L’incompréhension demeure : Combien de vies sacrifiées encore, dont des enfants, avant que l’on ne se décide enfin à restreindre l’accès aux armes aux Etats-Unis ?
Un homme âgé de 18 ans a tué 19 enfants et deux adultes mardi 24 mai 2022 dans une école élémentaire d’Uvalde, Texas, selon la police locale, avant d’être abattu par les forces de l’ordre dépêchées sur place. Il s’agit de l’une des trois plus importantes fusillades en milieu scolaire depuis le début des années 1970 et toutes ont eu lieu au cours de la dernière décennie, selon une base de données du CHDS, une école de formation à la sécurité intérieure. Le président des États-Unis, Joe Biden, a appelé à « faire comprendre à tous les élus de ce pays qu’il est temps d’agir » au sujet de la régulation du port d’armes.
Chaque année, les armes à feu provoquent la mort de plus de 30.000 personnes aux Etats-Unis. Depuis le 1er janvier 2022, 214 fusillades de masse ont eu lieu aux Etats-Unis. Les enfants tués ne sont pas seulement des enfants : ce sont des « nations » qui sont sacrifiées.
Restreindra-t-on un jour l’accès aux armes à feu aux États-Unis ?
Généralement et ce, en dépit des nombreuses tueries ayant notamment lieu dans les établissements scolaires, le « cycle infernal » est toujours le même aux USA : fusillade, indignation et prières, promesses, oubli. Malgré les bonnes volontés, la situation semble être condamnée à ne jamais évoluer, au nom « du culturel » (« la culture des armes ») et au nom du « sacro-saint » deuxième amendement, qui donne le droit constitutionnel aux Américains de « posséder et de porter des armes », et défendue âprement par le lobby des armes à feu, la National Rifle Association (NRA).
Sauf qu’en 2018, il y a eu la plus grande manifestation jamais organisée en faveur d’une régulation des armes à feu aux Etats-Unis.
Souvenons-nous, plus d’un million de personnes, dont de nombreux jeunes, ont marché sur Washington et dans de nombreuses villes des Etats-Unis, le 24 mars 2018, pour sensibiliser l’opinion américaine et les pouvoirs publics sur la question du contrôle des armes à feu et de la sécurité dans les établissements scolaires. Cette « Marche pour nos vies » a été initiée par les élèves survivants du lycée Stoneman Douglas, à Parkland, en Floride où a eu lieu la tuerie qui a fait 17 morts.
Ces jeunes – et non des adultes – ont compris qu’ « il est temps d’agir » au sujet de la régulation du port d’armes. C’est là un combat « pro-vie » contre une idéologie « pro-choice ». Mais ceux qui ont manifesté ont compris que la « culture de vie » ne se limite pas à condamner l’avortement et l’euthanasie. Et qu’être « pro-vie » n’est pas insister davantage et seulement sur les deux extrémités de l’existence terrestre au point d’occulter tout ce qu’il y a entre deux, c’est-à-dire, en l’occurrence, des millions de citoyens vivants.
Ils ont aussi compris que les belles paroles et les seules prières ne suffisent plus : ils veulent des actes et interpellent leurs élus – certains liés à la NRA.
De fait, ceux qui ont manifesté ont également compris d’emblée quel est le vrai problème : il n’est pas impossible en soi de légiférer sur les armes, sauf que certaines forces empêchent toute réforme en ce sens. Selon certains spécialistes, le combat pour mieux contrôler les armes à feu aux Etats-Unis serait même « perdu d’avance ». Découvrir également ici « ce qui bloque » toute avancée législative dans ce sens.
Ainsi, dire « c’est culturel, on n’y peut rien », en réponse aux survivants et aux proches des victimes des tueries, sonne comme une malédiction aux relents (pourris) de fatalisme. C’est aussi un aveu d’impuissance et un aveu (et un témoignage) que l’Eglise (certains évangéliques soutiennent par ailleurs la NRA, à moins qu’ils ne soient soutenus par elle) et par là même le Christ, fléchit les genoux devant une culture et un culte, des puissants et des puissances. Car les cultures sont des cultes et qui dit cultes dit religions. Et qui dit cultes dit sacrifices. Que sacrifie-t-on, sur quel autel ?
Or, le Christ, qui a rappelé que « tous ceux qui prennent des armes seront tués par des armes » (Matt.26v52), n’avait pas d’arme et ne m’a pas forcé à le suivre. Et il est le sacrifice ultime mettant fin à la logique des sacrifices.
Où sont les Églises, dans cette lutte spirituelle contre la « culture » et l’« industrie de la mort » ?
Prions pour la repentance des responsables évangéliques inactifs, ainsi que pour celle des dirigeants et des élus, pour que ceux-ci soient à même de légiférer avec courage, sans compromission et sans craindre la pression des lobbies. En effet, la repentance des plus hauts responsables est de nature à briser des verrous et à libérer une nation.
A voir et à faire voir : « Génération massacre », un documentaire, réalisé en 2019 par Sébastien Bellwinkel et visible sur Arte, lequel dresse un état des lieux de la question, tout en suivant le combat des lycéens rescapés de la tuerie de Parkland, survenue le 14 février 2018, qui avaient lancé un vaste mouvement de protestation, refusant d’être une jeunesse sacrifiée sur l’autel de la culture de mort.
Il est important qu’en France, les enseignants, dans les écoles et les lycées, parlent de ces manifestations à leurs élèves, dont certains peuvent être fascinés par le maniement des armes. Parce que ces lycéens sont un exemple, et un exemple particulièrement positif, parce qu’ils manifestent ainsi leur volonté de vivre dans un monde qui ait du sens, avec des adultes qui soient conscients de leurs responsabilités.