« The Chosen : c’est un Jésus contemporain »

Par Yannick, que je remercie pour avoir joyeusement relevé le défi d’écriture sur le thème « The Chosen est-il un produit casher » ?

The Chosen est certainement une surprise. Beaucoup ont déjà noté la qualité globale de la série, et c’est vrai. Comparé à de nombreuses autres productions chrétiennes, The Chosen est vastement au-dessus. Les acteurs, le montage, la musique, mais aussi l’esthétique générale des épisodes me laissent une impression très positive de cette série. J’apprécie en particulier le traitement des chefs religieux, en tête desquels Nicodème. La série porte aussi attention aux conditions sociales et économiques du monde de Jésus, ce qui l’aide à s’incarner dans un temps, un lieu… une histoire.

Une question m’a été posée quand même : The Chosen est-il casher ? Merci Pep’s de la question !     

Je donne ma conclusion en avant-première : The Chosen, c’est le Jésus qui correspond à notre société. C’est le Jésus, pour nous, au début du 21e siècle. Je précise un peu par crainte d’être mal compris. Dit ainsi, cela ne veut pas dire que c’est une bonne chose, ni que c’est une mauvaise chose. C’est simplement une observation générale. Le Jésus de Chosen est le Jésus d’une société qui nous correspond.

En soi c’est déjà quelque chose de fascinant à noter ! Il y a quelque chose de profond à l’incarnation culturelle de notre humanité. Que nous le voulions ou non, nous incarnons toujours notre humanité dans une société. D’une certaine manière, et jusqu’à un certain degré, nous ne pouvons que refléter notre société. Nous vivons, pensons… imaginons et créons, les pieds bien plantés dans un lieu et un temps, la tête levée vers les cieux que nous observons dans ce ciel qui est le notre.

Je ne suis pas en train de dire que nous sommes toujours l’image de notre société, comme si nous en étions esclaves ou si nous étions déterminés par celle-ci. Certainement pas ! Par contre, cela veut dire que nous ne pouvons que faire écho aux soucis, priorités, et dangers du monde dans lequel nous vivons. Ce n’est pas en soi un problème. Après tout, notre foi ne doit-elle pas répondre, engagée, aux défis du monde dans lequel Dieu a voulu nous placer ? Que The Chosen reflète nécessairement notre société ne signifie pas que la série est le reflet de « l’esprit du monde » !

Je suis par exemple frappé que The Chosen ait choisit de sur-accentuer la vie d’équipe des disciples. J’ai trituré cette phrase dans tous les sens avant de l’écrire. Au début je voulais écrire que The Chose avait sur-accentué la « vie communautaire » de Jésus et ses disciples. Mais ce n’est pas tout à fait cela. Ce qui est mis en avant c’est plus que simplement la communauté que forment Jésus et ses disciples : c’est leur vie d’équipe. L’un des exemples les plus clairs, c’est le sermon sur la montagne. The Chosen choisit de présenter l’un des plus grands discours de Jésus comme une œuvre d’équipe entre Jésus et Matthieu. Alors… je ne veux pas sur-estimer ce que fait la série dans ce dernier épisode de la saison 2. Jésus est bien présenté comme celui qui est au cœur du Sermon sur la montagne. Et cependant… tout respire la vie d’équipe. Or, à la lecture des Evangiles, je ne suis pas certain que ce soit tout à fait le cas. Possible… pas certain… justement parce que les Evangiles ne disent pas tout, et que la lecture de The Chosen est marquée par notre contexte social. Bien sûr, nous sommes dans une société qui recherche et valorise la vie d’équipe. Voir Jésus comme l’un des plus grands leaders, chefs d’équipe, c’est précisément une image de notre société. 

Mon problème n’est pas avec la liberté créative de la série. Du moment qu’il y a adaptation, il y a liberté… ou alors il faut refuser le don de la créativité. Ma gène principale ici, c’est qu’en faisant du Sermon sur la montagne une œuvre de collaboration, The Chosen ne peut que sous-estimer la portée radicale de ce que Jésus enseigne. Dans les Evangiles, les signes et enseignements de Jésus sont bien plus que des enseignements marqués par l’amour, la compassion, et la sagesse. Signes et enseignements sont l’annonce que Dieu introduit une nouvelle réalité dans l’histoire du monde. En accentuant une cette vie d’équipe, The Chosen doit faire du ministère de Jésus quelque chose de plus collaboratif que ce que la radicalité de son message pouvait produire. Je ne suis même pas certain de trouver les bons mots pour expliquer ce que j’ai dans la tête alors que j’écris ces lignes.

Si une nouvelle réalité s’était approchée dans les pas de Jésus, au point où même les mort ressuscitent avant le « dernier jour »… devons-nous comprendre la communauté des disciples comme une vie d’équipe au sens contemporain ? N’y a-t-il pas plus que cela et aussi… beaucoup moins que cela ? Dans une sens peut-être mystérieux, le message et les signes de Jésus étaient-ils saisis, appréhendés, par ses disciples ? – disciples que les Evangiles nous présentent souvent comme devant se rappeler de ce que Jésus avait fait et dit. 

Une deuxième impression que me laisse The Chosen, c’est que Jésus est venu pour faire de nous ce que nous devrions être. Ce n’est pas une impression que j’ai avec tous les épisodes mais ici et là, l’attitude de Jésus me semble très proche du « coach personnel » qui vient nous guérir de ce qui nous a brisés. C’est peut-être d’ailleurs l’image qui me vient le plus naturellement quand je pense à The Chosen. Nous sommes des êtres que les conditions de la vie ont brisé… Jésus vient nous reconstruire.

Dans un sens, oui bien sûr. Cette femme, atteinte de perte de sang depuis douze ans (Mt 9.20 s.), ces lépreux mis au ban de la société, et même Matthieu, collecteur d’impôt mi-traître mi-collabo… ils sont tous affectés par des circonstances qu’ils n’ont pas choisies. Nous le sommes tous. Et oui, ces circonstances sont la manifestation de la marque profonde du péché. Nous sommes souvent, très littéralement, brisés par ce que la vie nous lance à la figure. Nous sommes des êtres brisés.

Mais ce qui me manque c’est une proclamation beaucoup plus directe et radicale du péché qui nous habite. Entendre une parole restauratrice et libératrice : « Va, tes péchés te sont pardonnés ! » Voilà ce qui est le plus radical. L’accent de The Chosen n’efface pas cela, mais l’amoindrit plus que nécessaire.

J’ai choisi ici une approche qui discute certains points, disons théologiques, de The Chosen. On pourrait me répondre que la série n’est pas un commentaire approfondit de l’Evangile. C’est vrai. Et c’est d’ailleurs pour cela que je ne l’utiliserai pas en évangélisation : c’est déjà une certaine interprétation du texte !

Et c’est là mon dernier souci, et le plus théologique, voir philosophique. Les images ont un pouvoir sur notre compréhension et notre imagination que nous sous-estimions toujours. Certains théologiens, y compris dans la période médiévale, étaient convaincus que la connaissance commençait avec des images et des représentations. On pourrait dire que l’image est le début de notre connaissance. Si c’est le cas, alors l’image de Jésus ne peut qu’impacter notre connaissance de lui. Il est très difficile de nous séparer du visuel. Lorsque nous avons vu l’adaptation cinématographique de notre livre préféré, nous avons du mal à faire abstraction de ce que nous aurons vu. Nous aurons tendance à interpréter et lire le livre en fonction des images.

