« Si Jésus venait dîner chez toi…. » : série Pep’s café « le plat préféré de Jésus »

Une variation sur la façon dont on devrait/pourrait recevoir Jésus.  Devrions-nous forcément accueillir un roi en dépensant beaucoup d’argent pour des mets somptueux ? (Source image : public domain pictures)

Après « le menu » concocté par Yannick, ces dernières semaines, c’est au tour de Laurène, chargée de communication pour l’Alliance Biblique Française, que je remercie, de se prêter à l’exercice de variation, dans le cadre de notre série « le plat préféré de Jésus ». Voici comment elle a relevé le défi :

J’ai récemment posé à plusieurs personnes, enfants et adultes, la question de savoir quel plat ils prépareraient si Jésus venait dîner chez eux. Voici quelques réponses que j’ai reçues :

De la part des enfants :

•          « Du pain pour qu’il puisse le multiplier. »

•          « Un mac-do. »

•          « Des frites et du poisson. »

•          « Il mérite qu’on le reçoive comme un roi mais je pense que je le recevrai simplement ». 

Et de la part des adultes :

•          « Du poisson grillé. »

•          « Une bière » 

•          « Une blanquette de veau, car après la traversée du désert, il mérite un bon repas. »

•          « Une tarte flambée au munster et une choucroute, car il n’a probablement jamais eu l’occasion d’en goûter en Israël. »

Ces réponses m’ont fait sourire mais elles m’ont toutes amenées à réfléchir.

En les analysant, je réalise qu’elles sont influencées par la personnalité de chacun. Certaines personnes choisissent de préparer ce qu’elles apprécient elles-mêmes, d’autres font preuve d’empathie envers Jésus, certaines se réfèrent aux écritures, tandis que d’autres s’interrogent sur la meilleure manière de l’accueillir, que ce soit avec extravagance ou simplicité. D’autres encore craignent de faire mal ou d’en faire trop, de crainte d’être jugées.

Alors est-il possible que Jésus apprécie un mac-do ? Et pourquoi pas… ? Là n’est pas la question mais essayons de nous pencher sur ce que disent les Écritures dans le chapitre 4 de l’Évangile selon Jean, versets 31 à 34 :

31 Pendant ce temps, les disciples insistaient auprès de Jésus : « Rabbi, mange quelque chose ! ». 
32 Mais il leur répondit : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. » 
33 Les disciples se demandèrent donc les uns aux autres : « Quelqu’un lui a-t-il apporté à manger ? » 
34 Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de terminer le travail qu’il m’a confié.

Jésus cherche vraisemblablement à éveiller la conscience de ses disciples envers une nourriture spirituelle, une nourriture bien plus essentielle que la nourriture physique. Ce passage nous encourage à recentrer nos vies sur l’essentiel, à nous rapprocher de Dieu. Parce qu’il faut le reconnaître, la nourriture occupe une place prépondérante dans notre quotidien… Sûrement un peu trop parfois. 

L’autre question qu’a soulevé les réponses de mon entourage porte sur la façon dont on devrait/pourrait recevoir Jésus.  Devrions-nous forcément accueillir un roi en dépensant beaucoup d’argent pour des mets somptueux ? Il me semble que Jésus nous invite à considérer la notion d’authenticité, de simplicité, de se recentrer sur l’essentiel. A-t-on besoin de se mettre trop de pression ? 

C’est la notion d’amour qui revient alors encore et encore. Peu importe la façon, le plat, la nappe avec lesquels nous recevront Jésus, son message est clair : il nous aimera malgré tout, peu importe les circonstances… C’est cela qu’on appelle l’amour inconditionnel. 

Alors, qu’en est-il de vous ? Comment auriez-vous répondu à cette question ? Comment et qu’aimeriez-vous préparer pour Jésus s’il était à votre table ? Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse alors osez poser la question autour de vous. Vous verrez, cela déclenchera des partages forts intéressants. 

(Nouvelle variation sur le thème vendredi prochain, par un autre contributeur)

#NoTwitterDay : pour une journée sans Twitter ce vendredi

(Source image : non pas l’affiche du dernier film des « X-Men », mais le site notwitterday.com)

Vous participez ?

Moi, toujours, car je n’ai pas Twitter [rebaptisée « X » pendant l’été 2023], pas plus que je n’ai de compte sur un réseau @social.

Pour rappel, afin de célébrer le premier anniversaire du rachat de Twitter par Elon Musk, un collectif lancé par Tristan Mendès France [à ne pas confondre avec « Pierre » Mendès France], Julien Pain et Rudy Reichstadt, spécialistes de la lutte contre la désinformation, ont appelé, dans une tribune libre publiée par Le Monde, à un « NoTwitterDay », soit à « un jour sans » (Twitter, rebaptisé « X » depuis l’été), consistant à ne pas tweeter pendant vingt-quatre heures le vendredi 27 octobre, ce qui n’est pas mauvais pour la santé. 

Et ce, face aux dérives constatées du réseau social depuis son rachat par le milliardaire et entrepreneur, telles le licenciement des modérateurs, la « prime de visibilité aux contenus toxiques » donné par l’algorithme, la réduction de visibilité des contenus journalistiques, et l’augmentation concomitante des contenus complotistes et haineux, sans oublier l’apologie du terrorisme et la pédopornographie.

