Cette année, nos amis Juifs célébrent Chavouot (« pentecôte ») du 04 juin au 06 juin.
En hébreu, Chavouot est la fête des semaines, célébrée sept semaines après la Pâque. Sept est un chiffre évoquant dans la Bible l’achèvement et la perfection.
Cette fête très importante rappelle le don des Dix Paroles (la Torah) par Dieu à son peuple, après l’avoir sorti « à main forte et à bras étendu » d’Egypte, « la maison de servitude ». Elle est aussi l’anniversaire de la naissance du peuple d’Israël, peuple du Dieu qui se révèle et offre alliance, et dont on remémore l’action dans l’histoire d’Israël. « Chavouot » vient ainsi conclure le processus de libération initié à Pessah, la Pâque, avec le don de la Torah qui donne un sens à cette liberté. La période entre les deux fêtes peut être vue comme une sorte de préparation spirituelle pour recevoir la loi de Dieu. Et « Il n’y a d’homme libre que celui qui s’adonne à l’étude de la Torah », selon le chapitre 6v2 du traité Avot (« Éthique de nos Pères »).
En Actes 2v1-11, la Pentecôte [du grec pentékosté, « cinquantième »] est devenue pour les disciples de Jésus-Christ, qui la fêtent cette année le dimanche 05 juin, l’événement fondateur de l’Eglise chrétienne, avec le don de l’Esprit Saint. En effet, l’Esprit du Christ crucifié et ressuscité est offert ce jour-là aux Apôtres, et avec eux, les foules de Juifs pieux originaires « de toutes les nations qui sont sous le ciel » (Actes 2v5), rassemblées pour le temps de la fête à Jérusalem [les non-Juifs recevront ce même Esprit plus tard, en Actes 10]. Les multitudes peuvent désormais connaître « les merveilles de Dieu » (Actes 2v11) et comprendre quelque chose du Royaume de Dieu annoncé par Jésus et les Apôtres, malgré la barrière de la langue, abattue en ce jour par l’effusion de l’Esprit.
Pentecôte, c’est « l’anti-Babel ».
Peut-être connaissez-vous ce récit des plus célèbres et des plus habiles maçons de l’histoire, qui se mirent à construire une tour capable d’atteindre le ciel ? Une petite histoire racontée au chapitre 11 du premier livre de la Bible, que nous appelons « Genèse », mais que les Juifs intitulent « Bereshit ». L’histoire se passe dans la vallée de Chinéar, sans doute en Mésopotamie. Une entreprise gigantesque, totalisante et particulièrement visionnaire, de rassemblement : après le déluge, construire un lieu qui ne serait plus jamais englouti et une hauteur qui fonderait une alliance avec le ciel(1).
Ceux qui ont lu (ou entendu) l’histoire savent que cette entreprise échoua d’une manière retentissante. Non du fait d’une lassitude des constructeurs ou du constat de limites techniques, mais à la suite d’une confusion : ils cessèrent brusquement de se comprendre, de parler la même langue. Dieu les détourna ainsi de cette impasse de croire qu’il était possible d’atteindre le ciel avec des pierres et de la chaux.
L’Ecriture biblique nous dit que cette humanité du début employait des mots uniques (« devarim ahadim »). En réalité, ce ne fut pas vraiment une privation, mais un don venant de Dieu, celui des langues multiples, de l’infinie variété des façons de désigner le même pain, la même vague, le même soleil. Sur le moment, les hommes ne l’apprécièrent pas, et ce fut Dieu qui les dispersa sur toute la surface de la terre, nous dit l’Ecriture (Gen.11v1-9).
Voici qu’avec les multiplications des langues se multiplient les horizons.
Par la suite, les hommes n’ont plus tenté de « fabriquer le ciel », mais ont érigé d’autres constructions monumentales servant, non plus à rassembler, mais à séparer : de « vrais » murs autour des villes ou des frontières, ou encore des murs – ou des systèmes d’idées – « identitaires »….(1)
La « Pentecôte chrétienne » est un anti-Babel, en ce qu’elle inaugure une nouvelle alliance de Dieu, lequel fait une unité de ce qui était alors divisé, renversant les barrières de langues et les murs de séparation.
Le « souffle du violent coup de vent » (Actes 2v2) est venu mettre de l’ordre dans le désordre et la cacophonie des nations, mais pas selon un projet à la Babel, par une réunification de l’humanité où tout le monde parlerait une même langue, utilisant les mêmes mots. Dieu invente un projet inédit et visionnaire où chacun comprend une même vérité dans sa propre langue, dans son environnement culturel, dans ses représentations, et dans sa réalité (Actes 2v7-11).
Aucun humain n’aurait pu ne serait-ce qu’imaginer un tel projet : Dieu créé l’Eglise chrétienne en ordonnançant le chaos de la diversité des religions et des langues, par la puissance de son Souffle, comme « au commencement » décrit au premier chapitre de la Genèse, où le Souffle de Dieu a ordonnancé un monde qui était un chaos, informe et vide(Gen.1v2). Et par là même, Dieu marque l’humanité du sceau de la réconciliation.
Alors, préparons-nous à célébrer « la bonne idée » de Dieu !
Initialement paru le 21/05/21 et mis à jour pour l’occasion.
Note :
(1) D’après Erri de Luca. Maçons IN Première heure. Folio, 2012, pp 17-19 ; et (du même auteur) Babel IN Noyau d’olive. Folio, 2012, pp 56-58