C’est la même chose pour les Evangiles. C’est la raison principale de mon hésitation à propose de The Chosen. Mon souci principal vient donc de ce que nous pouvons appeler la philosophie de la connaissance. C’est aussi un souci qui concerne notre lecture de la Bible. Plus nous avons d’images de Jésus en tête… plus il nous sera difficile de lire et entendre le texte pour lui-même. Parfois ce sera de « petites touches » que nous oublierons, comme la répartie un poil plus directe de Jésus à sa mère lors du mariage à Cana : « Que me veux-tu, femme ? ». Parfois ce sera peut-être plus important. De toute façon, il faut encore attendre la conclusion de la série.

The Chosen… à regarder ou pas ? Franchement, ce n’est pas mon rôle de dire ce qu’il convient de regarder ou non. Du point de vue purement technique, je remarque la grande avancée que The Chosen représente par rapport à d’autres productions chrétiennes. Pour le reste ? Il y a quand même plusieurs choses qui me font hésiter à faire de The Chosen le véhicule évangélisateur ou apologétique que certains (je trouve) en font.

Dans tous les cas, que nous regardions ou pas… restons nourris de cette Parole que Dieu lui-même a voulu nous laisser. Prenons, lisons, écoutons… et soyons transformés !

« The Chosen » est disponible gratuitement sur le site de la production Angel Studios, sans entrelardage publicitaire et sans qu’il soit nécessaire de créer un compte, en version originale anglaise sous-titrées dans toutes les autres langues (dont le Français) pour les deux premières saisons. Pour la saison 3, la VF n’est disponible que pour les épisodes 1-2, 5-8.

Deux livres (sinon rien) pour se souvenir du génocide arménien

Le 24 avril a eu la commémoration du génocide des Arméniens. Une date qui correspond aux premières arrestations des intellectuels arméniens à Constantinople/Istanbul en avril 1915. Il en suivra un génocide qui coûtera la vie à environ 1,2 million de personnes, soit les deux tiers des Arméniens de l’Empire ottoman. Un événement préfigurant les meurtres en masse du XXe siècle, au point que l’historien et avocat Serge Klarsfeld reste convaincu que, « sans ce génocide, la Shoah n’aurait pas eu lieu ».

Un devoir de mémoire essentiel liée à un enjeu majeur : lutter contre les négationnismes toujours actuels(1) et solidaires des génocidaires-lesquels visent à l’effacement total et organisé de peuples. Et ce, d’autant plus que toutes les populations exterminées ont d’abord été discriminées et stigmatisées, avant d’être « marquées » comme « ennemies ».

En guise d’antidote, deux livres pour se souvenir :

Les Quarante Jours du Musa Dagh, de Franz Werfel paru en 1933 et découvert durant l’été 2022.

Considéré comme l’un des chefs-d’oeuvre du roman historique moderne, il a pour cadre la Première Guerre mondiale. L’Empire ottoman est l’allié de l’Allemagne. En 1915, dans un climat alourdi par leurs revers dans le Caucase, les Jeunes-Turcs procèdent à la liquidation des élites urbaines arméniennes et des conscrits arméniens qu’ils ont préalablement désarmés. On organise alors systématiquement sur l’ensemble du territoire la déportation des populations arméniennes qui sont exterminées en chemin, au cours du premier génocide du XXème siècle. Au nord-ouest de la Syrie ottomane, les villageois arméniens groupés aux flancs du Musa Dagh (« la Montagne de Moïse ») refusent la déportation et gagnent la montagne. Ils résistent plus d’un mois durant aux assauts répétés des corps d’armée ottomans; l’arrivée providentielle des navires français et anglais au large d’Alexandrette met fin à leur épreuve.

Un grand roman épique entrepris en 1929, lors d’un séjour à Damas. Le spectacle désolant d’enfants de réfugiés qui travaillaient dans une manufacture de tapis, mutilés et minés par la faim, fut le point de départ qui décida Werfel à ressusciter « l’inconcevable destinée du peuple arménien ».

Écrit pendant la montée du nazisme des années 1930, et achevé en 1933, peu après la montée au pouvoir de Hitler, le roman de Werfel visait à établir un lien entre le génocide arménien et l’idéologie nazie. D’où la portée anticipatrice de ce roman qui a longtemps été considéré comme le meilleur roman sur l’Arménie dans l’ensemble de la littérature.

Jusqu’à la parution en 1989 du roman Le Conte de la pensée dernière, de l’écrivain juif allemand Edgar Hilsenrath, qui a lui aussi pour sujet le génocide arménien, et que j’ai lu à la même période que le roman de Werfel.

Odyssée tragique et rocambolesque d’un paysan arménien émigré aux Etats-Unis et accusé à son retour en 1914 de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, ce roman est d’un tout autre style que le précédent. Il s’agit en effet d’un récit truculent et épique, parfois osé, conçu en forme de conte, tout en s’inspirant de recherches sur le génocide de 1915 et la culture arménienne.

Il obtient de nombreux prix et est considéré comme l’ouvrage le plus important ayant pour sujet ce fait historique, au point où le critique Alexander von Bormann écrit dans le Neue Zürcher Zeitung : « Je crois cependant que le roman d’Hilsenrath a une importance supérieure à celui de Werfel en ce qu’il est à la fois historique et poétique. »

En 2006, Robert Kotcharian, le président de la République d’Arménie, où Hilsenrath est considéré comme un héros national, lui a remis le Prix national de littérature. La même année, Hilsenrath a été nommé Docteur honoris causa de l’Université d’État d’Erevan.

Bonnes lectures !

Note :

(1)On se souviendra aussi notamment sans doute qu’Eric Zemmour,  polémiste d’extrême-droite d’inspiration maurrassienne et candidat malheureux à la présidentielle de 2022, invité par l’UMP (aujourd’hui LR) dans le cadre d’un grand débat programmé mercredi 2 mars 2011 sur l’accumulation au fil des ans de normes « attentatoires à la liberté »(sic) pour parler des lois qui « encadrent la liberté de pensée », avait appelé(dans un discours très applaudi par l’assemblée) à la suppression des lois mémorielles – la loi Gayssot, tendant à réprimer tout propos raciste, antisémite ou xénophobe, la loi Taubira, sur la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l’humanité, ou encore la loi sur la reconnaissance du génocide arménien…(http://www.20minutes.fr/politique/679836-20110302-politique-devant-membres-ump-eric-zemmour-appelle-suppression-lois-memorielles ; http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/28/la-critique-des-lois-memorielles-menee-au-sein-de-l-ump-est-une-derive_1486220_3232.html )

Accueil des demandeurs d’asile : élus, citoyens (et chrétiens ?) face à la « stratégie de la peur » de l’extrême droite

Face à la stratégie de la peur de l’extrême-droite, les chrétiens devraient aussi dire « Non », aux côtés des élus et des associations.