Ceci dit, « le #notwitterday n’est pas seulement une protestation contre les agissements d’Elon Musk. Il rappelle l’importance de notre voix en tant qu’utilisateurs. », expliquent les promoteurs de cet appel au boycott. « Si nous sommes nombreux à nous unir, à nous abstenir d’utiliser la plate-forme ce jour-là et à échanger pendant une journée entière sur d’autres plates-formes, nous enverrons un message fort à Elon Musk : la communauté des utilisateurs de ce réseau social tient à la qualité et à l’intégrité de ses échanges. »

« Demain on ne tweetera pas. Parce que Twitter c’est nous. Et on dit non, ensemble, à la désinformation et à la haine en ligne », explique le journaliste et fact-checkeur Julien Pain.

Depuis, leur appel a également été signé par des personnalités telles que l’humoriste et chroniqueuse Sophia Aram, le chercheur au CNRS David Chavalarias, le scientifique Etienne Klein, les journalistes Samuel Etienne, Aude Favre, Salomé Saqué, Clara Schmelck et Thomas Huchon, notamment.

Sans surprise, relève le site Nextinpact, des conspirationnistes et antivax ont propulsé, en guise de contre-manifestation, le hashtag #RudyKissMyAss en « trending topics », cyber-harcelant nommément le directeur de Conspiracy Watch avec plus de 73 000 tweets, contre un peu moins de 21 000 pour #NoTwitterDay d’après l’algorithme de X ce fameux vendredi 27/10 matin.

Une sous-exposition qui s’explique en bonne partie par le fait que plusieurs des principaux trolls relayant le hashtag de cyberharcèlement ont vu leurs messages surexposés par l’algorithme du réseau social, du fait de l’abonnement Twitter Blue. Au contraire, les promoteurs et soutiens de la grève refusent de payer pour fausser l’accès à l’information et sont sous-exposés, bien que plus nombreux et auparavant certifiés, et disposant donc souvent de bien plus d’abonnés. Une autre explication tient au fait qu’en réponse aux tweets relayant l’appel à manifester #NoTwitterDay, de nombreux « haters » y répondent, en commentaires, par le hashtag #RudyKissMyAss, contribuant au cyberharcèlement de masse.

Au final, comme l’a souligné le juriste Maitre Eolas sur son compte Twitter [« X »] : « Si vous doutez de l’intérêt du #NoTwitterDay ou de l’avenir de Twitter devenu 𝕏, un coup d’oeil sous mon annonce de ma participation avec tous les comptes de fachos qui rappliquent pour dire « même pas mal » suffira à vous convaincre. »  

Une telle dérive au nom de « la liberté absolue d’expression » [impossible en soi et purement idolâtrique], telle qu’elle est défendue par Elon Musk pour justifier les évolutions du réseau social, était déjà dénoncée par le Seigneur lui-même en Ezéchiel 34 : absence de modération (v1-10) – alors que la modération est biblique et spirituelle – et loi du plus fort empêchant les brebis de profiter du pâturage [v17-24]. La réponse du Seigneur est de nature à nous inspirer, avec, au final la conclusion « d’une alliance de paix », laquelle n’est pas « la tranquillité » pour celui qui hurle le plus fort ou harcèle les autres et pas mieux la liberté sans entrave de diffuser tout et n’importe quoi, mais l’établissement de ce qui est juste et bon, permettant de vivre et jouir en sécurité du pâturage.

En savoir plus sur cette initiative, c’est ici, et pour découvrir la tribune des premiers signataires, parue dans Le Monde, c’est .

MAJ le 06/11/23

L’action du mois : prier en temps de guerre

Ni trop loin, ni trop près, mais une nécessaire distance pour plus de justesse dans nos prières.

L’indifférence serait-elle le mal du siècle ? L’écrivain napolitain Erri de Luca la définit comme étant « l’incapacité de distinguer les différences »(1). Soit un « trouble de la perception qui empêche de distinguer la différence entre réalité et mise en scène. On assiste, inerte, à un acte de violence, à un malheur, car on croit assister gratis à une représentation où l’on est tenu d’agir en spectateur.  L’indifférence est justement un dérangement opposé à celui de Don Quichotte, « le chevalier à la triste figure », lequel s’immisçait dans les affaires et les malheurs des autres. Paradoxalement, ce monomaniaque opiniâtre, victime d’une imagination déréglée, ne veut d’autre code, pour déchiffrer le monde, que celui qu’il a trouvé dans ses romans de chevalerie dont il fait sa nourriture quotidienne. Il distingue ainsi mal la réalité, souffrant pourtant d’interventionnisme extrême, allant jusqu’à faire irruption dans un théâtre de marionnettes, saccageant les pantins qu’il prend pour ses ennemis. Il confond spectacle et réalité, il ne se contente jamais d’être spectateur. En écoutant les nouvelles télévisées, il faudrait se rincer les yeux avec le collyre fébrile de Don Quichotte. Se sentir un peu moins spectateur, un peu moins membre d’une « audience », un peu plus membre d’une chevalerie errante, erronée et irritable. » 

A l’inverse, une trop grande proximité avec le sujet pour lequel on prie ne nous permet pas d’atteindre la distance nécessaire, pour une prière réellement ajustée.

Face à ces écueils, une bonne nouvelle : Le CNEF (Conseil National des Evangéliques de France) publie un guide bienvenu pour animer un temps de prière ajusté au sujet des différents et guerres dont nous sommes les témoins et qui ne nous laissent pas indifférents, avec « le mode d’emploi » et les recommandations suivantes

TÉLÉCHARGER LA FICHE COMPLÈTE

Lorsque nous prions pour un conflit violent, une guerre ou toute autre catastrophe, nous ne devons pas oublier que « la prière est efficace, et qu’ « elle est notre responsabilité, notre contribution dans ces tristes événements. Face aux attaques armées meurtrières, la prière est une arme défensive, de paix, de transformation, et de réconciliation ».

