque. Au-delà de la crise covid et de l’influence des réseaux sociaux qui l’amplifient, quels sont les facteurs culturels à l’origine de ce phénomène global qui fracture le corps social et intoxique les débats publics ?

Qu’est-ce que la polarisation ?

Du grec polos, signifiant « pivot » ou « axe », la polarisation désigne tout processus d’attraction et de concentration autour de deux « pôles » opposés, au sein d’une structure ou d’un phénomène physique ou social.

En optique, la polarisation décrit la propriété des ondes lumineuses liée à l’orientation qu’elles suivent dans un plan. On parle ainsi de verre polarisé qui filtre la lumière afin de protéger nos yeux d’éblouissements aveuglants, ou encore pour visionner des films 3D.

En géographie, on appelle polarisation l’influence exercée par un lieu central sur ses périphéries. L’impact d’une métropole, par exemple, sur ses banlieues et la campagne environnante.

En économie, à partir des années 80, le terme s’est mis à désigner l’écart grandissant entre les riches et les pauvres, et la disparition graduelle de la classe moyenne.

De nos jours, il est le plus souvent utilisé en politique : il renvoie alors au processus par lequel l’opinion publique tend à se diviser radicalement en deux positions contraires.

Plus qu’une simple opposition

Il y a certes deux idées opposées dans tout processus de polarisation, mais il y a, en plus et surtout, une concentration en deux uniques positions et une force d’attraction et de répulsion réciproque entre elles.

Être polarisé, ce n’est pas seulement être en désaccord, c’est chercher à rapprocher les gens d’une thèse tout en travaillant à les éloigner de la thèse contraire.

Par exemple, par rapport à la religion, on peut être athée ou croyant, catholique ou protestant, juif ou musulman, sans être polarisé et polarisant. On l’est uniquement si l’on désire convaincre les autres d’adopter la même posture que nous, tout en les repoussant le plus possible de la position inverse.

C’est ainsi que le polarisé cherche à se définir par mode d’opposition à son adversaire : 

« Si tu n’es pas woke, tu es trumpiste. » 

« Si tu n’es pas antivax, tu es propasseport vaccinal. » 

« Si tu n’es pas féministe, tu es misogyne. »

C’est aussi pourquoi le dialogue est quasi impossible en contexte de polarisation(2). La logique cède souvent toute la place à la rhétorique et la raison, à l’émotion. Il n’y a plus de recherche commune de la vérité, il n’y a que des jeux de pouvoir, un combat à mort des opinions.

Aveuglé par ses lunettes « polarisantes » qui lui font tout voir de son seul point de vue, le polarisé opère une réduction de la réalité en deux uniques positions et tend à exclure toute position tierce ou intermédiaire. Tout noir ou blanc et sans nuances de gris, la complexité du réel est ainsi simplifiée à outrance. La polarisation est l’ennemi de la diversité et de la multiplicité, et ce, même quand elle s’en prétend la plus grande défenseure.

Cinq amplificateurs culturels

Si plusieurs associent ce phénomène mondial à la montée des réseaux sociaux, ceux-ci ne sont que des amplificateurs d’une tendance lourde de notre culture contemporaine.

1. Le relativisme culturel

À première vue, on pourrait penser que le relativisme ambiant (« Tout est relatif, il n’y a que des opinions ») est une force contraire à la polarisation. Si la vérité n’est jamais absolue et change selon les cultures, les époques, ou même les points de vue personnels, nulle raison de s’obstiner à défendre une position plus qu’une autre. 

Pourtant c’est tout le contraire. 

La relativisation de la connaissance humaine engendre l’impression que le pouvoir en place impose « sa » vérité, qui pousse à son tour les oppositions ou contrepouvoirs à vouloir dicter « leur » vérité. La connaissance n’étant plus affaire de savoir, mais de pouvoir, une guerre des opinions subjectives remplace une recherche des vérités objectives. On désire plus avoir raison que trouver la vérité. Il y a là un manque d’humilité et, pire encore, un détournement de la finalité de toute discussion.

2. Le pluralisme politique

Le penchant politique du relativisme est le pluralisme. Ce concept est à priori bon, entre autres lorsqu’il renvoie à un système d’organisation qui reconnait et accepte une saine diversité des idées et modes de vie, permettant la cohabitation de personnes d’origines culturelles variées. Mais le pluralisme frappe un mur quand il mute en idéologie.

Si la multiplicité est une bonne chose quand elle touche les moyens, elle devient vite problématique lorsqu’elle s’applique aux fins. Dans une entreprise, une armée ou un orchestre, les nombreuses spécialités enrichissent le groupe qui vise un même but : les profits, la victoire ou la beauté. Mais si les employés, militaires et musiciens ne s’entendent pas sur ce pour quoi ils sont réunis, alors il faut s’attendre à l’anarchie, la mutinerie et la cacophonie.

3. La marchandisation de l’information

Quand les nouvelles et les cours universitaires sont soumis aux dictats capitalistes, c’est souvent au prix de la vérité. La popularité et la rapidité prennent le dessus sur la sincérité pour obéir aux lois du marché. 

Les argumentations lentes et nuancées vendront toujours moins de copies et susciteront toujours moins de likes que les opinions tranchées en moins de 280 caractères. La précipitation des réflexions et de leur expression provoque des simplifications et des généralisations, qui nuisent à une saine et sereine recherche en commun de la vérité.