De la côte atlantique à la Corrèze, les attaques de l’extrême droite se multiplient contre les projets de centres d’accueil de personnes migrantes. Portées par Reconquête !, le parti d’Éric Zemmour qui s’est déclaré « contre le Christ et pour l’Eglise », ces actions – qui poussent élus et associations à réagir – ne devraient pas étonner les chrétiens. Ceux-ci savent en effet qu’ils sont eux-mêmes « étrangers et voyageurs sur la terre » cf 1 Pierre 2v11 et Hébreux 11v13-16, et que les nations (« les Goyims ») seront jugées notamment quant à la réalité de leur accueil dans ce qui n’est pas une parabole…Leur Seigneur n’a-t-il pas enseigné qu’accueillir ou ne pas accueillir l’étranger, c’est accueillir ou ne pas accueillir Celui qui se désigne lui-même comme « étranger » (Matthieu 25v35-46) ?

Une enquête à lire sur Bastamag, avec le compte-rendu de La Gazette des communes à découvrir.

Enfin, la présence de personnes se revendiquant du « Christianisme » au sein de groupes nationalistes et identitaires pose question : car enfin,  Peut-on être chrétien et être obsédé par « la pureté de la race » ?

Comme devraient poser question nos propres regards et stratégies d’évitement dès qu’il s’agit de l’accueil de l’étranger

Réforme des retraites : Quelques rappels utiles pour comprendre la décision du Conseil Constitutionnel

Le Jugement de Salomon, par Nicolas Poussin (1649). Musée du Louvre. Richelieu, 2ème étage, salle 14.

Comme annoncé et attendu, le Conseil constitutionnel a rendu, le 14 avril, ses deux décisions relatives à la loi réformant le système des retraites [texte adopté lundi 20 mars par l’Assemblée nationale, sans vote, après recours à l’article 49-3], ainsi que la recevabilité de la demande de référendum d’initiative partagée (RIP). Validée – partiellement – par le Conseil constitutionnel le 14 avril, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (LFRSS) a été promulguée et publiée le 15 avril au Journal officiel.

Ceci dit, voici quelques rappels utiles pour comprendre cette décision du Conseil constitutionnel – rappels valables quelle que soit sa décision – par le juriste blogueur Maître Eolas dans un « thread » posté le 14/04/23 (avant la décision du CC) sur son compte twitter : 

« Le Conseil Constitutionnel, même s’il est composé de ce que les journalistes appellent des « sages », ne substitue pas son appréciation à celle du législateur (et ce même si celui-ci n’a jamais voté la loi comme ici). Il juge de la conformité de la loi à la Constitution, que ce soit sur la forme (le processus d’adoption) ou le fond (sa conformité avec le bloc de constitutionnalité que sont la Constitution et les textes visés par son préambule, dont la déclaration des droits de l’homme. 

Oui, il juge. Quel que soit le ou les bords mécontents ce [fameux] soir, vous allez immanquablement entendre des attaques contre le Conseil sur le fait « qu’il est politique » et n’est pas une juridiction. Ce n’est pas vrai. C’est une tarte à la crème, qui a l’avantage d’être toujours prête. Nous avons plus de 50 années de jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui montre une certaine cohérence dans ses prises de position indépendamment des membres qui le composent. Assez pour que des universitaires prennent la peine d’étudier et enseigner ces décisions, et écrire des traités là-dessus. On peut ne pas être d’accord avec ses décisions, mais leur respect (=leur application) s’impose, c’est la Constitution qui le dit. 

Les mécontents de ce soir rappelleront le mode de désignation des membres : trois désignés par le président de la république, dont le président du conseil, trois par le président de l’assemblée, et trois par le président du Sénat. Outre que ces nominations sont désormais contrôlées par le parlement, c’est oublier que ces désignations sont pour neuf ans, que le conseiller est inamovible, et son mandat n’est pas renouvelable. Donc pas de moyens de pression. 

La décision qui sera rendue sera motivée en droit, c’est à dire que le Conseil va expliquer ce qui était reproché au texte, ce qu’il pense de ces critiques, et les conséquences qu’il en tire, en se référant à ses décisions antérieures pour être cohérent. Les revirements sont possibles mais ils sont rares.  De manière générale, le Conseil a toujours, depuis son émancipation de 1971, protégé la souveraineté du parlement. Le législateur a un pouvoir d’appréciation sur le contenu de la loi, et le Conseil a toujours refusé de substituer son appréciation à celle du parlement. Ca ne changera pas aujourd’hui. Même si les 9 membres étaient contre la réforme Macron, ils pourraient quand même la valider. Toute lecture politique, du genre règlement de compte de Laurent Fabius [le Président du Conseil Constitutionnel] qui n’aime pas Macron, sera immanquablement inexacte. On fait du droit rue Montpensier, pas de la télé réalité. 

Le Conseil a un tropisme profondément conservateur. En témoigne son invention des droits de l’homme à retardement, quand il juge qu’une loi viole des droits fondamentaux, mais que ce n’est pas grave, pendant un an on va continuer car sinon c’est le (bazar). Allant jusqu’à interdire aux victimes de cette violation de leurs droits de s’en prévaloir. Il protège l’ordre et l’autorité de l’Etat avant les droits individuels. Jamais la Cour Suprême des Etats-Unis n’aurait osé faire ça. Donc pour que le Conseil censure dans le cadre d’un recours avant promulgation, comme c’est le cas ici, il faut une violation assez flagrante des règles constitutionnelles qu’il applique régulièrement ».  

C’est ainsi que Maître Eolas ne voit « pas comment le Conseil pourrait ainsi censurer le passage de la retraite à 64 ans en raison du contenu de cette disposition. Ce d’autant que cet âge était de 65 ans jusqu’en 1981. 

Le fait de ne pas être d’accord, ou même s’il était démontré l’inutilité ou l’inefficacité de la mesure, ne sont pas des motifs de censure, car c’est une critique politique, pas juridique.  La contrepartie est que quand le Conseil Constitutionnel dit qu’un texte est conforme à la Constitution, ça ne veut pas dire qu’il l’approuve, qu’il est d’accord, « que le texte est bien », ou que son contenu repose sur des prémices exactes. Le Conseil Constitutionnel (s’en moque) : ça c’est (le travail) du parlement. 

Donc, et j’en finis là, quelle que soit la décision ce soir, ignorez aussi bien les critiques qui diront que le Conseil constitutionnel « fait de la politique et pas du droit », et ignorez les déclarations du gouvernement qui dira que le Conseil constitutionnel, s’il ne censure pas l’intégralité du texte (et c’est probablement le cas), a confirmé que le gouvernement avait eu raison de procéder comme il a procédé. 

Ah, et non, il n’y a pas de censure sur des points de détail : toute déclaration de non conformité devrait faire monter le rouge au front de celui ou celle qui a écrit le texte censuré et imposer de profondes et sincères excuses au peuple de sa part.

Enfin, Non, le Conseil n’a pas validé la réforme. Il n’a pas validé tout ce qu’il n’a pas censuré. Il n’a validé que ce dont il était saisi. Voici les articles qu’il a validés :

Tout le reste peut être attaqué par voie de QPC [Question prioritaire de constitutionnalité] ».

Aller plus loin : Pour comprendre pourquoi « un peuple libre est un peuple qui honore la justice », lire notre méditation biblique de Deutéronome 1v9-18.

Theostream, « le netflix de la foi » : « à boire et à manger » ?

Une offre spirituelle analogue à celle qui dit à l’ado : « tiens, il y a à boire et à manger dans le frigo »

Theostream, « le Netflix [ou la VOD] de la foi », lancé Mardi 21 février 2023 par le père Matthieu Jasseron, réunit déjà 1,2  million d’abonnés sur les réseaux @sociaux.  