Tout en priant, nous restons conscients que « le seul qui puisse apporter une paix réelle et durable entre les peuples est Jésus-Christ, qui change les cœurs, et non un traité de paix ou un accord, qui peut être déchiré à la première occasion ».

De fait, « cherchons toujours, y compris par nos prières, à rendre gloire à notre Dieu ».

Parmi les principes rappelés dans le guide de prière, il est essentiel ne pas être binaires ou réducteurs dans nos prières : un conflit [comme une campagne électorale ?] ne peut se résumer à une lutte entre le camp du bien et celui du mal. L’histoire récente et plus ancienne a montré que les torts sont parfois partagés, et l’origine d’un conflit souvent complexe. Informons-nous sur la réalité [et la complexité] des situations.

La politique et la religion sont souvent indissociables dans les conflits actuels. Prenons garde à nos paroles dans nos prières à haute voix, afin de ne pas tomber dans une prise de position politique.

Gardons-nous enfin de tomber dans un spiritualisme excessif et non-biblique en ce qui concerne les raisons de ces conflits et les identités des différents protagonistes.

En savoir plus ici : PRIER en temps de guerre | CNEF

Le guide à télécharger : 

CNEF_2023_Prier en temps de guerre.pdf

Voir aussi : 

15 prières pour un monde violent

Note :

(1) « Indifférence » IN Alzaia. Rivages et Payot, 1998(Bibliothèque rivages), pp 95-96

Chéri(e)… Jésus vient manger à la maison ! (3) Le dessert

Un petit dessert aux dattes ou aux pistaches que Jésus va sûrement aimer, parce que le Dieu éternel s’est fait chair (Source image : public domain pictures)

Suite et fin du menu proposé par Yannick, que je remercie, dans le cadre du thème de notre série Pep’s café! (« le plat préféré de Jésus »), lequel se conclut par le dessert !

Comment terminer ce repas avec Jésus ? Un petit dessert, peut-être ? Vendu. Mais lequel ? Tant de possibilités se bousculent dans ma tête. Ma femme a bien sûr plein d’idées, meilleures que les miennes. Et puis tout d’un coup une affirmation simple et d’une profondeur inouïe nous saisit tous les deux : « Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité. » (Jean 1.14) La Parole a été faite chair. Quelle affirmation ! Quelques mots seulement, mais quels mots. Y a-t-il mieux pour terminer notre repas avec Jésus ?

La Parole, le Fils de Dieu, qui est éternel, lui qui était là à la création de toutes choses… le voilà devant nous ! Il va manger avec nous ! Je n’en ai aucun doute. Il va prendre les dattes que j’ai marinées selon une recette du Moyen-Orient que j’ai trouvée en ligne. J’ai même fait quelques pâtisseries aux pistaches. Je sais que Jésus va aimer. Pourquoi ? Parce que le Dieu éternel s’est fait chair. Il a donc voulu comme nous connaître le goût – et aussi la faim. Jésus, Dieu, a eu son plat préféré, et son dessert favori, même s’il la probablement eu seulement pour des occasions extraordinaires. Alors voilà… je fais pareil. Je fais de dessert parce que la Parole qui a été faite chair va trouver cela délicieux !

Jésus a eu un corps ! Dieu a pris un corps humain ! Vous imaginez ? Aucune autre religion ne peut dire cela sans diminuer Dieu ou diviniser l’homme. Voilà que la foi chrétienne reconnaît quelque chose de radical dans l’histoire. Ce Dieu est unique. Il n’a pas eu honte de notre humanité. Il a souffert comme nous, il a pris plaisir dans ce petit dessert… comme nous. Terminons notre repas par le dessert de l’adoration du Dieu incarné, du Dieu qui l’a envoyé, et de celui qui nous accompagne. Terminons par le dessert de l’adoration… celle du Dieu Père, Fils, et Saint-Esprit !

(Vendredi prochain : une autre variation sur le thème, par un autre contributeur à découvrir)

De la responsabilité de l’oint du Seigneur (2 Samuel 11-12 / Matthieu 7v1-3)

Que fait-on, quand on a tout ? Une très belle prédication, donnée dimanche 15/10 au temple protestant du Marais, sur « le péché du roi David », sur les textes de 2 Samuel 1112 et de l’Evangile selon Matthieu 7v1-3, avec une réflexion sur la liberté et la responsabilité du croyant, notre rapport à la sainteté et notre vulnérabilité / (in)tranquillité…

Le « Notre Père » dit de l’autre côté

Une « réponse alternative » possible à nos Notre Père. Source image : public domain pictures

Mon fils/ma fille, qui es sur la terre, Fais que ta vie soit le meilleur reflet de mon Nom.

Engage-toi pour mon Règne à chaque pas que tu fais,

Dans chaque décision que tu prends,

Dans chaque attitude et chaque geste.

Construis-le pour moi et avec moi.

C’est là ma volonté sur la terre comme au ciel.

Reçois le pain de chaque jour,

Conscient que c’est un privilège et un miracle.

Je pardonne tes erreurs, tes chutes, tes abandons,

Mais fais de même face à la fragilité de tes frères.

