« Ce livre se veut être un réel encouragement pour oser se lancer » : entretien avec Marc Kuhn, auteur de « Lance-toi ! »

« La jeunesse a besoin d’être accompagnée à renoncer sereinement et avec intentionnalité pour s’engager avec enthousiasme et pleine conviction » (Marc Kuhn). Source image : éditions Bibli’O.

« Lance-toi ! » Car « s’engager » est « un défi » et « une chance » !

C’est le message d’un livre éponyme récent, pour les jeunes (et les moins jeunes), qui aborde les freins qui nous empêchent parfois d’agir, mais aussi les forces qui nous mettent en mouvement, sans oublier l’incroyable dynamique que Dieu verse en celui et celle qui comptent sur Lui. 

Son auteur est le pasteur Marc Kuhn, que je remercie d’avoir pris le temps de jouer le jeu des questions-réponses pour Pep’s café!, au sujet de son livre sorti le 12 mai aux éditions Scriptura. Ce qui suit est le résultat de notre entretien : bonne lecture édifiante !

1) « Votre grande passion est d’encourager les autres à s’engager », nous est-il précisé à votre sujet à la fin de l’ouvrage. Vous-même, qui vous a encouragé…à vous engager ? D’abord pendant 10 ans auprès des jeunes en difficulté comme enseignant spécialisé, puis comme pasteur jeunesse dans différentes églises et aujourd’hui pasteur dans l’église évangélique mennonite du Geisberg (Alsace), pour finir dans l’écriture de ce livre ?

Je pense à plein de personnes qui m’ont encouragé tout au long de mon parcours : ma famille, des pasteurs, des amis…Après ce qui a été décisif dans ma vie, c’est lorsque j’ai décidé de suivre Jésus. J’avais 14 ans et j’ai tout simplement saisi tout l’amour que Dieu avait pour moi alors que je ne le méritais pas. Et cette foi, de savoir que j’étais enfant de Dieu et que je n’étais pas seul, a clairement fait la différence dans mes engagements. Même si ce n’est pas toujours facile, je suis convaincu que Dieu veut et peut me rendre capable d’affronter tous les défis que, lui, il met sur ma route.

2)« Lance-toi ! » C’est une interpellation ou une invitation ? A qui s’adressent l’une et l’autre ?

Bien plus qu’une invitation, c’est une interpellation adressée plutôt à un public jeune.
Je ne sais pas si aujourd’hui la jeunesse est moins engagée que ne l’étaient les générations précédentes. J’ai plutôt l’impression qu’elle a davantage besoin d’être convaincue de ce qu’elle fait. Les jeunes se posent peut-être plus de questions sur la pertinence de son engagement. Ce livre se veut être un réel encouragement pour oser se lancer.

3) En quoi « s’engager », à l’heure où « l’indécis est à la mode »comme le chante Meak dans un texte cité en exergue de votre livre, est-il tout à la fois « un défi » et « une chance » ?

S’engager est un réel défi, parce qu’il y a plein de « freins » à prendre en considération. Quelles sont ces hésitations qui peuvent nous passer par la tête : je suis trop jeune, j’ai peur, je ne me sens pas capable, je ne trouve pas ma place, je n’ai pas le temps, est-ce que j’en ai vraiment envie…Ces défis sont tous abordés dans ce livre.
Mais s’engager est aussi tout simplement une chance de réaliser qu’il est possible de surmonter ces défis. Quand je m’engage, cela me donne l’occasion d’apprendre beaucoup de choses sur la vie, d’apprendre sur moi-même, d’apprendre des autres et je crois aussi d’apprendre sur Dieu et de son projet d’engagement pour le monde.

4)Le premier défi que vous lancez à vos jeunes lecteurs potentiels est d’aller au bout de votre livre, mais aussi « de mettre de côté quelques a priori pour se laisser bousculer et interpeller par » Le Livre des livres, la Bible ! Vous citez celle-ci régulièrement dans votre livre, estimant qu’elle a beaucoup de choses à nous dire aujourd’hui sur l’engagement. Vous concernant, qu’est-ce que la Bible vous a personnellement appris à ce sujet ?

La Bible me parle d’un Dieu qui s’est engagé le premier. Son engagement est toujours d’actualité : il offre une solution à l’humanité pour une pleine réconciliation avec lui. Cette solution s’appelle Jésus. Et ce qui est merveilleux, c’est qu’il veut m’associer, nous associer à cette grande mission. Il nous fait le privilège d’être ses collaborateurs.
La Bible m’a appris que s’engager, c’est quelque part une occasion pour chacun de nous de prendre une place dans la grande mission de Dieu. Et voir nos engagements sous cet angle leur donne un tout autre sens.

5)En quoi les textes bibliques cités dans votre livre vous paraissent-ils pertinents et inspirants, pour alimenter une réflexion et interpeller votre lecteur sur l’engagement ?

Chaque texte biblique a été choisi pour répondre à une question que pose l’engagement. La grande majorité des livres bibliques sont représentés. Cela permet au lecteur d’avoir un aperçu global du message biblique et de sa pertinence.