Ce site, qui s’adresse principalement aux 15-35 ans, rassemble des vidéos de youtubeurs chrétiens de toutes les obédiences, catholiques, protestantes, évangéliques et orthodoxes. On y retrouve notamment le podcast « un pasteur vous répond » du site évangélique TPSG, mais aussi des contenus non chrétiens, sauf erreur (j’ai ainsi repéré l’historienne youtoubeuse « Manon Bril »), censés répondre aux questions des jeunes internautes en quête spirituelle.

Une question demeure : comment un prêtre catholique peut-il dire autant de choses en décalage avec la doctrine de l’église catholique et la Bible ? Le Père Matthieu Jasseron est connu pour ses vidéos sur Tiktok et sur Youtube, et pour les polémiques sur l’homosexualité (notamment la bénédiction de mariages de personnes de même sexe), le diable (« qui n’existerait pas ») ou encore sur la désacralisation de la liturgie. Des catholiques lui reprochent encore de présenter comme étant la position de l’Église ses propres positions théologiques liées à des écoles particulières, alors mêmes qu’elles s’opposent à ce qu’expose clairement le Catéchisme de l’Église Catholique.

Pourtant, le site, gratuit, qui s’adosse à une association baptisée Épiscope, est soutenu par la Conférence des évêques de France, et espère devenir « un outil de référence chrétien » proposant « des réponses diversifiées et de qualité », relève Télérama, qui ne manque pas non plus de pointer « les limites de la diversité de points de vue revendiquée par la plateforme, qui prend des allures de fourre-tout et met en lumière des youtubeurs s’autoproclamant défenseurs d’une morale archiconservatrice ».

Ainsi, les jeunes internautes tiennent par exemple à savoir si la Bible les autorise à se masturber : « oui » pour la pasteure inclusive Carolina Costa ; « non » pour Kabyle catholique, qui affirme, étude américaine à l’appui, « que les étudiants vierges et chastes sont plus performants et risquent moins de se suicider ». 

Au final, que vaut cette aventure théologico-numérique à ligne extra-large sur le plan de la foi biblique, où l’on trouve « à boire et à manger » ? Quels risques pour un public en quête spirituelle, et potentiellement vulnérable ?

Face à l’absence (ou presque) de réactions protestantes et évangéliques, j’ai demandé leur avis sur cette plateforme à des catholiques : ainsi, Simon, du Verbe.com, me dit ne pas avoir d’avis arrêté et « doute qu’elle devienne très importante dans l’espace médiatique actuelle. Esthétiquement parlant en tout cas c’est pas dans mes goûts. Dans tous les cas, il est certain que s’il y a un mélange de bon grain et d’ivraie il ne faut pas la juger trop vite. La vérité est toujours plus lumineuse dans les ténèbres ! »

Ou encore Benoît, du collectif anastasis, qui ne connaissait pas Theostream avant ma question : « qu’il y ait une diversité d’opinion, pourquoi pas, ça a le mérite de faire voir que de fait l’Église n’est pas monolithique (et que ce n’est peut-être pas si grave).  Ma méfiance concerne plutôt l’outil… j’ai du mal à croire qu’on puisse faire avancer l’Évangile en devenant un people sur tiktok… l’outil en lui-même me semble très problématique [ceci dit en référence aux réflexions d’Ellul] et il y a une illusion à croire que le moyen technique est neutre et qu’on peut en faire ce qu’on veut. Par exemple, en regardant rapidement les thématiques abordées sur le site [sexualité, au-delà …] il m’est paru flagrant que l’outil « réseaux sociaux » façonne un certain type de subjectivité et par suite un intérêt exclusive pour certaines questions (qui n’étaient vraiment pas les questions centrale pour Jésus…). J’aurai plus facilement des affinités avec des chrétiens [oeuvrant pour sortir les gens de youtube et de tiktok, et les ramener dans la rue] et pouvoir ainsi vivre avec eux l’Évangile ! »

Du côté protestant, Josiane, engagée dans la paroisse du Marais, à Paris, et leader de jeunesse, relève qu’« à la différence de Netflix, qui a des partis pris sur certains sujets -assez évidents quand on regarde les séries qu’ils produisent eux mêmes – sur Theostream j’ai l’impression que c’est un grand fourre tout, avec le label chrétien. Alors c’est sympa parce qu’il y a un peu tous les horizons, mais pour s’y repérer…cela me paraît compliqué pour quelqu’un qui découvre, de ne pas en ressortir confus. Il y a tout et son opposé j’ai l’impression (juste au vu de qui est présent, quels courants). Je ne vois pas de ligne « éditoriale » explicite autour de l’évangélisation, tout au plus un pot-pourri/patchwork de tout ce que les uns les autres proposent comme contenus. Si au moins il y avait un canal spécifique animé par les personnes derrière ce site, on aurait une idée de ce qu’ils veulent faire passer comme message. Après, je trouve ça intéressant quand même de montrer qu’il y a une grande diversité chez les chrétiens mais encore une fois, je me pose encore la question  « à qui est destiné cette plateforme ». C’est intéressant pour quelqu’un qui fait une dissert de socio sur l’avis des chrétiens sur plusieurs thèmes ou doctrines…mais pour quelqu’un qui se demande basiquement « c’est quoi l’évangile », je crains qu’il en ressorte confus si pas de mode d’emploi ».

Merci à chacune et chacun pour vos contributions !

On se trouve effectivement devant ce qui ressemble à un conglomérat de contenu sans ligne éditoriale et directrice claire, et ce, d’autant plus que lesdits contenus sont déjà accessibles gratuitement à d’autres endroits. Il n’est même pas certain que les youtubeurs concernés aient donné leur accord. Par exemple, il n’est pas garanti que le podcasteur évangélique « un pasteur vous répond » ait répondu positivement « présent » à ce projet éditorial extra-large.

Bref, je comparerai la démarche Theostream à celle qui dirait à l’ado qui a faim : « tiens, c’est dans le frigo. Sers-toi. Il y a à boire et à manger. C’est rangé de telle et telle façon ». Et ce, en partant du principe que l’ado saura s’alimenter avec discernement, de façon équilibrée, et pas seulement « comme (j’)aime ». 

Or, cette ligne pose questions, vu que l’idée, de l’aveu du concepteur recueilli par Télérama, est de : « montrer tout ce qui existe, tant que ces personnes s’expriment dans la bienveillance. On ne cherche pas à mesurer la pertinence d’un propos, car la Bible peut être reçue différemment par chacun. Un catholicisme très orienté existe. Il touche le cœur de certains, nous ne pouvons donc pas l’ignorer. Mais nous nous donnons une semaine pour tout revérifier, et éventuellement retirer certaines vidéos. Nous devons peut-être être attentifs aux contenus qui flirtent un peu trop avec une idéologie politique (….)Matthieu Jasseron a souligné sur la radio RCF que la moitié des jeunes friands de ses TikTok sont non-pratiquants ou fidèles d’une autre religion. Charge donc à ces internautes novices de se frayer un chemin entre des propos parfois diamétralement opposés, tous mis sur un plan d’égalité. De séparer, devant leur écran, le bon grain de l’ivraie. Comme sur les réseaux ».

La bonne blague ! Sur quels critères ?