Lutte pour plus de justice et de paix

Et je serai à tes côtés.

N’aie pas peur :

Le mal n’aura pas le dernier mot.

Amen.

(Traduit d’après José Maria Rodriguez Olaizola s.j., Revue Jesuitas, Primavera 2017, p. 9)

Chéri(e)… Jésus vient manger à la maison ! (2) Le plat de résistance

« Plantons donc les dents dans ce morceau choisi : « Lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles…. » (Source image : public domain pictures)

Suite du menu proposé par Yannick, dans le cadre du thème de notre série Pep’s café ! [« le plat préféré de Jésus »], avec « le plat de résistance ». Qu’il en soit remercié !

Je suis toujours à préparer mon menu pour ce repas avec Jésus. Le moment est venu de passer au plat de résistance. Là aussi, je suis retourné vers ses propres paroles (n’oubliez pas qu’avec Jésus la flatterie ne marche pas). Plantons donc les dents dans ce morceau choisi : « Lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux, puisqu’ils n’ont pas de quoi te rétribuer ; car tu seras rétribué à la résurrection des justes. » (Luc 14.12-14)

Nous y voilà ! Je prépare un bon plat, et comme tout bon repas, il ne faut pas le partager seul. Je sais, je ne suis pas seul puisque Jésus vient à la maison. J’ai eu envie d’inviter un ou deux de mes meilleurs étudiants. Ils pourraient avoir d’excellentes questions. Ou alors un de mes collègues de la faculté de théologie ? Ah non, je sais… le pasteur ou l’évangéliste. Des personnes importantes quoi ! Et le texte de résistance me rappelle à l’ordre. Pour qui, pour quoi, est-ce que je vis ma foi ? Pour la gloire, pour la fierté de la connaissance, pour le nombre de convertis que mon Eglise va faire ? Pour la qualité de ma théologie ? Pour le nombre de versets que je connais par cœur ?

Qui vais-je inviter à la maison ? Les mêmes personnes que Jésus aurait invitées. Le truc… c’est que Jésus aurait invité tout le monde. Les plus démunis, mais aussi les plus fortunés. Il a mangé avec tout le monde Jésus. Il ne fait pas de différence. Il est venu pour ceux qui étaient malades, ceux qui se croyaient meilleurs que les autres. Il est venu pour eux aussi. Mais quand même, reconnaissons qu’il y a une bonne majorité de marginalisés et rejetés, de pauvres et de délaissés. Cela me rappelle le passage d’Esaïe 58.7-8. Si tu invites les plus pauvres, « ta justice marchera devant toi, et la gloire de l’Éternel sera ton arrière-garde. » Quelle promesse. Vous parlez d’un plat de résistance ! C’est le plat de l’humilité et de la générosité que Jésus aimerait manger avec nous !

Et ce repas est encore meilleur s’il est pris avec Jésus et ceux qui font partie de son corps… mais il faut manger ce repas de l’humilité et de la générosité ensemble, pas chacun dans son coin. L’apôtre Paul le rappelait d’ailleurs aux Corinthiens. Prenons ce repas ensemble, unis avec Jésus et les uns avec les autres sinon, nous mangerons ce repas « non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires » (1 Co 11.17). Quelle ironie ce serait !

Prenons ce plat de résistance en tant que Corps, en mettant aux places d’honneur les plus faibles et les marginalisés de nos sociétés, eux que l’Eglise accueille parce que Jésus lui-même leur ouvre les bras. Prenons ce repas de l’humilité et de la générosité, deux marques de notre amour fraternel, signe que nous sommes les disciples du Seigneur.

(Vendredi prochain : « le dessert »)

« Vous serez mes témoins….jusque dans les tribunaux ! » (Luc 21v5-19)

Dimanche 08/10, le pasteur Gilles Boucomont, du temple de Paris-Belleville, « prend le risque » de prêcher, sur les textes du Psaume 121 et de l’Evangile selon Luc 21v5-19, un message directement en lien avec l’actualité en Israël(1). Voici la transcription de son prêche, avec l’aimable accord du prédicateur, que je remercie !

La description au centre de ce texte [Luc 21v5-19]semble tellement similaire au journal de 20h d’hier. Il y a tout : l’Ukraine, l’Arménie, Israël hier, le tremblement de terre en Afghanistan, les maladies (les punaises de lit), il y a la peur… Tout est là.

Et vous connaissez ce réflexe des chrétiens : quand il y a toutes ces catastrophes, les chrétiens disent : « C’est que Jésus revient ». Et pourtant Jésus affirme bien : « Quand il y aura toutes ces catastrophes, ne dites pas que le Messie revient ! qu’il est arrivé… » Jésus nous dit de ne pas faire ça. Il nous explique qu’il y aura ce préalable que nous soyons accusés, malmenés, que nous devions passer devant des tribunaux. C’est là que l’on comprend ce que veut dire la phrase de la Pentecôte : « Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la Terre ».

Quand nous entendons « Vous serez mes témoins » nous nous disons qu’il va s’agir d’aller parler à la dame dans le bus, l’instruire de notre foi en Jésus. Non ! Vous serez témoins dans des procès. Vous serez accusés. Il y a des algériens dans notre assemblée ce matin et ils savent ce que ça veut dire.
Dans beaucoup de pays, quand on est chrétien, on est accusé, on est faussement accusé aussi, de diverses choses. Ça arrive déjà et c’est arrivé tout au long des siècles. Et  « vous serez mes témoins » parle de témoins au sens juridique. C’est : « vous serez mis en demeure de dire si vous appartenez à Jésus », ou si vous préférez, de dire des petites phrases pour vous dérober ou louvoyer et sauver votre peau vous-mêmes. Mais vous ne la sauverez pas, de toute façon, ni sur terre, ni au ciel.