Les extraits proposés sont aussi accompagnés de questions de réflexion et d’appropriation, à aborder individuellement ou en groupe.
La Bible est un livre qui a presque plus de deux mille ans, et pourtant encore pleinement actuel. Les hommes et les femmes dont elle parle étaient eux aussi confrontés aux défis et aux remises en question qu’entraînaient leurs engagements. Aujourd’hui encore, je crois qu’il est tout à fait possible qu’un jeune s’identifie à eux à travers les textes bibliques cités.

6) Les fins de chapitres comprennent des questions de réflexion, mais aussi des propositions de ressources (ouvrages, sites web, vidéos…) « pour aller plus loin » et accessibles via un code QR. Quel a été leur critère de choix ? Comment exploiter au mieux ces ressources ainsi que les questions ?

Le critère de choix a été tout simple : est-ce qu’une bonne ressource existe en lien avec chaque chapitre abordé ? Les ressources pour la jeunesse sont rares en francophonie chrétienne.
Et puis nous avons aussi voulu proposer des pistes représentatives de différentes confessions : il y a donc des ressources catholiques, mais aussi protestantes évangéliques.
Il faut voir ces pistes de réflexion mais aussi d’actions, comme des occasions d’aller plus loin. Les chapitres sont courts et forcément avec quelques raccourcis. Ces ressources sont donc des occasions de creuser les sujets abordés. On peut bien sûr les exploiter individuellement, mais là aussi il est possible de les vivre en groupe, d’en discuter avec une personne de confiance, d’en parler autour de soi.

7)Pâques est derrière nous : cette fête est l’occasion de se souvenir que Dieu est avant tout le Dieu libérateur, qui a libéré et élargit de l’étroitesse et de l’angoisse son peuple, jusque-là trop occupé à travailler sans cesse à des « projets pharaoniques », au profit d’un souverain-« dieu vivant », au point qu’ils n’avaient jamais le temps de le rencontrer pour être avec lui…Or, dites-vous dans un chapitre que j’ai trouvé particulièrement marquant [Chap. 4 : « je ne trouve pas ma place », partie 1 du livre], notre premier engagement – et notre première place – n’est pas de savoir « où », mais « avec qui être ». C’est d’ailleurs la priorité de Jésus, avant même « le faire », lorsqu’il appelle ses disciples dans les Evangiles (Marc 3v13-14)….En quoi est-ce une clé pour un engagement libérateur, plein de sens et porteur de fruits?

Jésus veut nous libérer de notre engagement solo : je sais bien mieux que quiconque ce qui est bon pour moi et ce que je peux faire de ma vie.
Vivre mon engagement seul dans mon coin et rien que pour moi : voilà ce qui a causé la chute de l’humanité.

La clé en effet qu’offre Jésus est d’être avec nous, voilà ce qu’il nous promet.

Dans la Bible, nous trouvons plusieurs promesses de Jésus pour nourrir nos engagements :
– Il nous rend capable par son Esprit, il nous a donné des dons.
– Il est à nos côtés, quand tout va bien, et aussi quand c’est la tempête.
– Il nous place dans une équipe. Et on a besoin des autres et de leurs dons pour se compléter mutuellement.
– il nous donne le repos quand c’est nécessaire.
– il nous encourage quand c’est difficile…

8) De même, à la suite de Jésus et en Son Nom (lequel signifie « Dieu sauve » mais aussi « Dieu élargit »), comment avez-vous souhaité, dans votre livre, relever Son défi inclusif face à nos tentations exclusives, en élargissant les horizons de vos « frères en Jésus » et de ton prochain ?

Ce livre s’adresse à des jeunes déjà engagés dans la foi jusqu’aux jeunes plutôt éloignés de Dieu. Nous avons voulu aussi viser un public très large, appartenant à toutes les confessions chrétiennes.
Je crois aussi qu’il faut voir l’engagement pour Dieu de manière très large : il nous appelle à nous investir pour lui :
– à l’intérieur tout autant qu’en dehors des murs d’une Église
– avec les « frères en Jésus » tout comme avec son prochain

9) Vous êtes pasteur, et pourtant vous rappelez régulièrement que l’engagement ne saurait se limiter (ou s’enfermer) dans les « quatre murs » d’une église, comme si celle-ci était un bâtiment….Et ce, d’autant plus que ceux qui ont été appelé par Jésus à le suivre ne se trouvaient pas dans un lieu de culte, en train d’effectuer « une pratique religieuse », tel que prier, lire la Bible, louer Dieu….

Jésus en est un bel exemple : il n’est pas resté cantonné aux murs des synagogues, ou à la ville de Jérusalem. Il a parcouru les villes, les villages et la campagne d’Israël. Toutes les rencontres faites sur son chemin comptaient pour lui.

S’engager pour Dieu ne signifie pas donc (seulement) s’engager dans une Église ou s’engager dans les ordres (en devenant pasteur, prêtre ou religieux…).
Notre métier, nos relations avec nos voisins, notre rôle de parents peuvent être vus et vécus comme des engagements pour Dieu et avec Dieu.