Bref, « à boire et à manger dans le frigo », ce qui n’est pas sans risque, en effet, pour des personnes en recherche et en perte de repère. Reste à savoir si un tel site tiendra la durée ou si ce sera juste un effet d’annonce ou de mode passagère. Une démarche inverse à celle du site « 1001 questions », par exemple, où ce sont de « vrais gens » avec une ligne théologique claire qui prennent le temps de répondre directement de manière appropriée, bienveillante et pertinente.

Dans tous les cas, scam doc donne au site « 1 % », soit un indice de confiance « très faible » – « réservé aux internautes très expérimentés ».

De quoi encourager l’Eglise, communauté chrétienne, à se demander ce qu’elle peut apporter à la génération dite « Z » ! 

MAJ 11/01/24 : A noter que Matthieu Jasseron, a annoncé mercredi 13 décembre 2023 mettre fin à son activité numérique : « J’aimerais juste vous dire au revoir et de tout cœur, merci chers amis« , a-t-il déclaré dans une vidéo. « Après trois ans sur les réseaux, il me semble qu’il est temps pour moi d’arrêter. » À ses abonnés – 1,2 million sur TikTok, 63 000 sur Instagram – le père Matthieu a évoqué une « position médiatique [qui] flatte parfois en [lui] un orgueil qui n’est pas toujours très ajusté. Et révèle peut-être même une dimension un peu ‘gourou’ dont il me semble qu’il faudrait se méfier. »

En ce moment, j’écoute Chavah, « messianic radio »

« Chalut !« 

« Chavah ?« 

Chavah signifie « dire », « parler », « faire connaître », en hébreu.

C’est aussi le nom d’une excellente web-radio que j’écoute en boucle, diffusant de la musique « juive messianique et hébraïque », à des fins d’édification et d’encouragement, en particulier de celles et ceux qui reconnaissent « Yeshouah » (Jésus) comme leur Messie, Sauveur et Seigneur.

Lancée en 2020 par Judah Gabriel Himango, grâce à un financement participatif, cette radio est disponible sur le web et sur applications. Elle s’écoute gratuitement, non parasitée par la pub, et sans qu’il soit nécessaire de se créer un compte.

L’on pourra apprécier la grande qualité des contributions et leur extrême diversité de styles  – on y trouve même du reggae, et, pour une fois…..pas du tout de « gospel » !

Notons enfin que certains des artistes de ce site Web ne sont ni chrétiens ni messianiques, mais pratiquent le judaïsme traditionnel. Leur présence sur une telle radio se justifie, comme l’explique son fondateur, « parce qu’elles font partie de notre héritage en tant que disciples du Messie juif, et parce qu’elles amplifient souvent les paroles des Écritures, en particulier les psaumes. Dans de telles choses, il n’y a qu’édification ».

Sur ce, bonne écoute !

Rendez-vous au puits : de nos jours, où vivre la rencontre ?

Une première de couverture qui présente un puits et deux pailles, comme pour une invitation « pep’sillante » à un ressourcement partagé. Au bord de la margelle, un voyageur en repos, à moins qu’il n’attende cet autre voyageur que nous distinguons dans l’arrière-plan et qui s’apprête peut-être à faire une pause à ce même puits, à son tour.  Le nouveau titre de la collection « La Bible tout en nuances » à paraître le vendredi 14 avril chez Bibli’O, nous donne « rendez-vous au puits », à l’heure du robinet, pour mieux échanger ensemble sur cette éternelle question existentielle : « de nos jours, où vivre la rencontre », qu’elle soit amoureuse, amicale ou spirituelle ? 

Pour y répondre « tout en nuances », trois regards se croisent, trois voix se font entendre pour explorer la fécondité des textes anciens : Sandrine Caneri, bibliste orthodoxe, nous invite à la (re)découverte des rencontres près du puits de la Bible ;  Amélie Nothomb, écrivaine belge, nous partage un cheminement personnel, celui qui l’a conduit à écrire son roman « soif », sur la passion du Christ ; et Stanislas de Quercize, entrepreneur et ancien chef d’entreprise, engagé désormais pour l’économie circulaire, nous propose des pistes d’actualisation pour « se ressourcer dans la rencontre ».

Une invitation bienvenue au voyage, au ressourcement, et à la rencontre avec l’autre, soi-même et avec Celui qui est le Dieu véritable et la vie éternelle (Jean 17v3, 1 Jean 5v20) !

Ouvrage disponible chez l’éditeur ou dans toutes les bonnes librairies. Reçu en service presse en avant première, avant sa sortie officielle, de la part de Laurène de La Chapelle, chargée de communication auprès de l’Alliance Biblique Française, que je remercie !

« Victime d’injustice ou de harcèlement » : « c’est tout Jésus, ça »

Un procès expéditif « politique », « une forme de persécution », « un innocent condamné à tort », un « martyr »…Cela vous rappelle-t-il l’actualité récente ? 

En réalité, nous parlons de Jésus-Christ et de sa passion commémorée ce vendredi saint, dans le cadre de la fête de Pâques.

« Vous l’avez sans doute vu passer » : Le quotidien Le Monde souligne toute la frénésie médiatique autour de l’arrivée d’un ex-président américain à New York, la veille de sa comparution devant le tribunal, mardi 04 avril : Des hélicoptères qui suivent son convoi, des professionnels payés pour réserver les meilleurs spots aux chaînes de télévision au tribunal de New York…Donald Trump est poursuivi pour avoir « falsifié à plusieurs reprises » des documents financiers de son groupe, la Trump Organization, dans le but de « cacher une conduite criminelle » et ainsi « dissimuler des informations préjudiciables aux électeurs lors de l’élection présidentielle de 2016 », selon l’acte d’accusation.

Rien de tel pour Jésus-Christ (1), qui n’a pas bénéficié d’une arrestation aussi médiatisée, puisqu’elle a eu lieu de nuit (Matthieu 26v5 et v47 et ss).

(Source image : compte twitter du juriste-blogueur « Maître Eolas »)

Par contraste encore avec Jésus, les élus républicains ont fait bloc, sur les plateaux TV, les réseaux sociaux et dans les communiqués de presse, pour soutenir Donald Trump, érigé en véritable martyr, mais pourtant visé par trois autres enquêtes dans des dossiers autrement plus graves, en premier lieu l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole par les partisans du 45e président des États-Unis. Signe de l’influence persistante de l’ex-président battu aux dernières élections, au sein du parti républicain [une forme d’emprise spirituelle qui devrait poser question], tout le camp dit « conservateur » s’est levé d’un seul homme pour dénoncer une « persécution politique ». 

A l’inverse, Jésus a été trahi et vendu pour trente pièces d’argent par l’un de ses disciples (Luc 22v3-6), renié par un autre(Matthieu 26v69-75), abandonné de tous (Matthieu 26v56), et la foule lui a préféré « Barrabas » [en prison pour émeute et meurtre], réclamant qu’il soit « crucifié. Nous n’avons pas d’autre roi que César ! » (Jean 19v15).

Donald Trump a plaidé non coupable des 34 chefs d’accusation, puis a été remis en liberté. Les empreintes de l’ancien président ont été recueillies, mais il n’a pas été incarcéré, en raison de la nature des accusations et du fait qu’il soit « un primo-délinquant », précise USA Today

Jésus, quant à lui, a été menotté, moqué, insulté, giflé, battu et n’a pas eu d’avocat à son propre procès. Quoique accusé par de faux témoins et condamné à mort sur la base d’une simple déclaration [la vérité sur son identité de Fils de Dieu et de Messie], il n’a pas discrédité les institutions de son temps (cf Matthieu 26 et 27).