Jésus, donc, nous dit que quand il y a tous ces cataclysmes, ces guerres, ce terrorisme — un roi contre un roi, un peuple contre un peuple — Jésus nous dit de ne pas nous agiter, de résister, et alors nous sauverons nos vies. Pas un cheveu de notre tête ne sera perdu.
Il dit ça aussi pour pousser son idée ; il vient de nous dire que nous allions devoir être redevables de notre foi devant les tribunaux, nous allons recevoir des paroles de sagesses, des choses dont vous sentez qu’elles ne viennent pas de vous, des paroles incroyables, dont vous sentez qu’elles sont véhiculées par votre bouche, mais c’est le Saint-Esprit qui va dire ces choses-là, pour l’édification commune. Et on sait que c’est déjà arrivé dès les premiers siècles, ce type de phénomènes, et que ça continue à arriver aujourd’hui. Des juges se convertissent alors qu’ils voulaient tuer un chrétien. Cela arrive aujourd’hui, parce que nous sommes témoins. Témoins d’un autre règne.
Et Jésus ajoute : « ne craignez pas pour un seul cheveu de votre tête » parce qu’il sait très bien que certains vont être témoins jusqu’au bout. Vous savez comment se dit « témoin » en grec ? Marturios. Martyr.

Vous allez être témoins, vous allez être martyrisés. En grec c’est la même chose.
Nous nous disons : « c’est bon on est tranquilles, on est en France »…
Pensez-vous qu’en sortant des services de Shabbat hier soir, nos frères et sœurs dans la foi Juifs étaient tranquilles ? Avec des rodéos de voiture devant la synagogue de Créteil, avec des manifestations de menace devant certaines synagogues. C’est ici. C’est maintenant. C’est aujourd’hui.
Aujourd’hui c’est eux, après-demain ce sera nous. Il y a quelques siècles, être protestant vous faisait passer par la fenêtre du troisième étage vite fait bien fait.

On ne sait pas.

Et Jésus nous confirme qu’on ne sait pas. Mais il faut résister, tenir ferme dans sa foi, et être prêt à être témoin en connaissant l’étymologie du mot grec, et donc la possibilité de devenir témoins jusqu’au bout, c’est-à-dire martyr. On ne me l’a pas appris au catéchisme, mais c’est dans la Bible. Être témoin c’est être prêt à aller jusqu’au bout, comme ceux qui nous ont précédés dans la foi. Une ville comme Lyon a connu largement l’Évangile parce qu’une certaine Blandine a accepté d’aller jusqu’au bout dans sa foi, y compris jusqu’à la mort. Même chose à Paris. Le christianisme se construit sur le sang des martyrs. Le christianisme s’est construit sur la vie offerte jusqu’au bout par les témoins de Jésus-Christ.

Depuis plusieurs décennies, parce que nous n’avons plus connu de guerre, depuis 1945, trois générations se sont dit que tout cela était fini, passé. Mais ce que nous avons vu hier aux informations nous a montré que cela peut arriver très vite et à plein d’endroits. Et nos frères et sœurs arméniens dans la salle peuvent en témoigner.

Jésus nous dit : « sachez qu’avant mon retour, inexorablement, on devra passer par ce genre d’épreuve ». Être convoqué à l’Assemblée Nationale pour être redevable de tel ou tel point de foi. Être mis en procès pour tel ou tel sujet. Des faux procès souvent. Oui, cela sera notre lot. Mais Jésus précise que pas un seul cheveu de notre tête ne sera perdu, parce qu’à partir du moment où tu es en Christ, ta vie peut raccourcir de dix ou même trente ans, mais qu’est-ce que c’est par rapport au fait d’être pour l’éternité avec Christ ? Tu voudrais gagner trente ans et tu perdrais l’éternité. Tu n’es pas bon en calcul ! Tu peux risquer de perdre trente ans, mais tu as l’éternité. Il faut quand même mesurer la dépense. Rester en Christ coûte que coûte. Voilà l’important.

