
Chers lecteurs et chers abonnés, voici la nouvelle année, avec l’usage de transmission et déclaration de voeux et bénédictions en tous genres.
Comme je suppose que vous aimez les bénédictions, je vous souhaite, pour cette nouvelle année…tout l’amour de Dieu.
C’est une bénédiction, ça, et un vœu, me répondriez-vous ? Et puis d’abord, qu’entendre par « l’amour de Dieu ? » C’est une vraie « colle », vu que « l’amour de Dieu » signifie à la fois l’amour dont Dieu nous aime et celui que nous devons lui porter, comme le souligne le théologien protestant Antoine Nouis :
L’amour dont Dieu nous aime.
Dans un verset central du Nouveau Testament, « Jean 3v16« , « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique ». Dans cet évangile, le mot « monde » n’évoque pas l’humanité qui aime Dieu, mais l’humanité rebelle. Quand l’évangile déclare que Dieu aime le monde, il ne le fait pas parce que le monde est aimable, mais parce que Dieu est amour. Et Paul le rappelle encore en Romains 5v8 : « ….Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs ».
L’amour de Dieu se présente, dans les Evangiles, sous les traits d’un père qui laisse partir son fils, d’un Christ qui meurt pour ses amis et ses ennemis, d’un maître qui se retire pour que ses disciples grandissent. L’amour de Dieu est l’affirmation d’un Dieu qui se donne lui-même pour permettre à sa créature de se déployer dans toutes les dimensions de son humanité. Le signe de cet amour est le geste d’un Christ qui retire son vêtement et qui s’agenouille aux pieds de ses disciples pour leur laver les pieds. Le Dieu de la Bible est un Dieu qui règne, mais sa royauté ne s’exprime pas dans le registre de la domination et de la puissance, mais dans celui de l’offrande de sa personne et du don.
Dieu nous aime et nous appelle à l’aimer.
Le commandement de l’amour de Dieu est au cœur de la confession de foi d’Israël (Deut.6v4) : « Écoute Israël… le Seigneur est un… tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta personne ». L’expression aimer Dieu est un anthropomorphisme, c’est-à-dire que nous attribuons à Dieu des caractéristiques propres à l’homme, mais comment en parler autrement ? Il convient de l’interpréter.
Antoine Nouis se propose de le faire à l’aide des trois temps de la confession de foi.
1)« Ecoute Israël », l’amour de Dieu est d’abord une écoute. L’écoute de Dieu est la marque du disciple. Dieu est parole, et une parole qui n’est pas écoutée est vaine, elle se perd. Aimer Dieu, c’est prêter attention à sa parole, à l’étude, à son appel pour notre vie. La pire chose qui peut arriver à la foi est d’avoir un esprit habitué à l’Évangile, de laisser la grâce glisser sur nous comme l’eau sur la plume. (écoute = obéissance)Lorsque nous n’écoutons plus Dieu, nous laissons nos pensées sur Dieu prendre le pas sur le Dieu de la Bible. Or, l’écoute (ou l’obéissance) « vaut mieux que les sacrifices » (1 Sam.15v22).
2)« Le Seigneur est un ». En affirmant l’unicité de Dieu, l’amour est un renoncement à tous les autres dieux. C’est une ascèse qui nous conduit à refuser tous les faux dieux de notre monde, les dieux de l’argent, du pouvoir, de la séduction, du bien-être, de la politique, de la mode… tous ces dieux menteurs qui nous font croire que le sens de notre vie réside dans une idéologie, une réussite sociale ou une consommation. Cf 1 Thes.1v9-10 : l’amour, c’est abandonner les idoles pour se tourner vers Dieu, afin de le servir, lui, le Dieu vivant et vrai, en attendant que son Fils vienne des cieux.
3)« Tu aimeras le Seigneur de toute ta personne » : ou « de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force », selon Deutéronome 6v5, et même « de toute ta pensée », selon Jésus, en Marc 12v30. Nous pouvons comprendre cet appel comme le fait d’élever, de faire grandir, le nom de Dieu. Une lecture enfantine de la foi consiste à croire en Dieu parce que Dieu nous fait du bien, qu’il apaise nos craintes et comble nos émotions. Une foi adulte ne croit pas en Dieu pour ce qu’il apporte, elle est au service de l’Évangile et du prochain, à l’instar d’Abraham, qui a été une bénédiction pour les autres, plus qu’il n’a cherché les bénédictions des autres. Bénir, c’est non seulement élever la voix ou prendre la plume, pour dire une chose que Dieu a déclaré bonne – une chose juste et vraie – c’est aussi se mobiliser pour que ce bien énoncé par la parole devienne une réalité
La différence entre un croyant est un disciple et qu’un croyant compte sur Dieu alors que Dieu peut compter sur un disciple. L’évangile nous invite à aimer Dieu en devenant disciples [soit quelqu’un de foi, fiable et fidèle].
La confession de foi d’Israël n’inscrit pas l’amour de Dieu dans le registre du sentiment, mais de la quête, du refus de l’idolâtrie et de la conversion vers une foi désintéressée.
Pour terminer, une citation de Maître Eckart, un théologien du Moyen Age, qui a dit : « Certaines gens veulent regarder Dieu comme ils regardent une vache(1), avec les mêmes yeux ; ils veulent aimer Dieu comme on aime une vache. Tu aimes celle-ci pour le lait et le fromage et pour ton propre avantage. Ainsi font toutes ces personnes qui aiment Dieu pour la richesse extérieure ou la consolation intérieure. Ils n’aiment pas vraiment Dieu, ils aiment leur propre avantage. »
D’après Antoine Nouis, dans ce podcast paru sur https://campusprotestant.com/podcast/episode-2-amour-de-dieu/
Voir aussi son commentaire intégral verset par verset de Genèse 12 et de Deutéronome 6, dans son « La Bible. Pentateuque », sorti en décembre 2021 aux éditions Olivetan/Salvator.
En vous souhaitant une bonne nouvelle année et d’excellentes lectures sur Pep’s café! le blogue !
Note :
(1) Comme une vache ou un poisson, selon ce dialogue évoqué par le Rabbin Abraham Twerski :
« Jeune homme, pourquoi manges-tu ce poisson? demande un rabbin. Parce que j’aime le poisson ! répond le jeune homme. — Oh, rétorque le rabbin. Tu aimes le poisson. C’est pour cela que tu l’as sorti de l’eau, que tu l’as tué et que tu l’as bouilli ? Ne me dis pas que tu aimes le poisson. Tu t’aimes toi-même, et parce que tu apprécies le goût du poisson, tu l’as sorti de l’eau, tu l’as tué et tu l’as bouilli. »(….) « Tant de ce que nous appelons “amour” est en réalité de “l’amour du poisson”. […] Chacun regarde à ses propres besoins. Ce n’est pas de l’amour pour l’autre. L’autre devient juste un prétexte pour sa propre satisfaction. […] Le véritable amour n’est pas à propos de ce que tu obtiens, mais à propos de ce que tu donnes. »