Jésus avait pourtant prévenu les siens de ce qui allait se passer : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite. » (Luc 9v22)

Les femmes, trouvant le tombeau vide, s’entendent dire qu’elles n’ont pas à chercher « le vivant parmi les morts« . Car (Jésus) « n’est pas ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était encore en Galilée ; il disait : “Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des hommes pécheurs, qu’il soit crucifié et que le troisième jour il ressuscite.” (Luc 24v5-7)

C’est là le coeur du message à transmettre aujourd’hui par ses disciples, tel qu’ils l’ont reçu de leur Seigneur ressuscité : « Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Ecritures, et il leur dit : « C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins«  (Luc 24v44-48)

Ce passage de Luc nous fait ainsi découvrir l’importance de la conversion ou de l’appel à changer de vie (metanoia en grec ; Teshouva en hébreu qui signifie « retourner » ou « retourner à Dieu »), laquelle est au cœur du message de l’Evangile de Jésus-Christ, puisque c’est la metanoia qui donne accès au pardon.  Sans metanoia, ce sont d’autres réalités [la recherche de puissance ou de sécurité] qui vont orienter nos choix, nos pensées ou nos préoccupations. La metanoia, ce n’est pas seulement me repentir pour ce que j’ai fait de mal ; c’est aussi me distancer de ce que j’ai cru ou pensé de faux; c’est encore me démarquer de toutes mes idoles plus ou moins conscientes.

Un message dont tous ont besoin, y compris l’ancien président Donald Trump qui a prétendu être « chrétien » mais sans avoir jamais eu besoin de se repentir de quoi que ce soir, et qui s’est également présenté comme « un croyant »….en la « positive theology » (« la théologie positive ») du révérend Norman Vincent Peale, qui « enseigne que « Dieu est facile à connaître, la Bible se résume facilement, le Christ donne le pouvoir de réussir.  Je suis un succès, faut-il se rappeler sans cesse ». Une foi qui ressemble plus à une absolue confiance en soi (ou en l’homme) qu’en une véritable confiance dans le Dieu véritable.

Le même Donald Trump avait aussi déclaré à des évangéliques américains, lors d’un meeting dans l’Iowa, en 2016 : « Si je suis élu, vous aurez beaucoup de pouvoir, vous n’aurez besoin de personne d’autre. »[“If I’m there, you’re going to have plenty of power, you don’t need anybody else.”].  Sauf que cet « autre » inclut Jésus et Dieu, estime le théologien catholique William T. Cavanaugh, interviewé, avec le méthodiste Stanley Hauerwas, par l’hebdomadaire protestant Réforme (02/06/22).  Et William T. Cavanaugh de s’inquiéter du fait que certains chrétiens « (soient) prêts, pour consolider une influence sur le déclin et retrouver un pouvoir coercitif, à s’allier avec le pouvoir politique ».

Les disciples de Jésus-Christ se laisseront-ils séduire par « un autre Evangile » ? [non qu’il y en ait un autre !]

Il est d’ailleurs significatif que le nouveau programme cultuel « de consolation » proposé par l’église protestante de Paris-Belleville, débute ce soir, vendredi saint, avec une première thématique très christocentrée : « Victime d’injustice ou de harcèlement ».   Car, comme me l’explique Gilles Boucomont, le Pasteur de cette église, « c’est tout Jésus, ça. Et en même temps c’est une question omniprésente aujourd’hui.   Nous croyons aussi que la guérison se vit particulièrement à la croix, ou en tout cas dans ce qu’on appelle une théologie de la croix, de l’abaissement de ce Christ qui se vide de son identité divine pour intégrer l’humanité. Alors que la plupart des ministères qui parlent de la guérison vont surtout insister sur la gloire, la puissance de Dieu, le miracle, le surnaturel décoiffant ». 

Evidemment, on est loin de « Make Israël Great Again » !

Note : 

(1) Jésus, dont les chrétiens s’apprêtent à commémorer, ce vendredi saint, le sens de sa « passion » (ou ses souffrances et sa mort à la croix), avant sa résurrection, dans le cadre de Pâques, la fête la plus importante des chrétiens.

« Je ne peux pas ! J’ai église ! » ou Comment Dieu veut être servi

Source image : Incroyable mais vrai, il s’agit de l’inscription d’un tee-shirt disponible à la vente, comme il en existe aussi des « je ne peux pas, j’ai musique » (ou « cheval », « gym », etc….)

« Je ne peux pas. J’ai église ! » 

Combien de fois avez-vous entendu ou donné vous-même cette excuse – certainement légitime – d’un « programme d’église », mais dont les activités, ô combien chronophages, vous empêchent d’être disponible pour des moments tout aussi importants avec les autres, en dehors des quatre murs « de l’église ».

Vous ne savez (ou ne pouvez) jamais vous arrêter ? Les invitations autres que celles « à l’église » sont systématiquement sacrifiées ? Vous angoissez à l’idée d’une case restée vide dans « votre agenda d’église » ?

Dans ce cas, il serait bien possible que vous soyez restés…en Egypte !

Or, « l’overbooking » (en bon français), est-ce cela que Dieu attend de nous ? Comment veut-il être servi ? Le Seigneur nous l’explique lui-même dans Sa Parole, et en particulier dans quel esprit il souhaite que nous lui « célébrions une fête en son honneur ». Soit, d’après Deutéronome 16, dans un esprit libéré, plus élargi et plus inclusif que les contraintes/limites que nous pouvons mettre dans ce terme « service pour Dieu » ou « faire la fête ».

En effet, c’est en cela que « les fêtes de l’Eternel » sont des grandes fêtes, et pas seulement par la durée. C’est ensemble que nous sommes appelés, non pas tant exclusivement « à aller à l’église » mais à « être l’Église », corps vivant et agissant au cœur de ce monde, non pas pour nous-mêmes mais pour les autres, afin de manifester à tous la disponibilité et l’amour de Dieu. 

Cela tombe bien, et voici l’occasion d’y réfléchir, car mercredi soir 05 avril débute Pessah ou la Pâque, la fête biblique fêtée par nos amis Juifs jusqu’à jeudi 13 avril. Il sera commémoré comment un peuple esclave, qui ne s’arrêtait jamais, travaillant toujours et toujours plus au service de « projets pharaoniques », « est sorti » libre « à main forte et à bras étendu » du pays « de l’étroitesse et de la double angoisse » pour « célébrer une fête » à leur Libérateur « dans le désert ».

Et lors de la Pâque, Dieu nous appelle tous (les Juifs mais aussi les non-Juifs) à « sortir de toutes nos Egyptes », qui ne sont pas seulement « géographiques » !

« La Semaine sainte » (« Piqué » sur le compte twitter du « webpasteur » Gilles Boucomont, 29/03/21)

En parallèle, les disciples de Jésus-Christ entament la dernière semaine du Carême, [du 22 février au 06 avril, cette année, vu comme un temps de préparation, de réflexion et de conversion], appelée « Semaine Sainte ». Celle-ci a débuté le dimanche 02 avril dit « des rameaux », avec le rappel de l’entrée de Jésus dans Jérusalem [non pas sur un éléphant ou un cheval blanc, mais] sur un ânon, et commémore successivement (« jeudi saint ») le dernier repas de la Pâque pris par Jésus avec ses disciples (avec l’épisode du lavement des pieds raconté par Jean), (« vendredi saint ») la passion du Christ, sa mort sur la croix, sa mise au tombeau et (le dimanche de Pâques) sa résurrection, sans laquelle la foi de ceux qui reconnaissent Jésus comme leur Seigneur serait « vaine ».