La seconde conséquence des paroles de Jésus est très opérationnelle par rapport à l’actualité. Et aucun de mes propos ne sera politique (au sens politicien). C’est spirituel, ce que je vais dire. La conséquence immédiate c’est qu’aujourd’hui, en tant que chrétiens, à cause de notre héritage juif, nous, ici, rue Julien Lacroix, avec une synagogue à six numéros de rue plus loin, nous devons impérativement être, à cause de notre foi, des boucliers pour le peuple de la Bible, le peuple d’Israël. Cela ne veut pas dire d’entrer dans des luttes politiques et d’aller soutenir tel clan d’extrême-droite dans la politique internationale israélienne. Je ne parle pas de politique. Je parle d’être des boucliers pour les enfants d’Israël. Et cela signifie prendre des risques, prendre soin des plus petits du moment que sont ces familles juives qui essayaient de revenir tranquillement hier soir à la maison en passant dans cette rue, et qui tremblaient quelque peu. Ce n’est pas politique parce que nous devons aussi prendre soin de la totalité des enfants d’Abraham, y compris des enfants du peuple palestinien qui sont instrumentalisés par leurs dirigeants. Vous voyez qu’il ne s’agit pas d’être binaires, bêtes et méchants : on serait chrétien donc on soutiendrait Israël, etc. Nous sommes pour la vie, nous sommes pour la paix, et nous sommes pour la vérité qui est en Christ.
Aujourd’hui, notre posture est d’être des boucliers pour les enfants d’Israël, mais aussi en vérité pour ne pas tomber dans un extrémisme face à un autre, mais aussi demander que soient respectés tous nos frères et sœurs en Abraham qui viennent des peuples arabo-musulmans. C’est étroit comme chemin, c’est un chemin de crête : tu tombes à gauche, tu tombes à droite. C’est compliqué, mais Jésus nous a prévenu que dans les moments difficile, il ne s’agit pas de se planquer, de mettre les trois verrous de sa porte et d’entrer dans une gentille prière, mais il faut RESISTER. C’est prendre position, c’est éviter le pacifisme de Münich avant la deuxième guerre mondiale, avec une paix qui ouvre un boulevard à Hitler. Résister, c’est très compliqué. Mais je pense qu’avec ce qui se passe en Ukraine, ce qui se passe en Arménie, en Algérie, au Pakistan, au Nigéria, en Israël, en Palestine, dans certains coins de nos pays, il est l’heure de résister, de prendre position pour que notre foi ne soit pas juste une pilule de mélatonine pour mieux dormir la nuit… Une petite prière pour oublier les soucis du monde.
Nous sommes dans ce monde au nom de Jésus-Christ. Nous sommes là pour bénir et pas pour maudire. Mais nous ne sommes pas là pour dire que le mal est bien.

Jésus l’a exprimé en Luc 21 : ne préparez pas ce que vous allez dire. Ne préparez pas des réponses toutes faites pour des situations compliquées où vous allez vous retrouver. « Toi tu es chrétien, donc tu es contre nous ». Ne préparez pas votre défense. Soyez affermis dans le salut que Christ vous a donné, et l’Esprit du Christ, le Saint-Esprit de Dieu viendra vous donner les paroles au moment où vous en aurez besoin. Non nous ne ferons pas de formation dans l’Église pour vous préparer à ces temps-là. On ne peut pas se former, il faut juste prier et lire sa Bible, et, quand c’est le moment, ouvrir la bouche et laisser le Saint-Esprit parler.
Mais voyez, le fait de l’évoquer, avec une forme de gravité aujourd’hui, c’est déjà se préparer. C’est dire « Seigneur, je t’appartiens, et quand ce sera le moment je veux être prêt. Seigneur, je suis à toi, et quand il faudra dire quelque chose, même si ça comporte un risque considérable pour moi, je parlerai et je veux que ce soit le Saint-Esprit qui parle dans ma bouche et non ma trouille, ma peur. Je veux que ce soit toi qui dises la vérité et pas moi qui cherche des compromis. Je veux que ce soit toi qui diriges ma vie jusqu’à sa dernière seconde et pas moi qui essaye de trouver une déviation ou un raccourci. »

C’est compliqué mais je pense que c’est notre responsabilité pour aujourd’hui. Se remettre en Christ, et être lucide que ces choses qui sont arrivées à Paul, Pierre et les autres avant nous, peuvent nous arriver un jour. Quelques-uns ici présents ont déjà eu à le vivre dans leurs lieux.

Alors nous allons prier parce que la seule façon d’être vraiment prêts pour tout cela, c’est juste de faire alliance, jour après jour, avec le Seigneur. C’est lui dire « je suis à toi, tu es vraiment mon Seigneur, j’ai confiance en toi ».

Jésus aurait pu vivre jusqu’à soixante-dix ans, on aurait eu encore plus de bons conseils, mais il a vécu jusqu’à trente-trois ans et il est passé devant un tribunal, et il y a des choses incroyables parce que le Saint-Esprit parlait en lui, et il est mort… et il est aussi le premier-né d’entre les morts, le vivant pour toujours. Est-ce que je serai capable d’avoir ce type de fidélité ? » C’est dans la prière que ces choses-là se fondent et c’est pour cela que nous prions maintenant…

[PRIERE]

Note :

(1) Ce jour devait être le plus festif et le plus joyeux, clôturant la fête biblique des tentes (Soukkot). Il a malheureusement été un jour traumatisant – et même « un 11 septembre » – pour Israël, suite aux attaques lancées un shabbat (samedi 07/10) par le Hamas – organisation terroriste islamiste palestinienne, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007 – dans des localités israéliennes : Environ 800 personnes sont mortes et plus de 2 600 ont été blessées en Israël, et environ 150 civils et soldats sont retenus en otage par le Hamas, selon un bilan communiqué lundi 09/10 après-midi par le bureau de presse du gouvernement israélien. Parmi les morts, deux ressortissants français, ainsi que des Américains et des Britanniques. L’armée d’Israël a répliqué par des frappes aériennes sur la bande de Gaza, provoquant 560 morts et 2 900 blessés depuis samedi, selon l’estimation du ministère de la Santé de Gaza.

Les autorités israéliennes ont été prises au dépourvu par l’attaque du Hamas, laquelle, bien préparée et coordonnée, s’est déroulée sur terre, en mer et dans les airs. Selon plusieurs spécialistes, les services israéliens de renseignement n’ont pas tenu compte de plusieurs signes avant-coureurs tels que des entraînements du Hamas. Cette attaque est survenue à l’occasion du 50e anniversaire de la guerre du Kippour, qui opposa en 1973 Israël aux forces égyptiennes et syriennes après une attaque surprise perpétrée par ces dernières. L’assaut du Hamas intervient par ailleurs dans un contexte de crise politique en Israël, où le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, est contesté pour sa réforme du système judiciaire.

