« Inspections suprises » dans les établissements privés hors contrat : vers un renforcement du « contrôle » ?

Les écoles privées hors contrat rentrent-elles "dans les cases", selon le ministère ? Photo de Martin Godwin pour "the Guardian"(14/07/11)

Les écoles privées hors contrat rentrent-elles « dans les cases », selon le ministère ?
Photo de Martin Godwin pour « the Guardian »(14/07/11)

Vous la connaissez peut-être déjà, mais voici une ressource intéressante à découvrir :

En effet, depuis septembre 2015 parait une lettre mensuelle – Laïcité & Religions – lancée par Le Monde des Religions : « cette lettre citoyenne » a pour objectif « d’accompagner les enseignants et les éducateurs ainsi que tous les acteurs publics et la société civile dans leurs missions, en offrant une information claire et concise sur les sujets sensibles de la laïcité et des faits religieux. Conçue à la fois comme un outil de réflexion et de connaissances, elle propose une approche laïque des faits religieux » et « a pour ambition de fournir des clés de compréhension. Chaque édition de la Lettre contient des actualités, un dossier thématique permettant aux lecteurs d’approfondir leurs connaissances des religions et de la laïcité à travers les textes, les rites et les concepts, le décryptage d’un stéréotype, pour démêler le vrai du faux, ainsi que des initiatives d’enseignants ou de la société civile en faveur du vivre-ensemble. Enfin, la rubrique « Question de prof », sera un espace interactif où les lecteurs pourront soumettre leurs questions à un spécialiste ou faire connaître à la rédaction des activités réalisées avec les élèves.

Dans le numéro 9 de mai(1), il est question des inspections sans préavis effectuées par l’Education nationale dans une vingtaine d’établissements privés hors contrat, entre novembre et janvier dernier(2). Voici simplement, pour information, de quoi il retourne :

Le ministère souhaitait ainsi « ne laisser prospérer aucun enseignement contraire aux valeurs de la République », ce qui pouvait laisser craindre que certains établissements jouent un rôle dans la radicalisation de jeunes. Si les résultats précis de ces inspections « surprises » ne sont pas rendus publics, des indiscrétions révèlent que les critiques les plus importantes concernent le niveau académique des enseignants de ces établissements, qui manqueraient le plus souvent de formation et d’expérience. De plus, ils exercent ces fonctions pour un salaire dérisoire, les nouvelles écoles hors-contrat ne disposant pas de beaucoup de moyens(3). Une demi-douzaine de directeurs se seraient donc vus notifier des avertissements, les enjoignant de lutter contre « la pauvreté pédagogique » ou à effectuer des mises en conformité sanitaire.

Du côté du ministère, on insiste sur le fait que les écoles musulmanes n’étaient pas les seules cibles de ces inspections : seulement sept écoles sur la vingtaine d’établissements visités. Aujourd’hui, la France compte une cinquantaine d’écoles musulmane dont la plupart de comptabilise pas les cinq années d’existence requises afin de passer un contrat avec l’Etat(4). Un chiffre à mettre en perspective avec les 1300 établissements hors contrat, dont 200 seraient catholiques, une cinquantaine juifs, une quarantaine musulmans et une quarantaine protestants. Les écoles hors contrat accueillent environ 56300 élèves, soit 0,4 % de la totalité des effectifs selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance(Deepp) du ministère de l’Education.

Jusqu’à présent, ces établissements n’avaient pas besoin d’une autorisation d’ouverture et étaient contrôlés a posteriori. La ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem envisage de modifier le système, afin que l’autorisation intervienne avant que l’école ouvre ses portes.

Une façon de renforcer le contrôle sur ces alternatives ? D’autant plus que, comme on peut le lire sur le site du ministère de l’Education nationale, « les établissements d’enseignement privés sont (déjà) soumis au contrôle de l’État, qu’ils soient liés ou non par un contrat. L’inspection des établissements privés hors contrat est administrative et pédagogique »(5). Affaire à suivre !

 

Notes :

(1) On peut également y lire tout un dossier(op. cit., pp4-5) sur « les convertis », qui, s’ils « intriguent autant qu’ils inquiètent dans une société où les religions instituées sont en perte de vitesse », sont aussi jugés « représentatifs des reconfigurations religieuses contemporaines ». Et « dans la jungle des estimations, deux confessions » ont « le vent en poupe » : l’islam et le protestantisme évangélique. Voir aussi le décryptage relatif à « trois idées reçues sur les conversions ». Ainsi, par exemple : « les convertis (sombreraient)plus facilement dans la radicalisation ». Or, selon la chercheuse Juliette Galonnier, « sur 100.000 ou 200.000 personnes converties à l’islam en France, seule une centaine est partie faire le djihad en Syrie, ce qui fait un pourcentage très faible, de l’ordre de 0,1 % ».(op. cit., p6).

(2)Voir aussi http://www.la-croix.com/Famille/Education/Le-ministere-renforce-le-controle-des-ecoles-hors-contrat-2016-04-19-1200754403

(3)A noter que la précarité des enseignants – et plus largement des professions intellectuelles – existe aussi…à l’Education nationale et dans la Recherche ! http://www.bastamag.net/Des-vacataires-pour-combler-le ; http://www.bastamag.net/Maintenir-les-intellos-dans-la ; http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/Livrenoirnon-titulaires.pdf ; http://www.scienceshumaines.com/profession-intellectuel-le-precaire_fr_1948.html

(4)Mais lesdites écoles peuvent choisir de rester « hors contrat », même après cinq ans. A noter qu’à côté des écoles privées dites « confessionnelles », il existe aussi d’autres écoles alternatives privées Montessori, Steiner, Freinet, mais aussi des écoles autogérées d’inspiration altermondialiste, des écoles bilingues – internationales ou régionales – des écoles pour enfants précoces, dyslexiques…sans oublier les pédagogies alternatives au sein même de l’Education nationale !

(5) « D’un point de vue administratif, l’inspecteur s’assure que le directeur et les enseignants disposent des titres requis et que sont respectés l’obligation scolaire, l’ordre public et les bonnes mœurs, ainsi que les règles sanitaires et sociales requises lors de l’ouverture. 
Le contrôle pédagogique, quant à lui, vise à s’assurer que l’enseignement dispensé est conforme au droit à l’instruction garanti à l’enfant et répond aux normes minimales des connaissances requises à l’issue de la période d’instruction obligatoire. Le contrôle est plus étendu pour les établissements sous contrat : il porte sur l’ensemble des points qui ont conditionné la passation du contrat. Les enseignants font l’objet d’une notation pédagogique »(Source : Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les établissements d’enseignement privé).