Vous l’avez compris, cette fête met le même Dieu libérateur à l’honneur : Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauveur » et « Dieu…élargit » !

Qui sont les évangéliques ? Sont-ils « à la conquête du monde » ? Un documentaire sur Arte

Surtout ne pas condamner d’emblée, sans l’avoir vu, sur la base du seul titre (que l’on pourra juger racoleur) ou de simples « ouï dire ».

Surtout ne pas céder au réflexe victimaire/du repli identitaire, en mode « encore un film sur les Evangéliques ! », « c’est signé ! », « pauvres de nous », etc…

Mais avant tout, prendre le temps de le regarder avec « un coeur loyal, honnête et bon » (Luc 8v15), et avec la noblesse des Béréens (Actes 17v11), pour apprécier la démarche historique et sociologique de ce documentaire fort bien réalisé et documenté, susceptible de nourrir toute une série de questionnements, comme d’ouvrir un débat nécessaire sur des points que l’on ne peut éluder.

En trois volets et intitulé “Les évangéliques à la conquête du monde”, il est accessible en ligne sur le site d’Arte depuis le 28 mars et visible jusqu’au 09 juin 2023, et sera diffusé en direct sur la chaîne mardi soir 4 avril, à 20h55.

Si « les évangéliques à la conquête du monde » est susceptible d’en attrister plusieurs, puisse cette tristesse être celle « selon Dieu », laquelle « produit un repentir qui conduit au salut et ne laisse pas place au regret », alors que « la tristesse selon ce monde produit la mort » (2 Cor.7v10). Ainsi, en nous laissant éclairer par le Saint-Esprit, dont le premier travail est de nous « convaincre de péché, de justice et de jugement », nous serons en mesure de discerner si notre témoignage est fidèle et véritable, ou si nous sommes en décalage avec la pensée et le projet de Dieu.

Et si le documentaire est de nature à en mettre d’autres en colère, susceptibles de qualifier cette démarche de « trahison », puisse cette colère être mieux ajustée, du fait de la description du « processus d’une véritable trahison de l’identité évangélique, par une recherche de pouvoir et une collusion coupable avec le monde politique, souvent accompagnées d’une prospérité financière indécente »(pour reprendre la formule de Vincent Mieville dans sa note de blogue sur le documentaire).  Et comment les disciples de Jésus-Christ ne pourraient-il pas considérer « comme une trahison » une telle collusion, vu que c’est justement la collusion entre le religieux et le politique qui a conduit à la condamnation à mort de leur Seigneur ? (Marc 3v6)

Puisse cette colère être aussi celle de Jésus, constatant à quel point le temple, « la maison de son père » et « maison de prière pour tous les peuples », a été détourné en « caverne de voleurs ». Cette colère l’ayant conduit au grand ménage décrit dans les Evangiles, il nous invite aujourd’hui à nous positionner clairement, vu qu’il est impossible de servir « dans le même temps » Dieu et Mamon – la seule divinité que Jésus appelle par son nom (Matt.6v24).

Une mise en garde utile contre un mouvement idéologique qui menace, non seulement les fondements démocratiques, mais aussi ce qui fait le coeur et le sens de la foi chrétienne biblique. Car les chrétiens, qu’ils soient d’expression évangélique ou autres, ne sauraient « se vendre » ou être « achetés » par une puissance, qu’elle soit politique, religieuse ou économique (ou les trois à la fois !), car « c’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage » (Gal.5v1) et « quelqu’un a payé le prix de votre rachat : ne devenez pas esclaves des hommes » (1 Corinthiens 7v23). 

Les 3 épisodes, avec quelques commentaires :

L’Episode 1, intitulé « La grande croisade », raconte comment, de la guerre froide à nos jours, l’expansion de l’évangélisme a favorisé l’émergence d’un fondamentalisme chrétien.

Sont présentés les évangéliques et leurs origines, non pas en Amérique, mais en Europe, dès la Réforme au XVIe siècle et leurs principales caractéristiques. Une partie historiquement intéressante – quoique trop courte à mon goût – défend la thèse selon laquelle il y a, dès le début de son histoire, deux évangélismes. Comme l’explique l’un des co-auteurs et sociologue des religions Philippe Gonzalèz à l’hebdo Réforme (N°3988, 30/03/23) : « tout part d’un constat : l’évangélisme est l’un des courants religieux les plus dynamiques à travers le monde. Si les évangéliques ne constituent pas un bloc homogène, une frange importante, majoritaire aux États-Unis, a fait de la défense de certaines « valeurs » un combat social, politique, qui dépasse de très loin le seul cadre religieux. Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons essayé de mettre en regard deux traditions distinctes au sein de l’évangélisme. L’une remonte à Roger Williams (1603-1683), chantre de la tolérance religieuse, qui a toujours prôné une stricte séparation entre l’Église et l’État. L’autre puise son inspiration chez les puritains, à la même époque : c’est une tradition davantage hégémonique, qui a profondément imprégné le fondamentalisme américain du début du siècle dernier. Nous avons souhaité décrypter comment ce dernier s’est attaché à politiser la religion, notamment à partir de la création en 1942 de la National Association of Evangelicals américaine (NAE), qui va populariser la nouvelle acceptation du terme évangélique ».

Lire l’article de Réforme :

Puis, le documentaire montre comment, avec la guerre froide, le prédicateur et évangéliste Billy Graham donne à cet objectif un formidable élan. Sillonnant le globe au fil de « croisades » anticommunistes d’évangélisation, il galvanise des meetings géants au service des présidents conservateurs, d’Eisenhower à Nixon. Opposé à la ségrégation, il se tient pourtant à l’écart du mouvement pour les droits civiques emmené par Martin Luther King, « manquant d’entrer dans l’histoire », selon l’analyse des auteurs du documentaire. Après le scandale du Watergate ayant conduit à la démission de Richard Nixon, il s’estime trahi et se retire de la politique intérieure pour se consacrer au reste du monde, visitant au total 185 pays. Dans son sillage, la dynamique d’expansion se poursuit et les « méga-églises » se multiplient en Corée du Sud, au Brésil ou au Nigeria

Le deuxième épisode« Les évangéliques au pouvoir » – raconte comment, dans les années 1970, le retrait de Billy Graham laisse la place à des figures américaines plus radicales, comme le télévangéliste Jerry Falwell ou le théologien Francis Schaeffer. Sous leur égide, l’influence d’une droite chrétienne centrée sur la défense des valeurs familiales favorise en 1980 l’élection de Ronald Reagan.  La lutte contre l’avortement devient le fer de lance du combat évangélique contre la sécularisation de la société. Quarante ans après, les élections de Trump et Bolsonaro, en 2016 et 2018, illustrent la puissance du mouvement, notamment au Brésil, qui fut longtemps la plus grande nation catholique au monde.

L’on apprend notamment (ce qui sera peut-être une surprise pour certains) l’origine de l’engagement politique des évangéliques américains, lequel n’est pas l’avortement, mais…..la ségrégation(1). 