En savoir plus, voir la carte de La Croix et les analyses du Monde.

Chéri(e)… Jésus vient manger à la maison ! (1) L’entrée

« Dieu n’a pas besoin de nos sacrifices, mais il demande un vrai sacrifice, celui de notre cœur » (source image : public domain pictures).

Voici une première variation sur le thème annoncé la semaine dernière [« le plat préféré de Jésus »], par Yannick, que je remercie et qui nous propose un menu, avec « entrée, plat de résistance et dessert ». Nous commençons aujourd’hui avec « l’entrée ».

Sérieux problème ce soir : Jésus vient manger à la maison ! J’avoue que c’est une grosse surprise. Je ne pensais franchement pas qu’il accepterait. Je me disais qu’il avait probablement autre chose à faire. Certes la lèpre ne court plus les rues, mais il doit bien y avoir une guérison ou deux à faire, non ? Et bien quand je lui ai proposé de venir, il a de suite dit oui.

Et moi je me suis tout de suite dit que j’avais un problème. Ben oui… c’est Jésus quand même ! Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir lui préparer ? Moi, j’ai toujours tendance à mettre les petits plats dans les grands et à vouloir sortir le grand jeu. Et puis… ma femme m’a quand même rappelé que « l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu ». Vous comprenez, si Jésus a répondu cela au tentateur lorsqu’il eut faim, cela pourrait me servir à préparer un bon repas.

Alors je me suis mis à faire un menu. Pour l’entrée, pourquoi ne pas commencer par une mise en bouche qui rappelle la volonté de Dieu justement ? Alors ni une ni deux, j’ai sortis la liste d’entrées bibliques. Parmi toutes les bonnes recettes, voici celle que nous allons préparer. C’est d’ailleurs une parole de Jésus. Ce n’est pas pour l’impressionner que j’ai choisie celle-là… il y a peu de chance que la flatterie marche.

Voici : « Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jean 4.31-34) Les disciples pressaient Jésus pour qu’il mange, et voici la réponse qu’ils ont eue. Décidément, les réponses de Jésus ne sont pas celles que nous imaginons.

En entrée : faire la volonté de Dieu. Tout un programme ! Je dirai même que nous pourrions en faire tout un plat. Justement, la volonté de Dieu. Voilà ce que Jésus nous dit, et d’ailleurs tout l’Ancien Testament le disait aussi. C’est d’autant plus important de garder cela en tête que Dieu n’a besoin d’aucun de nos petits sacrifices. Quand le peuple d’Israël pensait être indispensable à Dieu à cause de ses sacrifices, Dieu a mis les pieds dans le plat et leur a bien fait entendre qu’il n’avait pas besoin de cela :

« Est-ce que je mange la chair des taureaux ?

Est-ce que je bois le sang des boucs ?

En sacrifice à Dieu, offre la reconnaissance,

Accomplis tes vœux envers le Très-Haut,

Invoque-moi au jour de la détresse ;

Je te délivrerai, et tu me glorifieras. » (Ps 50.13-15)

Dieu n’a pas besoin de nos sacrifices, mais il demande un vrai sacrifice, celui de notre cœur. En entrée, faisons la volonté de Dieu : adorons le d’un cœur pur, témoignons fidèlement de notre foi, suivons le en toutes choses. Voici l’entrée de ce repas avec Jésus !

(Vendredi prochain : « le plat de résistance »)

(Enfin) les États généraux de l’information : une promesse de campagne pour « protéger l’information libre face aux ingérences » et « pérenniser le financement de l’information libre indépendante »

L’accès à l’information libre : un droit. D’où des « Etats Généraux » pour le « sécuriser » et le « garantir ».

Annoncés dans un premier temps pour novembre 2022, puis pour le début de l’année 2023, enfin pour septembre 2023, ils ont enfin débuté le 3 octobre 2023. Qui donc ? Les États généraux de l’information, une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2022, lequel avait indiqué souhaiter « protéger l’information libre face aux ingérences » (sic) et « pérenniser le financement de l’information libre indépendante(sic) et la production de documentaires ».

Comme l’explique Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) et délégué général du comité indépendant qui pilote ces États généraux(1), dans une interview donnée au Dauphiné Libéré, l’objectif de ces derniers est « d’aboutir à un plan d’action » pour « sécuriser » et « garantir le droit à l’information au XXIe siècle, à l’ère numérique ». Cela pourra passer par des mesures « législatives, fiscales, budgétaires » et par des « recommandations » au secteur. « Ce droit n’est pas un droit corporatiste des journalistes, des médias », tient à préciser Christophe Deloire au Dauphiné Libéré, « c’est un droit pour chaque citoyen, qui est un fondement de notre liberté d’opinion et d’expression, et de l’ensemble de nos droits. » Il sera d’ailleurs possible, pour les mêmes citoyens, de contribuer à ces Etats Généraux(2).