10)La première partie de votre livre est consacrée aux « oui, mais… » [je suis trop jeune, j’ai peur, je ne me sens pas capable…] susceptibles de nous faire hésiter à nous engager, expliquant comment lever ses freins ou « faire avec ». Le « oui, mais…je suis une femme » vous tient particulièrement à cœur. Pourquoi ?

Je constate que ce « oui, mais… » pose encore problème aujourd’hui. Et pourtant, que seraient le monde et nos Églises sans l’engagement des femmes.
Ce chapitre en effet me tient à cœur parce que je rêve que ce frein-là disparaisse et devienne une chance pour tous et toutes. J’espère faire partie de la dernière génération à avoir besoin d’inclure un tel chapitre dans un livre sur l’engagement.

11) « Choisir, c’est renoncer », répétez-vous sans cesse dans le livre. En quoi « renoncer » s’harmonise-t-il avec l’engagement ?

Je ne peux pas répondre oui à tous les engagements qui me sont proposés. Je suis donc obligé de choisir : pourquoi cet engagement, cette personne, cette direction et pas un/une autre ?

Aujourd’hui, peut-être encore plus qu’hier, un jeune rencontre une plus grande possibilité d’engagements. C’est peut-être pour cette raison aussi que beaucoup de jeunes ont plus de difficultés à s’engager, parce qu’ils doivent tout simplement renoncer à plus de choses qu’avant.

Si je suis convaincu du pourquoi et du pour quoi je m’engage, je pourrais plus facilement gérer la frustration d’abandonner toutes les autres options.

La jeunesse a besoin d’être accompagnée à renoncer sereinement et avec intentionnalité pour s’engager avec enthousiasme et pleine conviction.

12)Votre prière, partagez-vous au lecteur, est que celui-ci puisse se réjouir des effets positifs que ses propres engagements produiront à la fois sur lui-même et son entourage, mais surtout qu’il puisse « aller plus loin avec celui qui s’engage pour toi et avec toi : Dieu en personne ».  Une prière ou un défi lancé à votre lecteur

Ce défi lancé ne peut pas se limiter seulement à de belles paroles. Les cœurs doivent être touchés et transformés pour cela. Seul Dieu peut le faire.
Cette invitation doit donc se transformer en prière.
Jésus a dit en Luc 10,2 : « La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. »

Nos encouragements envoyés à la jeunesse doivent se transformer en prière : Finalement ce n’est que Dieu seul qui peut appeler et faire lever une nouvelle génération de jeunes pour le servir. À nous tous d’être présents à leurs côtés pour vivre ces engagements avec eux.

13) En fin d’ouvrage, vous précisez que l’engagement ne saurait être « un exploit en solo », mais un travail d’équipe. L’Eglise avec « un grand E » (distincte de l’église avec « un petit e ») est d’ailleurs « cette équipe que Dieu a voulu pour toi et pour le monde », dites-vous même encore. C’est-à-dire ? 

Pour paraphraser le pasteur et « théologeek » Olivier Keshavjee, en quoi « l’Eglise fait-elle partie de la Bonne Nouvelle » que nous sommes chargés de transmettre, et pourquoi « non ce n’est pas décevant » ?

L’Église est à la fois une formidable école pour se former, un lieu pour s’essayer dans ses engagements et une équipe pour s’encourager, se stimuler à sortir justement de ses murs.
L’Église est à la fois au bénéfice de la Bonne Nouvelle de Jésus et à la fois le moyen qu’il utilise pour la partager au monde. Donc à la fois bien faible, bien limitée, et à la fois capable de faire de grandes choses.
J’ai besoin de l’Église pour vivre pleinement mes engagements pour Dieu, parce que j’en fais tout simplement partie et parce que l’Église fait tout simplement partie du projet d’engagement de Dieu pour le monde.

14) Dans « la parole contraire » (Gallimard, 2015), Erri de Luca, lui-même auteur engagé et lecteur de la Bible, écrit que « notre liberté ne se mesure pas à des horizons dégagés, mais à la cohérence entre mots et actions ». Qu’en dites-vous ? 

Je rajouterais tout simplement à cette citation l’idée suivante : « notre liberté se mesure à la cohérence que Jésus peut mettre entre nos mots et nos actions »

Le dernier mot est pour vous !

Je terminerai par les derniers mots qui concluent mon livre :
Je te souhaite de vivre tous tes engagements avec une joie simple ou un enthousiasme débordant, les pieds bien ancrés dans ton présent et les yeux tournés vers l’éternité. Mais je te souhaite surtout de les vivre comme de merveilleuses occasions d’être en relation avec Jésus, conscient de participer à la plus belle des missions, sa mission !

Merci, Marc !

En bref : 

« Lance-toi ! S’engager, un défi, une chance », de Marc Kuhn. Editions Scriptura, 2023.

Disponible depuis le 12 mai dans toutes les bonnes librairies et sur le site de l’éditeur

Ouvrage reçu gracieusement « en service presse » de la part de Laurène de La Chapelle, chargée de communication pour l’Alliance Biblique Française, que je remercie !

4 réflexions sur “« Ce livre se veut être un réel encouragement pour oser se lancer » : entretien avec Marc Kuhn, auteur de « Lance-toi ! »

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