Tout aussi édifiants dans cet épisode, les témoignage de quelques évangéliques d’alors, ayant pris aujourd’hui leur distance, voir même étant entrés en résistance. C’est le cas de Frank Schaeffer (fils de Francis Schaeffer, théologien évangélique bien connu) qui revient sur son implication dans la réalisation de films pour les campagnes anti-avortement de la fin des années 70, qu’il décrit aujourd’hui comme des films de propagande à visée politique. Ou encore le docteur Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes » et prix Nobel de la Paix en 2018. Ou encore Robert Schenk, pasteur activiste de la majorité morale dans les années 80-90, évoquant les méthodes manipulatrices qu’il utilisait alors, jouant sur les peurs [NDLR : et qui apparaît notamment dans le documentaire « les armes de lumière »]

Le troisième épisode« Dieu au-dessus de tout ? » – se focalise sur le nationalisme évangélique américain, teinté de suprémacisme blanc, et veut montrer les liens entre ce dernier et l’extrême-droite identitaire et nationaliste en Europe (notamment en France, avec Eric Zemmour et Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen, et en Hongrie, avec son premier ministre Viktor Orban) agitant l’épouvantail du mythe du « grand remplacement »(2).

Une partie qui pose question : Quel impact de cette idéologie nationaliste identitaire sur l’évangélisme français en particulier et européen en général ? Que cherchent à démontrer les auteurs du documentaire ? [Philippe Gonzalez, l’un des co-auteurs, s’en explique heureusement dans cette interview à lire sur le site reformes.ch, découverte grâce au pasteur suisse Philippe Golaz, que je remercie]

Malheureusement, ce dernier tiers nous a paru expéditif, au risque de généralisation et d’amalgame avec les évangéliques français, comme le pointe la Fédération Protestante de France dans un communiqué du 30/03/23, même s’il convient d’être aussi lucide sur certaines réalités, et aurait mérité un quatrième épisode à lui tout seul pour un meilleur traitement (3).

Conclusion :

Enfin, sachant que dans « évangélique », il y a « évangile », le documentaire nous invite à réfléchir aux conséquences, pour notre foi, de la voir vidée de son sens, en étant accaparée, confisquée et instrumentalisée à des fins idéologiques et partisanes.

Comment manier « l’épée de l’Esprit, qui est la Parole de Dieu » (Eph.6v17), pour couper tout lien inapproprié, amalgamant « évangélique » avec politique et nationalisme ?

Faut-il, comme certains s’interrogent, promouvoir un évangélisme dit « progressiste, d’ouverture et de liberté » [qui existe, partout dans le monde, y compris en France], tout en assumant pleinement une proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ?  En clair, croire possible de passer d’une idéologie politique et sociale à une autre, censée être beaucoup plus « évangélico-compatible » ?

A moins que celles et ceux qui reconnaissent Jésus-Christ comme seul Sauveur et Seigneur, décident de se positionner uniquement là où Christ les attend : soit, à Sa suite et en Son Nom (= « Dieu sauve » et « Dieu élargit »), relever Son défi inclusif face à nos tentations exclusives en élargissant les horizons de nos frères et de notre prochain.

En bref : « Les évangéliques à la conquête du monde »,  un documentaire réalisé par Thomas Johnson, écrit par Thomas Johnson et Philippe Gonzalez Trois épisodes de 52 minutes, diffusé le 4 avril à partir de 20h55 sur Arte et disponible en ligne sur le site de la chaîne. Avec les interventions, entre autres, de Robert Jeffress (Pasteur de First Baptist Dallas et trumpolâtre ardent), Paula White (ex-conseillère de Donald Trump, prêchant la théologie dite « de la prospérité »), Franklin Graham (fils de Billy Graham et partisan de Trump), Randall Balmer (historien des religions, Dartmouth college), Darren Dochuk (professeur d’histoire à l’université Notre Dame), Shane Clairborn (co-fondateur des « Red Letter Christians » et auteur de « Vivre comme un simple radical » (Ed. Première Partie, 2010), Jerushah Duford (petite-fille de Billy Graham, qui dénonce la politisation de la figure de son grand-père)……..

Mise à jour le 07/04/23

Notes :

(1) Dans son livre « Bad Faith : Race and the Rise of the Religious Right » (« Mauvaise foi : race et émergence de la droite religieuse »), l’historien Randall Balmer repousse l’idée que l’arrêt Roe v. Wade concernant l’avortement soit à l’origine de l’engagement des évangéliques dans l’action politique, la décrivant comme un mythe. Balmer affirme que le facteur déterminant était, en fait, la réaction des conservateurs religieux aux initiatives de l’administration visant à supprimer les exonérations fiscales accordées à des écoles privées perpétuant la ségrégation raciale et gérées par des groupes religieux. (Cf https://www.politico.com/magazine/story/2014/05/religious-right-real-origins-107133/ ; https://www.thedailybeast.com/segregation-is-still-alive-at-these-christian-schools et https://www.christianitytoday.com/ct/2022/may-web-only/russell-moore-avortement-roe-rechercher-evangelique-fr.html). Parmi ces écoles, la Lynchburg Christian Academy de Jerry Falwell et l’université Bob Jones de Greenville. Voir l’arrêt Green versus Connally de 1971, dans lequel la Cour suprême des États-Unis décida de refuser l’exonération fiscale à toutes les écoles privées de l’État du Massachusetts pratiquant la ségrégation raciale, et ordonna, par la même occasion, au fisc (Internal Revenue Service) d’appliquer cette mesure à tous les établissements privés ségrégationnistes du pays.  Balmer n’est pas le seul à défendre cette thèse. Il y a près de 30 ans, l’historien Godfrey Hodgson citait le pasteur Ed Dobson, un fidèle collaborateur du chef de file évangélique Jerry Falwell père, affirmant : « La nouvelle droite religieuse n’est pas née d’une préoccupation pour l’avortement. J’étais assis dans l’arrière-salle sans fumée de la Majorité morale, et je ne me souviens franchement pas que l’avortement ait jamais été mentionné comme une raison pour laquelle nous devrions faire quelque chose. »

Un fait également évoqué dans cette édition de l’émission « Hautes Fréquences », sur la RTS suisse, avec les co-auteurs du documentaire « Les Evangéliques à la conquête du monde » et le pasteur évangélique Philippe Henchoz.

(2) Cf https://www.20minutes.fr/monde/3131195-20210923-hongrie-eric-zemmour-marion-marechal-invites-viktor-orban-sommet-anti-immigration ; https://www.lejdd.fr/Politique/le-discours-tres-politique-de-marion-marechal-le-pen-aux-etats-unis-3582542 ; https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/conservatisme-budapest-un-sommet-sur-la-famille-avec-eric-zemmour-marion-marechal-et

(3) Ainsi un segment avec le pasteur Ivan Carluer, dont on ne comprend pas trop ce qui a pu motiver la démarche d’inviter Christine Kelly [ex-membre du CSA et animatrice, depuis 2019, de l’émission controversée « Face à l’info », sur la non moins controversée CNews, aux côtés du polémiste d’inspiration maurassienne Éric Zemmour] à venir sur la scène de l’église évangélique MLK de Créteil. Et surtout, dont on ne comprend guère la pertinence avec ce qui précède [concernant le nationalisme chrétien américain] faute d’éléments de contexte suffisants. Je reviens sur cet événement ici pour expliquer ce qui m’a paru problématique à l’époque.