Et ce, alors que « les médias français affrontent une très grande crise », se retrouvant « en concurrence directe avec toute sorte de sources d’information, de contenus. Avec parfois du très bien (….) mais aussi une forme de concurrence déloyale avec des médias de propagande, de sites ou des comptes de réseaux sociaux qui propagent des rumeurs, de la désinformation », nuance Christophe Deloire. « Et ça, ça met en danger le journalisme, les médias mais, plus grave encore, ça met en danger parfois nos vies, quand des campagnes de désinformation sont menées sur des questions relatives à la santé, ça met en question notre capacité à être des consommateurs avertis lorsqu’on se fait manipuler et ça met en danger l’exercice de notre citoyenneté, lorsque du fait de la désinformation, de biais dans l’information, l’ensemble de l’indépendance éditoriale est menacé ».

Les enjeux sont donc nombreux et de taille, d’autant plus que (ironie du sort) ce vaste chantier débute dans un contexte marqué par de nombreuses atteintes à la liberté de la presse constatées en France – voir notamment la récente garde à vue, par la DGSI, de la journaliste Ariane Lavrilleux du média Disclose [pour « compromission du secret défense », dans le cadre de son enquête sur l’armée française en Égypte], suscitant l’inquiétude la profession quant au respect du secret des sources – sans oublier le contexte général de défiance face aux médias (Voir le baromètre Kantar-la Croix), de désinformation, de contrôle de l’information en ligne et de concentration des médias, notamment au profit de Vincent Bolloré, qui acquiert le Journal du Dimanche et impose un directeur de rédaction venu de l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs actuelles, après 40 jours de bras de fer avec les journalistes du JDD.

Autre source d’inquiétude, on se souvient peut-être qu’ une « mission flash » sur l’éducation aux médias avait été confiée, le 09/11/22 à des députés Rassemblement national (RN) et Renaissance (RE). Un choix qui a ému les syndicats de journalistes (SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes), quand on se souvient que le programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022 n’évoquait presque pas la question des médias, prévoyant même une privatisation de l’audiovisuel public susceptible de déboucher sur une situation de concentration dans le secteur.  Quant à Emmanuel Macron, sa proposition de supprimer la contribution à l’audiovisuel public (CAP), la fameuse redevance télé (votée par le Parlement en juillet et appliquée en septembre 2022), qui rapportait 3,7 milliards d’euros à l’Etat, d’après le site service public – a même été perçue comme une menace pour l’indépendance de l’audiovisuel public.  De fait, refusant de participer aux travaux de cette mission flash, les trois syndicats de journalistes ont d’ailleurs suggéré au gouvernement de profiter des Etats généraux du droit à l’information pour réfléchir aux atteintes à la mission des journalistes.

Et par un « pur hasard » du calendrier, « dans le même temps », le Parlement européen se penche sur une « loi européenne sur la liberté des médias », quand syndicats et ONG dénoncent les pressions de la France pour inclure des dérogations au nom de la « sécurité nationale ».

C’est pourquoi il est vital de faire vivre l’écosystème des médias indépendants, non pas « d’opinion » ou véhiculant la vision du monde de tel magnat à la tête d’un empire médiatique, mais traitant sérieusement d’une information d’intérêt général pour contrer la saturation du débat public et proposer d’autres sujets que les obsessions identitaires et anti-immigrés.  Soutenir de tels médias indépendants qui reposent sur un modèle économique participatif, sans publicité, sans subvention et sans actionnaires, c’est un outil de démocratie, et un bon moyen de s’informer et de débattre.

Note :

(1) Bruno Lasserre, président de la Commission d’accès aux documents administratifs et ancien vice-président du Conseil d’Etat, est nommé à la tête du comité de pilotage. Il est secondé par Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Ce dernier se trouve contraint à un exercice délicat : défendre, en tant que délégué général, une initiative destinée à réformer le secteur de la presse, tout en dénonçant, en raison de ses responsabilités chez Reporters sans frontières, la criminalisation du travail journalistique. La sociologue Camille François, l’économiste Anne Perrot, la dirigeante Nathalie Collin. et la journaliste Maria Ressa les assistent.

Le comité de pilotage bénéficie d’un budget et de locaux dédiés. Ses travaux se veulent indépendants, sans tutelle particulière de l’Elysée ou du ministère de la Culture, et transparents, avec plusieurs points d’étape, qui doivent conduire à la formulation de conclusions au printemps 2024.

Les travaux débuteront par une phase de diagnostic et de rencontres lors d’un « grand tour de France » échelonné sur trois mois. Des groupes de travail utiliseront les diverses contributions pour formuler ensuite des propositions d’actions. Les thématiques de travail comprennent les aides à la presse, la publicité, l’audiovisuel public et privé, la qualité de l’information, le financement du journalisme, le pluralisme et l’indépendance éditoriale, mais également les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, et l’éducation aux médias.

(2) Comme le précise encore Christophe Deloire dans l’interview donnée au Dauphiné Libéré, « nous lançons un appel, notamment à travers la presse quotidienne régionale, à toutes les organisations, fédérations aux médias, aux associations, où qu’elles se trouvent en France. Si vous voulez participer, vous avez une place : vous pouvez organiser un évènement, une réunion de travail, envoyer des propositions… Une consultation citoyenne en ligne va être lancée, vous pourrez participer physiquement à des réunions. Bref, c’est le moment de s’approprier ce sujet, de pouvoir l’influencer, d’être entendu de ceux qui édictent les règles et font passer les lois, mais aussi d’un secteur professionnel, des médias. C’est le moment d’un dialogue, d’un échange ! On peut refuser ce dialogue mais c’est quand même une bonne occasion de nous parler, plutôt que s’insulter à distance. »