4. La démocratisation du savoir

Qu’un plus grand nombre ait accès à une éducation de qualité est sans conteste une avancée de nos sociétés démocratiques. Mais la démocratisation du savoir risque toujours d’avoir pour effet pervers de préférer ce qui est simple, voire simpliste, à ce qui est nuancé et complexe. Or, la vérité n’est pas déterminée par la majorité ni ce que tous peuvent aisément concevoir. N’en déplaise à Descartes, le bon sens n’est pas la chose du monde la mieux partagée. Quand l’accessibilité prime sur la vérité en matière de connaissance, une paresse intellectuelle s’installe. On veut tout savoir et tout exprimer sans effort. Du coup, on oppose plus qu’on ordonne, on confond plus qu’on distingue, car cela est bien plus facile et rapide, bien plus à la portée de tout un chacun.

5. La dépersonnalisation des échanges

La virtualité des débats et la médiatisation des discussions incitent à une abstraction et une dépersonnalisation de l’interlocuteur. L’autre ne devient dès lors qu’un adversaire. Il n’est plus une personne à part entière, capable de distinctions et de conversions, il n’est que mon ennemi sur un point précis. 

L’autre est rapidement psychiatrisé ou diabolisé : « Celui qui ne pense pas comme moi est nécessairement fou ou méchant. » Mais face à face, autour d’un café, l’autre retrouve un visage et quelque chose de son humanité. Les photos de profil et les émoticônes ne remplaceront jamais les croisements de regards et l’émotivité de la voix humaine(3).

Dépolariser par la synodalité

Comment dépolariser une société ? Repenser nos prises de parole et de décision à partir de la notion de synodalité est sans conteste une voie à emprunter.

Concept phare de l’Église catholique (4) pour exprimer sa nature et sa mission, la synodalité pourrait et devrait inspirer toute communauté, qu’elle soit familiale, politique, ou culturelle. 

Composée de sun, « avec », et de hodos, « chemin », la synodalité consiste à cheminer avec l’autre.

Marcher ensemble, c’est d’abord s’entendre sur une destination commune. C’est ensuite se parler face à face en avançant côte à côte. Cette familiarité empêche de caricaturer aussi bien la position adverse que celui qui la défend. C’est enfin vivre main dans la main le quotidien et affronter coude à coude les obstacles du chemin.

Ni tyrannie de la majorité ni égalitarisme, la synodalité se distingue de la démocratie et de la collégialité en articulant diversité, hiérarchie et unité. Elle est un remède pratique pour élever le gout de la vérité au-dessus de la soif de pouvoir.

Avec l’annonce de son synode sur la synodalité, l’Église catholique, jugée trop souvent comme dépassée, est pour une fois en avance sur le reste de la société. Rassemblant des millions de femmes et d’hommes d’une diversité inouïe, elle ose encore croire qu’il est possible de vivre, discuter et avancer ensemble, autrement que par des joutes oratoires et des jeux de pouvoir.

Notes :

(1) « Petit traité de la polarisation » de Simon Lessard, initialement paru sur Le Verbe.com.

« On n’est pas du monde » est une émission de radio hebdomadaire diffusée sur les ondes de Radio Galilée, Radio VM et aussi disponible en baladodiffusion. Chaque épisode fait place à des discussions conviviales où profondeur et humour s’allient pour faire réfléchir.

Rédacteur et responsable de l’innovation au Verbe, Simon Lessard est diplômé en philosophie et théologie. Il aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps.

Le Verbe.com a pour mission de témoigner de l’espérance chrétienne dans l’espace médiatique en conjuguant foi catholique et culture contemporaine. Outre « On n’est pas du monde », la joyeuse équipe produit un magazine bimensuel de 20 pages (distribué gratuitement dans les places publiques), un dossier spécial biannuel  (mook) d’environ 100 pages (envoyé gratuitement par la poste aux abonnés), ainsi qu’un site web animé par une quarantaine de collaborateurs réguliers.

(2) Ce qui me paraît être l’enjeu informationnel essentiel est de pouvoir encore consulter des médias sérieux, comme de pouvoir continuer à échanger avec les autres, en se gardant de toute isolation socioculturelle/de naviguer dans des environnements politiques et médiatiques clos, où chacun aurait ses chaînes et sites d’information. Aux Etats-Unis, sauf erreur de ma part, il est possible, pour un chrétien, un athée ou un musulman, de chercher les mêmes choses sur le web et de tomber sur des sites totalement différents, orientés selon le profil et la croyance du chercheur…qui ne tombent plus sur des sites « d’information », mais plutôt (et c’est le drame !) de « confirmation » ! Nous n’en sommes heureusement pas encore là en France, quoique le danger n’est pas à écarter (cf le phénomène de concentration des médias en France, qui touche même à l’édition et à la communication). D’où une vigilance constante, sans oublier que le chrétien, disciple de Jésus-Christ, est censé davantage se nourrir de la Parole de Dieu que d’info en continu, et se connecter « aux nouvelles du ciel » ! 

(3) Comme j’aime à le dire : « derrière les avatars se cachent des êtres humains ».

(4) Le concept chrétien, décrit dans le Nouveau Testament (livre des Actes, chapitre 6), est également connu des protestants, quoique certains, au sein du protestantisme, lui préfèrent le fonctionnement « prébytérien-synodal » et « conciliaire ».